Retraites : les partenaires sociaux envisagent prudemment une dose de capitalisation

Retraites : les partenaires sociaux envisagent prudemment une dose de capitalisation

27.04.2025

Gestion du personnel

Lors de la séance du 24 avril, les partenaires sociaux présents (Medef, CPME, CFDT, CFE-CGC) ont fait un pas de côté, en effleurant le sujet d’une dose de retraite par capitalisation, en sus du système par répartition, sans parvenir à une proposition commune concrète. Ils n’excluent pas de lancer une négociation distincte incluant les quatre organisations absentes (U2P, FO, CGT et CFTC).

C'est une petite révolution dans le monde de la négociation nationale interprofessionnelle. Un sujet longtemps tabou s'est invité, mercredi 24 avril, dans les discussions entre partenaires sociaux sur les retraites : la capitalisation. Non prévu par la lettre de cadrage de François Bayrou, ce thème a néanmoins émergé lors des échanges entre les organisations présentes à la table des négociations - le Medef, la CPME, la CFE-CGC et la CFDT - la CFTC ayant refusé de participer aux séances consacrées au financement de la protection sociale.

Loin de vouloir bouleverser l'architecture du système actuel, les participants ont posé d'emblée plusieurs garde-fous : il ne s'agit en aucun cas de substituer la capitalisation à l'actuel système par répartition, mais d'explorer la possibilité d'un "troisième étage" complémentaire aux régimes de base et complémentaires existants. L'objectif affiché est d'élargir la "focale" pour se projeter à plus long terme, au-delà de 2040.

"Ce n'était pas une ligne rouge dès lors que nous avons eu la confirmation qu'il n'y avait pas de changement de pied", a résumé Yvan Ricordeau, chef de file pour la CFDT pour qui la priorité est d'abord de discuter des aménagements de la réforme de 2023. Dans le même esprit, Christelle Thieffinne, représentante de la CFE-CGC, a précisé que "c'était un sujet qu'on était capable de poser sur la table en disant que ce n'est pas tabou", tout en reconnaissant que "la capitalisation ne résout pas le problème du déficit du régime général".

Améliorer les taux de remplacement

Cette piste d'un complément par capitalisation fait néanmoins peu à peu son chemin, notamment pour "améliorer les taux de remplacement", c'est-à-dire le rapport entre les derniers revenus perçus et la pension de retraite, comme l'a souligné Diane Milleron-Deperrois (Medef). Dans la capitalisation, en effet, l'épargne des actifs est placée et leur est reversée à leur retraite.

La CFE-CGC partage cette préoccupation, rappelant que le taux de remplacement des cadres est déjà inférieur à celui des non-cadres (53 % contre 76 %). D'autant que la retraite par capitalisation existe déjà en France, via certains dispositifs individuels ou d'entreprise comme le Plan d'épargne retraite (PER), ainsi que dans la fonction publique avec le Préfon ou le régime additionnel de la fonction publique (RAFP).

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des approches divergentes

Si le principe d'explorer cette voie semble faire consensus parmi les organisations présentes, les modalités envisagées divergent sensiblement. La CPME a ainsi proposé de travailler une heure de plus par semaine pour "financer sa propre retraite". En portant ainsi la durée hebdomadaire à 36 heures. Comme pour la journée de solidarité, cette heure supplémentaire serait non rémunérée. En contrepartie, salariés et employeurs seraient tenus de verser les contributions correspondantes (patronales et salariales) à un fonds de capitalisation dédié.

Selon Eric Chevée, vice-président de la CPME en charge des affaires sociales, le gain serait de 2,9 % supplémentaires en termes de masse salariale, voire de 2 % si une partie seulement était fléchée sur ce fonds (le salarié récupérant 0,9 % de pouvoir d’achat). Une proposition qui se heurte à l'opposition de la CFE-CGC car il s’agirait pour les cadres en forfaits-jours de supprimer bel et bien 6,5 jours de RTT.  "Trouver des mesures ou des dispositifs pour tordre les aiguilles et les aspects juridiques, ça ne va pas être possible", a rejeté Christelle Thieffinne.

Les deux organisations syndicales présentes, CFE-CGC et CFDT, plaident pour un élargissement des dispositifs d'épargne d'entreprise, comme le plan d'épargne retraite (PER), aux PME-TPE, via la signature d'accords de branche. Une ambition que la loi Pacte de 2019 était censée concrétiser, mais sans grand succès. Pour l'heure, seule la métallurgie aurait entamé des discussions sur le sujet, et à peine 10 % des salariés ont accès aux PER.

Des garde-fous essentiels

Les syndicats posent également leurs conditions : ils réfutent l'idée d'un système de capitalisation obligatoire qui se ferait au détriment des plans d'épargne existants (PEE, Pereco), estimant que le salarié doit conserver la main sur son choix d'épargne, à court terme ou pour la retraite. Ils exigent également que les sommes fléchées dans ces fonds soient investies dans l'économie "réelle", au bénéfice de la réindustrialisation française ou européenne.

"La voie de passage est étroite", résume Yvan Ricordeau.

Les participants s'accordent néanmoins sur la nécessité d'une négociation interprofessionnelle distincte incluant les quatre organisations absentes (U2P, FO, CGT et CFTC), bien que FO et la CGT s'opposent fermement à la capitalisation. "C'est un sujet que nous conclurons en discussion à huit et pas à quatre", a précisé Eric Chevée, espérant toutefois que l'éventuel accord pour réaménager les retraites - si compromis il y a - acte le principe et fixe un calendrier pour engager un accord national interprofessionnel sur le sujet.

 

Anne Bariet
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