Les DRH souhaitent rapidement tourner la page de la Covid-19 pour poser les jalons du travail post-crise, en peaufinant la mise en place d’une organisations hybride. Toutefois, ils pourraient être rattrapés rapidement par des sujets de friction jusqu’alors gelés, qui ressurgissent avec force chez les salariés et les syndicats. A commencer par les inégalités salariales et les iniquités de traitement mal vécues pendant la pandémie. L’urgence n’est pas toujours là où on l’attend !
Comment tourner la page de la Covid-19 ? Mis sous pression pendant la crise sanitaire, les DRH s’activent pour faciliter un retour à la normale. Ils souhaitent que leur agenda ne soit plus dicté par les textes réglementaires liés à l’activité partielle, à la prise des congés payés, aux consultations du CSE, aux traitements des personnes vulnérables ou encore aux multiples protocoles sanitaires. Leurs priorités de rentrée ? Reprendre la main sur leur quotidien pour peaufiner les organisations de demain. Avec une évidence à leurs yeux : la mise en place d’une organisation hybride qui combine activité en présentiel et travail à distance.
Mais ils risquent d’être pris de court par des sujets plus classiques, ressemblant fortement à des sujets chauds du monde d’avant-crise. Car les dossiers qu’ils doivent traiter de toute urgence concerne avant tout les questions liées au pouvoir d’achat et aux iniquités de traitement survenus pendant la crise. Au risque sinon de n’être plus sur la même longueur d’onde que les salariés.
"La rentrée des DRH est très compliquée, observe Bruno Mettling, fondateur du cabinet conseil Topics et ex-DRH d’Orange. Ils font face à un corps social fragmenté, des tensions apparaissent entre gens qui ont accès au télétravail et ceux dont le poste n’est pas éligible, entre ceux qui télétravaillent dans de bonnes conditions et les autres, entre ceux qui ont été vacciné on non". Ou encore entre ceux dont le rôle est reconnu ou pas depuis le début de la crise. Les salariés les plus impliqués n’ont pas forcément été les plus visibles, les plus valorisés.
L’absentéisme qui a déjà fortement augmenté, passant de 4,18 % en 2019 à 5,04 % en 2020, pourrait ainsi rester à un niveau élevé en 2021, selon l’étude du cabinet Gras Savoye Willis Towers Watson, publiée en août. Voici les trois chantiers à mener de front.
La crise a, tout d’abord, révélé des inégalités en matière de politique salariale. Selon l’Apec, les femmes ont payé le prix fort. L'écart de rémunération au détriment des femmes s'est creusé jusqu'à 15 % l'an dernier, après 13 % en 2019. Au-delà, les multiples confinements ont eu un impact sur leurs conditions de travail ; elles ont dû faire face à une "organisation du travail plus difficile", notamment liée à la vie familiale.
La crise a également pénalisé les jeunes. Les moins de 30 ans sont en effet la seule classe d’âge dont la rémunération globale (fixe et variable) a baissé, passant de 40 000 à 39 000 euros. Un ralentissement dû notamment aux périodes de chômage partiel, les jeunes cadres, plus nombreux à travailler dans des petites entreprises, ont été davantage concernés par ce dispositif.
Nul doute que les prochaines négociations obligatoires (NAO) sur les salaires, qui s‘ouvrent dans les prochaines semaines, devront rectifier le tir. "En 2021, à la faveur de la reprise avec des recrutements de cadres qui reviennent au niveau d'avant-crise, les entreprises devront faire évoluer leur politique salariale pour plus d'équité", prévient ainsi Gilles Gateau, directeur général de l'Apec. Il y a urgence : seules 61 % des femmes disent avoir confiance en leur avenir (que ce soit dans leur entreprise actuelle ou dans une autre), selon l’association, soit dix points de moins que les hommes. Cet écart est au plus haut depuis cinq ans.
Les entreprises n’ignorent pas le problème. La question salariale revient sur le devant de la scène. Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, a tiré lui-même la sonnette d’alarme lors de l’université d’été de l’organisation patronale. Puis, Elisabeth Borne a pris le relais en exhortant les branches professionnelles d’accélérer les négociations sur le sujet. Notamment pour les travailleurs dits de deuxième ligne. La prime Macron, annoncée le 15 mars, tarde à se mettre en place. Et la revalorisation du Smic, prévue pour le 1er octobre, va créer un écrasement des grilles salariales. Le ministère du travail dénombre déjà 45 branches avec un minima conventionnel inférieur au Smic. Dans l’hôtellerie-restauration, par exemple, les cinq premiers niveaux de la grille salariale du secteur vont ainsi être rattrapés par le nouveau taux horaire du salaire minimum. Actuellement, selon le ministère du travail, un décrochage de 41 euros existe et celui-ci passera à 75 euros au 1er octobre.
Mais il n’y a pas que les métiers de deuxième ligne qui ont envie d’un coup de pouce.
"Sauf que les marges de manœuvre sont faibles, avertit Philippe Maurette, consultant en management et gestion des ressources humaines pour plusieurs secteurs dont l'agro-alimentaire, qui rappelle que les entreprises doivent déjà faire face à une hausse significative du prix des matières premières".
Des arguments qui ne convainquent pas toujours les syndicats. Six organisations syndicales d’Orange ont appelé à une grève le 21 septembre dans le but notamment d’obtenir une revalorisation salariale, en pointant le versement d’actions gratuites attribuées aux cadres dirigeants.
Quelques exceptions toutefois : dans certains cas, des décotes pourraient être de mise. Confronté à une demande de déménagements de ses salariés, le cabinet de conseil Wavestone a proposé aux salariés parisiens d’être rattachés à des entités régionales ; une mobilité qui pourrait traduire par une décote de salaire de 10 % à 20 %, en fonction du niveau de vie.
D’autres leviers pourraient également être actionnés pour satisfaire les salariés sans rehausser les salaires. Orange a annoncé le 15 septembre dernier le lancement de "Together 2021", une opération d’actionnariat réservée aux membres du personnel du groupe et portant sur environ 1 % du capital. Enedis a également conclu un accord d’intéressement, en révisant l’ensemble des critères d’égibilité.
Mais les entreprises misent également sur des packages non monétaires. La branche de la propreté, par exemple, tente de limiter les horaires décalés ou fractionnés, en favorisant le passage en journée ou en continu. Deux textes ont été signés en ce sens, le 8 septembre, à l’occasion d’une conférence de progrès. L’un a été ratifié par la CGT et FO. L’autre par les réseaux d’acheteurs et clients majeurs. 70 % des employés du secteur travaillent en horaires décalés.
AccorInvest, (270 hôtels en France), qui a dû faire face à 15 % de départs de ses effectifs depuis le début de la crise sanitaire, compte également sur ce levier pour renforcer son attractivité. "Nous ne pouvons pas supprimer le travail du week-end ou en soirée, reconnaît Florence Faure-Sauvanet, DRH Europe du sud d’AccorInvest. Mais nous pouvons agir sur l’amélioration des conditions de travail notamment la planification des journées de travail pour permettre aux collaborateurs de mieux se projeter ou la mise en place de contreparties pour compenser la pénibilité liée aux coupures pendant la journée du travail. Nous travaillons également sur les parcours de carrière afin de donner des perspectives d’évolution et l’acquisition de nouvelles compétences en lien avec le développement de la formation".
L’autre grand sujet concerne la pénurie de compétences. Qu'il soit structurel ou conjoncturel, le manque de candidats à l'embauche s'est clairement accentué en 2021 dans un certain nombre de secteurs. "Dans l’industrie, mes clients ne parlent que de ça, indique Philippe Maurette. Le recrutement est difficile et le recours à l’intérim qui n’était jusqu’ici qu’une solution temporaire est en passe de devenir pérenne". Même constat chez Wavestone qui indique refuser des dossiers. "Nous avons lancé un plan de recrutement de 700 personnes sur l’ensemble du groupe d’ici le 31 mars 2022, principalement des jeunes diplômés d’écoles d’ingénieurs et de commerce dont 80% pour la France, précise Fanny Rouhet, la DRH du cabinet conseil. Mais le marché est extrêmement tendu". De même, Enedis qui prévoit d’accueillir, cette année, 850 nouveaux salariés et 1300 alternants pourrait revoir ses ambitions à la baisse, faute de prétendants à l’emploi.
"Face à ce constat, la question de la marque employeur se pose avec beaucoup plus d’acuité", insiste Philippe Maurette. Les entreprises commencent à prendre conscience de la nécessité de jouer sur l’e-réputation pour les ETI et les PME afin de se différencier par rapport à des groupes de taille différente. Les candidats disposent aujourd’hui de solutions pour donner leur point de vue sur leur entreprise ou en savoir plus sur d’autres : Glassdoor, le site qui recueille les avis des employés sur l’entreprise convoitée est de plus en plus utilisé". Ambiance, salaires, avantages, évolutions possibles, mais aussi déroulement de l'entretien d'embauche... Tout y est.
Aussi est-il nécessaire de mettre en valeur des avantages immatériels : conditions de travail, formation, pratiques managériales moins "top-down" mais aussi thématiques sociétales et environnementales pour faire la différence. Des sujets qui comptent pour les jeunes générations.
Les sources de recrutement et la formation ressurgissent également. Face aux manque de personnel, AccorInvest a ainsi lancé l’an passé, avec quatre autres enseignes, Accor, Adecco, Korian et Sodexo, un Centre de formation pour apprentis interentreprises dédié aux métiers de la cuisine : le CFA des Chefs, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre et de talents.
Enfin "les DRH devront aussi rassurer sur l’état de santé de leur entreprise et sur la pérennité des postes occupés par les salariés", assure Bruno Mettling. Le monde d’après n’a pas totalement effacé le monde d’avant crise. "La crise a été d’une violence inouïe, nous n’avions jamais connu un tel séisme dans notre profession. Le secteur a été totalement à l’arrêt", confirme Jairo Gonzalez, secrétaire général d’AccorInvest. Confronté à l’absence de la clientèle étrangère et d’affaires, l’entreprise a toujours recours à l’activité partielle pour 20 % de ses effectifs parisiens.
La nécessaire hybridation du travail |
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La mise en place d’une organisation hybride ne s’improvise pas. "Il faut mener une réflexion ambitieuse sur une nouvelle organisation du travail de façon générale. Cela ne peut se résumer à une extension d’un jour supplémentaire du télétravail ou au retour aux accords d’avant-crise, assure Bruno Mettling, fondateur du cabinet conseil Topics et ex-DRH d’Orange. La mise en place du travail hybride nécessite un examen critique de son propre fonctionnement et la décentralisation du débat au sein des équipes". Enedis et Wavestone notamment ont pris les devants. Dès décembre dernier, la filiale d’EDF, a réuni les partenaires sociaux, les managers, les médecins du travail et les représentants du personnel pour poser les bases d’une nouvelle organisation du travail, en lien avec le projet industriel de l’entreprise. Baptisé Tautem (pour Travaillons AUtrement et Transformons Ensemble nos modes de Management), il englobe des sujets aussi divers que les pratiques managériales, la dynamique collective, la charge de travail, la charge mentale, le risque d’isolement, l’usage des outils numériques. Un accord signé en août dernier donne la possibilité à chaque salarié, "sous réserve que leur activité le permette", de travailler jusqu’à 10 jours à distance par mois, avec au moins deux jours de présence sur site par semaine. "Les confinements ont démontré le risque de déstructuration des collectifs de travail et la nécessité d’innover en matière de cohésion d’équipe, relève Olivier Duhagon, directeur des ressources humaines, de la transformation, de la santé et de la sécurité d’Enedis. Dans notre accord, nous avons instauré une règle forte, les managers et salariés définissent qu’une journée dans la semaine n’est pas ouverte au travail à distance pour protéger le temps dédié au collectif et aux réunions d’équipe". Dans la foulée, une négociation est lancée sur le droit à la déconnexion, pour aboutir rapidement et accompagner la mise en oeuvre du travail à distance. Le cabinet de conseil Wavestone a, lui, opté pour l’expérimentation. "L’objectif immédiat est de laisser aux équipes la possibilité de tester librement des nouvelles modalités de travail afin d’identifier les manières les plus efficientes de travailler", assure Fanny Rouhet, la DRH du cabinet. Dans ce contexte, un pré-accord de méthode a été signé pour 12 mois. A cette échéance, un texte définitif scellera la nouvelle organisation du travail. Pendant ce laps de temps, toutes les activités et missions des équipes seront passées au crible pour définir celles qui seront télétravaillables ou pas, celles qui nécessitent des temps collectifs. L'expérimentation laisse aussi la possibilité à des collaborateurs de déménager en région. Une trentaine de collaborateurs ont ainsi fait part d’une demande de mobilités. En attendant, chez Wavestone, aucune consigne de retour sur site n’a été imposée. En parallèle, l’entreprise a lancé la construction d’un plan stratégique, destiné à définir les orientations de Wavestone pour les quatre à cinq années à venir. Ce plan sera présenté courant décembre. Les collaborateurs sont invités à contribuer en participant à des ateliers de réflexion pour poser les jalons de ce nouveau plan. "Nos clients ont besoin de se transformer, encore plus aujourd’hui, ce qui nous ouvre de belles perspectives de croissance, poursuit Fanny Rouhet qui n’a d’ailleurs pas hésité à rembourser les aides perçues au titre de l’activité partielle, en raison des bons résultats du cabinet. Soit plusieurs millions d’euros perçus entre avril et septembre 2020. |
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