Régime du recours exercé par le débiteur contre l'état des créances (loi de 85)

15.12.2016

Gestion d'entreprise

Si le débiteur, qui n'a pas été associé à la procédure de vérification des créances, peut faire appel de l'état des créances, il doit le faire dans les 10 jours qui suivent la publication de cet état au Bodacc.

La réclamation contre l’état des créances n’est ouverte, en principe, qu’aux tiers. Les textes, que ce soit sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ou celui de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, excluent expressément le débiteur du bénéfice de cette voie de recours. Exclusion qui s’explique par l’obligation légale de l’associer à la procédure de vérification des créances et par l’ouverture, en conséquence, à son profit, d’une voie de recours directement contre l’ordonnance ayant statué sur la créance. Mais, lorsque le mandataire judiciaire a omis irrégulièrement d’associer le débiteur à la procédure de vérification des créances et que, dès lors, ce dernier n’a pas été mesure d’élever une contestation, la décision du juge-commissaire est alors portée directement sur l’état des créances, sans qu’elle soit notifiée au débiteur. Ce dernier ne peut donc en interjeter appel, faute d’en être informé. Dans un souci du respect du contradictoire, la jurisprudence lui a alors ouvert la faculté de former une réclamation contre l’état des créances (Cass. com., 9 nov. 2004, n° 03-11.016). Elle n’avait pas encore eu l’occasion de préciser le régime de ce recours : est-ce l’appel de droit commun ou la réclamation contre l’état des créances ?

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Le recours ouvert au débiteur contre l’état des créances est un appel

L’arrêt commenté répond à cette question en énonçant que le recours ouvert au débiteur est un appel qui doit être formé dans les 10 jours de la publication de l’état des créances au Bodacc.

Il est rendu dans une espèce où la procédure de redressement judiciaire ouverte contre une société, procédure soumise à la loi du 25 janvier 1985, aboutit à l’adoption d’un plan de redressement le 20 novembre 1998. Six ans plus tard, le 26 novembre 2004, le juge-commissaire, après avoir constaté l’achèvement de la vérification des créances, rend une ordonnance mettant fin à la mission du représentant des créanciers. Après que le juge-commissaire ait déposé un rapport constatant la bonne exécution du plan, la société est condamnée à payer à l’AGS des créances correspondant à des avances déclarées au passif entre 1998 et 2004, soit pour partie après l’adoption du plan. Prétendant qu’elle n’avait pas été associée à la vérification de ces créances, la société a fait appel de l’ordonnance du 26 novembre 2004.

La Cour de cassation approuve les juges du fond de rejeter ce recours. Elle précise, d’abord, que l’appel contre la décision du juge-commissaire mettant fin à la mission du représentant des créanciers ne permet pas de remettre en cause la régularité de la procédure de vérification des créances. Cette décision ne vise qu’à un constat objectif, la fin de cette procédure, laquelle résulte du dépôt au greffe et de la publication au Bodacc de l’état des créances.

Elle énonce ensuite que si le débiteur peut faire appel de l’état de créances comportant les décisions d’admission ou de rejet du juge-commissaire à la condition qu’il démontre n’avoir pas été mis en mesure de participer à la vérification des créances, le délai de 10 jours dans lequel il doit former ce recours a pour point de départ la publication au Bodacc de l’insertion indiquant que l’état des créances est constitué et déposé au greffe. Elle en déduit qu’à défaut d’exercice de ce recours, l���état ne peut plus être remis en cause par la voie de la contestation de la fin de mission du représentant des créanciers.

Nature et point de départ du recours ouvert au débiteur

Deux enseignements doivent être tirés de cette solution : le premier est la nature du recours ouvert au débiteur : il s’agit bien d’un appel contre la décision du juge-commissaire qui a été reportée sur l’état des créances. Le délai retenu est donc le délai de droit commun d’appel en procédure collective et non celui du recours contre l’état des créances, qui est de 15 jours sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (D. n° 85-1388, 27 déc. 1985, art. 83) et, qui a été porté à un mois par la loi de sauvegarde. Le débiteur, bien que tenu irrégulièrement à l’écart de la procédure de vérification des créances, se voit imposer un délai plus court pour contester la décision du juge-commissaire que celui ouvert aux tiers.

Le second tient au point de départ : le délai d’appel, en droit commun, court à compter de la notification de l’ordonnance du juge-commissaire. Or, par hypothèse, cette décision n’a pas été notifiée. Pourtant, il faut bien fixer un délai car pour des raisons évidentes de sécurité juridique, la faculté d’exercer un recours ne peut être perpétuelle. La Cour de cassation choisit de fixer ce point de départ à la date à laquelle le débiteur a été mis en mesure de connaître le contenu de cette décision et donc à compter de la date de la publication de l’insertion de l’avis du greffe indiquant que l’état de créances a été déposé, avec cette précision que ce n’est pas l’état des créances qui fait l’objet d’une publication, mais l’avis du greffe indiquant que l’état des créances a été déposé et qu’il peut être consulté au greffe.

La solution est logique. Il reste qu’elle est délicate à mettre en œuvre pour le débiteur lorsque, comme dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, plusieurs états complémentaires de créances ont été déposés plus de 6 ans après le dépôt du premier état de créances. Il appartiendra alors au débiteur de consulter régulièrement l’état des publications.

La solution dégagée sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 devrait, sans doute, être reconduite sous l’empire de la loi de sauvegarde.

Frédérique Schmidt, Conseiller référendaire à la Cour de cassation
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