Règlement intérieur : en l'absence des formalités légales, un syndicat peut seulement en demander la suspension
31.10.2024
Gestion du personnel

Un syndicat, au titre de l'intérêt collectif de la profession, est recevable à demander en référé la suspension du règlement intérieur en cas de défaut d'accomplissement des formalités substantielles applicables. Il ne peut cependant pas demander au juge la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise. La Cour de cassation persiste et signe.
L'article L. 1321-4 du code du travail fixe les règles applicables à l'entrée en vigueur du règlement intérieur de l'entreprise (ainsi qu'à sa modification). Celui-ci « ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du CSE ». Autres formalités prévues : le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur (postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité) ; et, en même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis des représentants du personnel, est communiqué à l'inspecteur du travail.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
L'article L. 2132-3 prévoit de son côté que les syndicats professionnels peuvent agir en justice devant toutes les juridictions, afin d'exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à « l'intérêt collectif de la profession ».
Dans quelle mesure cette action en justice peut être utilisée par un syndicat en cas de défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles relatives à l'entrée en vigueur du règlement intérieur de l'entreprise ?
C'est à cette question que répond la Cour de cassation dans cet arrêt du 23 octobre 2024. Elle y reprend presque mot pour mot la solution de son arrêt du 21 décembre 2022, confirmant et précisant sa position à ce sujet (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-10.718) : voir l'étude Comité social et économiques : réunions et attributions.
La consultation du CSE et l'information de l'inspection du travail sont des conditions d'entrée en vigueur du règlement intérieur de l'entreprise...
Dans cette affaire, un salarié se voit notifier une mise à pied disciplinaire de 2 jours. Il conteste cette sanction devant le conseil de prud'hommes. Un syndicat intervient volontairement à l'instance. Celui-ci conteste notamment l'introduction d'un nouveau règlement intérieur sans consultation du CSE, et sans communication à l'inspecteur du travail. Cependant la cour d'appel déboute le syndicat de ses demandes.
La Cour de cassation commence par rappeler les termes de l'article L. 1321-4 et en déduit que « le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l'intérêt des salariés ».
Remarque : ainsi, le règlement intérieur n'est pas opposable au salarié lorsque l'employeur n'a pas respecté les diligences de consultation du CSE et transmission à l'inspecteur du travail. Dans ce cas, la sanction prononcée par l'employeur doit alors être annulée (Cass. soc., 10 nov. 2021, n° 20-12.327).
...mais, en cas de manquement, un syndicat ne peut demander que sa suspension provisoire au titre de l'intérêt collectif de la profession
Puis la chambre sociale reprend l'article L. 2132-3 relatif à l'action d'un syndicat dans l'intérêt collectif de la profession et en déduit « qu'un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d'une entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente. En revanche, un syndicat n'est pas recevable à demander au juge statuant au fond la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise, en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par le texte précité ».
En d'autres termes, le syndicat ne peut obtenir en référé que la suspension provisoire du règlement intérieur tant que ces formalités substantielles n'auront pas été effectuées. Il s'agit alors de contraindre l'employeur à y procéder. Il ne peut en aucun cas obtenir l'annulation dudit règlement intérieur, ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise.
A noter que la solution de l'arrêt du 21 septembre 2022 visait uniquement la consultation des représentants du personnel, alors que celle de l'arrêt du 23 octobre 2024 précise la recevabilité de l'action du syndicat dans l'intérêt collectif de la profession « en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail ». Ainsi la Cour de cassation confirme et précise sa solution : un syndicat peut obtenir la suspension provisoire du règlement intérieur non seulement en l'absence de consultation du CSE, mais aussi de l'indication sa date d'entrée en vigueur (postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité), ainsi qu'en l'absence des mesures de publicité (dépôt au conseil de prud'hommes et publicité auprès des salariés), et de communication à l'inspecteur du travail, accompagné de l'avis du CSE.
Remarque : dans la notice explicative à l'arrêt du 21 septembre 2022, il est expliqué que « l’article L. 1321-4 du code du travail n’institue pas la consultation des institutions représentatives du personnel comme une condition de validité du règlement intérieur puisqu’il est simplement prévu qu’à défaut de cette formalité, le règlement intérieur ne peut être « introduit », c’est-à-dire entrer en vigueur dans l’entreprise. La nullité du règlement intérieur dans son ensemble ne peut donc être prononcée, ni son inopposabilité erga omnes à tous les salariés de l’entreprise, s’agissant dans les deux cas de mesures définitives alors que l’employeur peut, à tout moment, introduire le règlement intérieur après l’avoir soumis à la consultation du comité social et économique. La mesure sollicitée doit dès lors s’analyser en une mesure de suspension ».
Cette solution est également conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l'absence de consultation du CSE, lorsque celle-ci est obligatoire : ainsi, un syndicat peut demander au juge des référés au titre de l'intérêt collectif de la profession de suspendre un projet de l'entreprise tant que le comité n'a pas été régulièrement consulté (Cass. soc., 24 juin 2008, n° 07-11.411). Cependant, dans les autres cas, le syndicat n'a pas qualité pour agir en lieu et place du comité, et ne peut donc pas agir si le CSE ne l'a pas fait. Dans le cas du règlement intérieur, la solution est différente car il s'agit d'un acte réglementaire de droit privé s’imposant à tous les membres du personnel (Notice explicative à l'arrêt du 21 septembre 2022).
Remarque : rappelons que si l'avis du CSE est une formalité substantielle d'entrée en vigueur du règlement intérieur de l'entreprise, l'employeur peut passer outre cet avis. Les observations des représentants du personnel doivent être communiquées par l'employeur, en même temps que le règlement intérieur, à l'inspecteur du travail (autre formalité substantielle). Celui-ci peut exiger le retrait ou la modification de ses dispositions qui seraient contraires aux lois ou règlements en vigueur (C. trav., art. L. 1322-1), mais le refus par le comité d'approuver le règlement intérieur ne constitue pas, à lui seul, un motif suffisant pour entraîner la nullité des dispositions de ce règlement (Rép. min. n° 9219 : JOAN CR, 18 janv. 1958, p. 139). L'employeur est également passible des sanctions pénales prévues à l'article R. 1323-1 du code du travail (amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe). Il peut aussi être poursuivi pour délit d'entrave aux attributions du CSE. A noter que l'employeur n'est pas tenu de consulter à nouveau les représentants du personnel lorsque le règlement intérieur, qui leur a déjà été soumis lors de sa mise en place est modifié suite aux injonctions de l'inspection du travail auxquelles l'employeur ne pouvait que se conformer (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11.230).
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