Réseaux sociaux : quand l'employeur doit réagir aux polémiques générées par ses salariés

Réseaux sociaux : quand l'employeur doit réagir aux polémiques générées par ses salariés

08.01.2020

Gestion du personnel

Quelques jours après la diffusion d'une vidéo à caractère raciste filmée durant une soirée privée, deux salariés de l'entreprise Le Slip Français ont été mis à pied. Leur employeur en avait-il le droit ? Décryptage.

"Blackface", costumes de gorille et cris de singe au son de "Saga Africa"… La fête organisée entre trois amis aurait sans doute dû rester privée. C’était sans compter sur la diffusion, par l’hôtesse de la soirée, de plusieurs vidéos des festivités sur le réseau social Instagram. Relayées en fin de semaine dernière par différentes associations et pages antiracistes, les images enflamment la toile. L'identité des trois fêtards est rapidement révélée, deux d'entre eux étant salariés de l’entreprise "Le Slip Français". Et déjà, les appels au boycott de la marque pleuvent sur les réseaux sociaux.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Face à la polémique, la marque de textile made in France publie le 3 janvier un communiqué condamnant les actes de ses deux recrues. "Les salariés concernés ont été convoqués et sanctionnés par la direction du Slip Français", annonce la firme sur ses réseaux sociaux, ajoutant qu’elle a rassemblé l’ensemble de ses salariés pour rappeler les valeurs d’égalité et de respect dont ils doivent faire preuve jusque dans la sphère privée.

Pourtant, un principe bien connu du droit français veut que l'employeur ne puisse pas sanctionner un salarié pour un fait relevant de sa vie personnelle. En privilégiant une communication de crise, l’entreprise a-t-elle négligé le risque de contentieux ?

Des obligations en dehors du travail

Difficile d'accuser ces salariés de faute professionnelle. Les faits se sont déroulés hors temps et lieu de travail, et sont donc à priori totalement extérieurs à l'entreprise. Pourtant, une qualification de faute, voire de faute grave est possible, à condition de démontrer que ces actes constituent la violation d'une obligation professionnells liée au contrat de travail, explique Pierre Warin, avocat du cabinet Melville Avocats. "Même lorsqu'on ne travaille pas, certaines obligations du contrat de travail perdurent, comme par exemple l'obligation de loyauté. Si les salariés du Slip Français concernés ont une fonction particulière - liée à la communication externe par exemple - il est possible que leur contrat comporte des clauses leur imposant une obligation spécifique de respect des valeurs de l'entreprise ou de discrétion sur les réseaux sociaux. Des règles similaires peuvent également être incluses, de manière plus collective, dans le règlement intérieur de l'entreprise (ou une charte ayant valeur de règlement intérieur)."

La Cour de cassation a déjà validé, dans certaines circonstances, le licenciement de salariés pour violation de leur obligation de loyauté car ils avaient critiqué leur entreprise sur les réseaux sociaux, ou bien s'étaient livrés pendant leur temps de repos à des activités portant préjudice à leur employeur.

Image de marque

Toutefois, un autre fondement juridique permettrait de licencier ces deux salariés en dehors de toute faute : le trouble objectif causé au sein de l'entreprise. La jurisprudence permet en effet aux employeurs de licencier les salariés hors terrain disciplinaire, dans le cas où leurs agissements privés ont causé à l'entreprise un préjudice objectivement caractérisé. "Ici, les vidéos ont été diffusées à grande échelle, puis la marque Le Slip Français a été publiquement interpellée par les internautes et par des associations de lutte contre le racisme, rappelle Pierre Warin. On peut soutenir qu'un préjudice a été causé à l'image de la marque, avec peut être un effet sur son activité, puisque des appels au boycott ont été lancés." Mais attention, si les juges considèrent que les réactions des internautes ne sont pas suffisantes à caractériser le trouble, ils déclareront le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Seul le licenciement - non disciplinaire - est possible en cas de trouble objectif caractérisé. Pour appliquer une sanction disciplinaire, comme un avertissement ou une mise à pied disciplinaire, l'employeur doit démontrer l'existence d'une faute se rattachant à une obligation contractuelle du salarié ou la violation d'une règle interne à l'entreprise.

Sensibilisation en amont

Ces dernières années, l'explosion des réseaux sociaux a souvent confronté le droit du travail à des affaires mêlant vie personnelle et professionnelle. Comme en 2019, où plusieurs journalistes ont été licenciés dans le cadre de l'affaire de cyber harcèlement orchestré par la "Ligue du LOL". "L'entreprise est toujours le reflet des évolutions sociales, confirme Pierre Warin. Avec l'audience large des réseaux sociaux et l'évolution de la société, les entreprises doivent prendre le réflexe de mettre en oeuvre des mesures en amont : actions de sensibilisation auprès des salariés, mise en place de chartes de communication ayant valeur de règlement intérieur... Il faut que les règles soient connues des salariés pour qu'elles soient respectées... Ou sanctionnables". 

Dans un second communiqué de presse envoyée dans la journée du 3 janvier, le Slip Français a pris les devants en annonçant la mise en place d’ateliers de sensibilisation, prodigués par SOS Racisme, destinés à l'ensemble de ses équipes. 

 

 

 

Laurie Mahé Desportes
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