Reprise des poursuites par la caution après clôture pour insuffisance d'actif

04.07.2016

Gestion d'entreprise

La généralité de l'article L. 643-11, II ne fait aucune distinction entre les différents garants, le paiement antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure par la caution et entre ses recours possibles.

Lorsque le débiteur principal d’une dette garantie par un cautionnement est mis en liquidation judiciaire et que cette procédure collective est clôturée pour insuffisance d’actif, la caution qui a réglé la dette peut poursuivre le débiteur en remboursement dans tous les cas. L’arrêt commenté écarte (Cass. com., 28 juin 2016, n° 14-21.810, n° 630 P + B), en effet, tous les obstacles à cette poursuite, en l’état des textes applicables, même si, d’un point de vue législatif, il serait, sans doute, souhaitable de distinguer entre les cautions, selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale. En l’espèce, une banque avait consenti un prêt dont le remboursement était garanti par la caution d’une personne morale. En raison de la défaillance de l’emprunteur, cette caution avait dû exécuter son engagement puis, sur son recours, avait obtenu, le 5 juillet 2005, contre le débiteur un jugement de condamnation devenu irrévocable. Par la suite, le débiteur avait été mis en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement les 24 septembre 2009 et 23 février 2012. La liquidation judiciaire ayant été clôturée pour insuffisance d’actif le 14 septembre 2012, la caution a exercé des poursuites contre le débiteur en se fondant sur le titre exécutoire que constituait le jugement du 5 juillet 2005. La Cour de cassation a admis la possibilité de telles poursuites, malgré le principe de la libération du débiteur qu’énonce l’article L. 643-11 du code de commerce, mais avec des réserves.
 
Principe de l’absence de reprise de l’exercice individuel des actions et ses exceptions
 
L’article L. 643-11 du code de commerce précise que le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait normalement pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, qui se trouve ainsi libéré de ses dettes, afin de favoriser son rebond. Mais le texte introduit plusieurs exceptions à ce principe, qui, pour l’essentiel, reposent sur une idée de défaveur envers certains débiteurs jugés non méritants (en cas de fraude de leur part, de sanctions personnelles prononcées contre eux…). L’article L. 643-11 envisage aussi la situation particulière du garant, notamment de la caution qui a payé à la place du débiteur. Sans qu’il s’agisse ici d’une mesure de défiance à l’égard de ce dernier, il a paru légitime de permettre à la caution, qui n’est qu’un débiteur accessoire et qui, par conséquent, n’a pas à supporter la charge définitive de la dette garantie, d’en réclamer le montant au débiteur, malgré la clôture de sa liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. C’est le sens du II de l’article L. 643-11 qui tend à éviter que le débiteur principal soit mieux traité que son garant. Dans quelles conditions, la caution peut-elle agir contre le débiteur principal, sur le fondement de ce texte ? C’est ce que précise l’arrêt.
 
Toute caution peut poursuivre le débiteur à la place duquel elle a payé
 
La généralité du texte ne permet pas, selon l’arrêt commenté, de distinguer entre les différentes cautions. La Cour de cassation écarte une première distinction, selon la nature du recours. On sait que la caution dispose de deux recours, l’un personnel, prévu par l’article 2305 du code civil, l’autre subrogatoire, prévu par l’article 2306 du même code, puisque la caution est subrogée dans les droits du créancier qu’elle a désintéressé au lieu et place du débiteur. L’article L. 643-11, II du code de commerce ne faisant aucune allusion à cette distinction, la Cour de cassation ne l’a pas retenue.
 
Plus délicate était la prise en considération ou non de la date du paiement effectué par la caution et la possession par elle d’un titre exécutoire contre le débiteur. Certains auteurs soutenaient que seule la caution poursuivie par le créancier en raison de l’arrêt des propres poursuites de ce dernier contre le débiteur du fait de la procédure collective de celui-ci, pouvait bénéficier de la faveur de l’article L. 643-11 précité. Autrement dit, seule la caution ayant payé après l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal aurait pu agir, non celle s’étant exécutée auparavant. Faute encore d’une telle distinction dans le texte, la Cour de cassation n’a pas suivi cette position. Elle s’était d’ailleurs déjà prononcée en ce sens dans un arrêt du 16 juin 2004 (Cass. com., 16 juin 2004, n° 03-10.554, n° 984 P + B), en estimant certes surabondant mais erroné le motif d’un arrêt d’appel qui avait réservé les poursuites aux cautions poursuivies « en raison du prononcé du redressement judiciaire » du débiteur principal.
 
Quant à la possession d’un titre exécutoire par la caution, comme c’était le cas en l’espèce, l’arrêt commenté n’en tient pas compte. Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L. 643-11, V, complété par l’article R. 643-20 du code de commerce, le créancier ou la caution qui veulent exercer leurs poursuites contre le débiteur ne peuvent le faire qu’au vu d’un titre exécutoire. En principe, il s’agit du titre spécial, prévu par ces textes, que leur délivre le président du tribunal de la procédure collective, mais ces textes prévoient expressément que le créancier ou la caution qui disposent déjà d’un titre ex��cutoire n’ont pas besoin de ce titre spécial. Il leur suffit de faire vérifier par le président qu’ils remplissent les conditions de l’exercice des poursuites individuelles, soit, pour une caution, qu’elle a payé à la place du débiteur. C’était d’ailleurs le seul objet du procès tranché par la Cour de cassation. Dès lors, il importait peu, pour elle, que la caution fût en possession d’un titre exécutoire obtenu avant même l’ouverture de la procédure collective du débiteur principal. Là encore, les textes ne paraissaient pas interdire la reprise des poursuites à une caution déjà pourvue d’un titre exécutoire.
 
Distinction entre caution personne physique et caution personne morale
 
Plusieurs textes du droit des entreprises en difficulté distinguent les personnes physiques et les personnes morales coobligées, pour réserver certains avantages exclusivement aux premières. Ainsi, pendant l’exécution d’un plan, les créances non déclarées sont inopposables aux seules personnes physiques coobligées (C. com., art. L. 622-26, al. 2). De même, la règle de l’arrêt du cours des intérêts ne profite qu’aux personnes physiques coobligées (C. com., art. L. 622-28, al. 1er) et le jugement d’ouverture ne suspend qu’à leur égard les actions des créanciers (C. com., art. L. 622-28, al. 2). Mais l’article L. 643-11, II du code de commerce ne fait pas la différence. La Cour de cassation pouvait donc difficilement la faire elle-même. Le résultat est que, les cautions personnes morales étant le plus souvent les filiales des établissements de crédit prêteurs, ceux-ci sont susceptibles d’échapper, en pratique, à l’interdiction des paiements et de la reprise des poursuites, en faisant garantir leurs créances par leurs filiales spécialisées dans le cautionnement.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Jean-Pierre Rémery, Docteur en droit, Conseiller-doyen à la Cour de cassation
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