Loi Pacte en France, plateforme pour encadrer le reporting extra-financier en Allemagne, cadre réglementaire sur la RSE qui se développe toujours davantage au Royaume-Uni... Pour Sylvain Guyoton, vice-président de la recherche chez EcoVadis, l'Europe a tous les atouts pour diriger la transition vers un système économique responsable. "En unifiant leurs forces, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni pourraient utiliser le levier des accords commerciaux pour tirer vers un mieux disant social et environnemental l’économie de la planète", plaide-t-il.
Le dernier ouvrage de Patrick d'Humières (Le Courage de l’Europe, éditions Michel de Maule, 2019), qui a inspiré le titre de cette tribune, avance sous forme de géopolitique fiction que le projet européen sera accompli le jour où nous considèrerons que faire ensemble est plus important que ce que nous voulons faire. S'il y a un sujet sur lequel l'Europe doit œuvrer collectivement, ce n'est pas uniquement sur la réforme de ses institutions, mais c'est aussi sur la transformation du capitalisme, en prônant dans le contexte du libéralisme débridé la vision de l'entreprise socialement responsable tournée vers ses parties prenantes.
Environnement
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
Au moment où 69 des 100 premières économies seraient des multinationales contre seulement 31 états (source : Global Justice Now, 2016) et où, selon Oxfam, les 26 plus riches milliardaires détiendraient autant d'argent que la moitié de l'humanité, il est vital de réconcilier les citoyens avec l'entreprise en montrant qu'elle ne sert pas seulement des intérêts particuliers. Est-ce possible ? Antoine Frérot, PDG de Véolia, rappelait le 10 avril que la vision du modèle capitaliste a évolué au cours de son histoire, passant d'une visée patrimoniale au paradigme managérial, laissant place en dernier lieu au diktat actionnarial.
Accélérons la transition vers une économie de marché responsable, autrement, le doux commerce de Montesquieu pourrait raviver la lutte des classes et la transformer en guerre civile.
La loi Pacte publiée le 23 mai 2019 au Journal officiel, inscrivant dans le code civil la prise en compte par les sociétés des considérations sociales et environnementales, est une étape importante vers ce futur paysage économique attendu par beaucoup. La loi rend hommage aux pionniers français de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui n’ont eu de cesse de promouvoir un néomanagement à la fois performant et durable. L'étude publiée le 17 avril dernier par le Médiateur des entreprises et EcoVadis les consacre en révélant que les entreprises françaises arrivent en troisième position de l’ensemble des pays pour leur performance RSE, bien au-delà de la moyenne de leurs consœurs de l'OCDE.
Outre-Rhin, le conseil allemand pour le développement durable (RNE), créé pour accompagner la mise en application de la directive européenne sur le reporting extra-financier (2014/95/EU), a lancé une plateforme offrant aux entreprises, quelle que soit leur taille ou leur forme sociale, un cadre de reporting extra-financier. La très active RNE a par ailleurs organisé le 5 avril dernier une conférence à Athènes visant à élaborer une politique européenne commune sur la RSE.
Au Royaume-Uni, le cadre réglementaire, augmenté depuis 2001 de nombreuses obligations de reporting sur les pratiques sociales, s’est enrichi en 2017 d’une loi imposant à toutes les entreprises de plus de 250 personnes de publier les écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Toujours outre-Manche, John Elkington – l’inventeur du Triple Bilan en 1994, extrapolation du concept de développement durable à l’entreprise – a décidé de rappeler son concept de management comme on rappelle un produit défectueux, avec comme objectif de lancer un programme d’exploration du capitalisme de demain, un capitalisme au service de la société dans le respect des contraintes environnementales.
Les pays européens ont les atouts pour diriger la transition vers un système économique responsable. L’étude du Médiateur des entreprises montre que ce sont trois pays européens qui arrivent en tête du classement mondial. En unifiant leurs forces, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni pourraient utiliser le levier des accords commerciaux pour tirer vers un mieux disant social et environnemental l’économie de la planète.
Ce n’est pas une cathédrale mais un système économique qu’il faut reconstruire ensemble. Malheureusement ce sera plus compliqué. En aurons-nous le courage ?
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