Réforme du Livre VI : Préparation du plan de sauvegarde

23.09.2021

Gestion d'entreprise

Plusieurs modifications sont à signaler dans la préparation du plan de sauvegarde : la présentation à l’initiative du débiteur, les incidences d’une classe de détenteurs de capital et la prise en compte des intérêts des créanciers prioritaires.

Les modalités d’adoption du plan de sauvegarde sont modifiées en profondeur avec l’introduction des classes de parties affectées par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021. Les conditions d’élaboration du projet de plan subsistent pour l’essentiel.  Cependant, certains points méritent d’être signalés en présence de classes de parties affectées dans la préparation du plan de sauvegarde.

On retiendra, en particulier, la présentation du plan à l’initiative exclusive du débiteur, la création d’une classe constituée de détenteurs de capital et la prise en compte des intérêts des créanciers prioritaires.

Présentation du plan de sauvegarde à l’initiative exclusive du débiteur

En premier lieu, le projet de plan de sauvegarde ne peut pas être soumis par un créancier, cette possibilité, autrefois prévue par l’ancien article L. 626-2-1 du code de commerce est supprimée (Ord., art. 29).

Ainsi, la sauvegarde accélérée qui sert de cadre de restructuration préventif au sens de la directive (Rapport au président de la République, les règles générales relatives aux classes de parties affectées), reste à la main du débiteur qui n’est pas en cessation des paiements. Par ailleurs, il garde l’initiative de la procédure (C. com., art L. 628-1, nouv. par Ord., art 38 ;  Rapport au président de la République, la procédure de sauvegarde accélérée). On peut comprendre qu’il s’agit de préserver l’équilibre des intérêts en cause en s’assurant de conserver l’attractivité de la procédure de sauvegarde accélérée en dépit de la nouveauté des classes de parties affectées et ce, d’autant que les seuils qui la caractérisent disparaissent rendant cette procédure moins confidentielle.

Le caractère exclusif de la présentation du plan par le débiteur distingue de manière significative la procédure de sauvegarde de celle du redressement judiciaire, pour laquelle la possibilité pour les créanciers de soumettre un plan est maintenue. En présence de comités de créanciers, cette possibilité était offerte aux membres des comités en sauvegarde et en redressement judiciaire (C. com., art., L. 626-30-2, anc. applicable au redressement judiciaire par C. com., art. L. 631-19, anc.).

Création d’une classe constituée des détenteurs de capital

L’article 37 de l’ordonnance réécrit intégralement l’ancienne section intitulée « des comités de créanciers » devenue « des classes de parties affectées ». Cette terminologie issue de la directive européenne (Dir. (UE) 2019/1023 du parlement européen et du conseil, 29 juin 2019, art. 9 : JOUE 26 juin 2019, L 172/18) intègre dans les classes de créanciers, d’autres parties qui sont affectées par la procédure tels que les détenteurs de capital.

Le choix de créer une classe de parties affectées constituée des détenteurs de capital conduit à préciser le contenu du plan à leur égard dès lors que ce dernier contient des modifications du capital social. Il est prévu que si « le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports », le plan peut prévoir des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. La situation particulière des détenteurs de capital explique la dérogation prévue à l’article L. 626-10 pour les priver du nouveau privilège d’apport en trésorerie.

Remarque : « Les créances résultant des apports de trésorerie mentionnés au premier alinéa bénéficient du privilège prévu au 2° du III de l’article L. 622‑17. Cette disposition ne s’applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital. Elle ne peut bénéficier, directement ou indirectement, aux créanciers au titre de leurs concours antérieurs à l’ouverture de la procédure. » (C. com., art. L. 626-10, dern. phrase).

L’implication des détenteurs de capital est indéniablement protégée lorsque la société débitrice se place sous les seuils donnant compétence aux tribunaux de commerce spécialisés (C. com., art. L. 721-8). S’ils sont affectés par le projet de plan, ils «peuvent apporter une contribution non monétaire à la restructuration, notamment en mettant à profit leur expérience, leur réputation ou leurs contacts professionnels. ».

Assurer la garantie des droits fondamentaux de ces derniers en renouvelant leur appréhension est assurément l’enjeu de la création d’une ou plusieurs classes de détenteurs de capital. Leur implication dans l’élaboration du plan est une des clefs de cette nouvelle approche, loin d’être des spectateurs du redressement de l’entreprise, ils y participent en devenant des acteurs (Dir . UE) 2019/1023 du parlement européen et du conseil du 29 juin 2019, JOUE 26 juin 2019, L172/18, art. 12). Cette participation à l’élaboration et au vote du plan est une des justifications à la création d’une classe de détenteurs de capital.

Prise en compte des intérêts des créanciers prioritaires

Outre la nécessité de gérer les intérêts économiques propres aux difficultés du débiteur afin de s’assurer d’une approbation du plan proposé (v. rapport au président de la République : «  L’absence de cadre strictement défini permettra à l’administrateur judiciaire d’adapter cette organisation à la nature du passif de l’entreprise. »), il convient de penser un plan respectant les intérêts économiques cristallisés par les classes. Pour que l’approbation du plan soit envisageable, il convient de s’assurer que le plan proposé prenne en compte les intérêts et les positions des créanciers prioritaires (appartenant aux premiers rangs des classes).

Parmi eux, les créanciers publics conservent leurs spécificités reconnues par le nouvel article L. 626-30-2 (Ord., art. 37) qui renvoie aux articles L. 626-6 et L. 626-20, II du code de commerce pour prévoir les conditions de remises de dettes.

Ces premiers éléments montrent que l’équilibre des intérêts en cause est recherché. Il repose sur de nouveaux paramètres dont le principal d’entre eux est l’approbation du projet de plan par les parties affectées. En particulier, le plan dans le cadre de la sauvegarde accélérée, procédure dédiée à la transposition de la directive, est l’expression de l’approbation unanime des créanciers. Toutefois, elle ne sera pas toujours possible et dès lors, les difficultés liées à l’ « application forcée interclasse » ne pourront être évitées ( C. com., art. L. 626-31, nouv. par Ord., art. 37)… A suivre

Laurence-Caroline Henry, Professeur, faculté de droit de Dijon

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