Revendication d'un droit de propriété sur des tirages photographiques

27.01.2022

Gestion d'entreprise

La société de presse qui finance les supports et frais techniques de développement de tirages photos est propriétaire des supports et est en droit d'en disposer.

Une coopérative photographique ayant une activité de représentation de photographes et d’exploitation pour leur compte des droits de reproduction et de représentation de leurs œuvres a assigné le 19 juin 2013 une société de presse, afin d’obtenir la restitution sous astreinte de tirages réalisés jusqu’en 1989 à partir de négatifs qu’elle lui avait remis pendant des années, ainsi que l’interdiction de vendre ces tirages et la réparation de son préjudice. La société de presse a opposé d'une part la prescription de l’action et d'autre part son droit de propriété sur les tirages réalisés à ses frais. 

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Les juges du fond ont considéré qu’une partie des demandes de restitution portant sur des tirages publiés antérieurement au 19 juin 1983 était prescrite. Ils ont jugé que l’action en restitution était fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat, et constituait une action mobilière distincte de l’action en revendication. Selon les juges, l’action en restitution était soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions  personnelles ou mobilières, soit une prescription de cinq ans. Et si la société de presse avait restitué une partie des tirages au profit d’un photographe membre de la coopérative, cela ne valait pas reconnaissance d’un droit au profit de la coopérative pour tous les tirages dont elle réclamait la restitution, ce qui n’a dès lors pas interrompu le délai de prescription.

La coopérative demandait également qu’il soit fait interdiction à la société de presse de procéder directement ou indirectement à la vente de tous tirages de presse comportant le tampon de la coopérative, la mention de son nom ou de celui du photographe, en soutenant qu’elle n’était pas propriétaire des négatifs et dont elle déduisait qu'elle ne pouvait donc pas disposer librement des supports matériels des tirages photographiques. Les juges du fond ont rejeté cette demande en considérant que la société de presse était propriétaire de ces supports qu’elle avait financés, en plus des frais techniques de développement.

Remarque : rappelons que, selon l’article L.111-3 du code de propriété intellectuelle, la propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel. L'acquéreur de cet objet n'est investi, du fait de cette acquisition, d'aucun droit de propriété intellectuelle. Ces droits subsistent en la personne de l'auteur ou de ses ayants droit. 

Les juges ont donc considéré que la propriété intellectuelle étant indépendante de la propriété de l’objet matériel, la société de presse était en droit de disposer des tirages litigieux. Ils ont également rejeté la demande de dommages-intérêts de la coopérative. Un pourvoi en cassation a été formé.

Une action en restitution distincte de l'action en revendication

Selon la cour, l’action en restitution était donc fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat, et constituait une action mobilière distincte de l’action en revendication. L’arrêt a été partiellement cassé au visa des articles 2222 et 2224 du code civil, disposant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion par la loi, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 

La haute juridiction a rappelé que l’action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat était soumise à une prescription de trente ans ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale n’excède trente ans. Dès lors, une action dont le point de départ du délai de prescription se situe antérieurement au 19 juin 2008 est prescrite le 18 juin 2013 à minuit. Selon la cour, la totalité des demandes portant sur les tirages publiés entre 1949 et 1989 était prescrite le 19 juin 2013 au jour de l’assignation en justice.  

Le droit de propriété de la société sur les tirages réalisés à ses frais

Pour la haute juridiction, dès lors que la société de presse avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement, elle était la propriétaire originaire de ces supports. La propriété intellectuelle étant indépendante de la propriété de l’objet matériel, la société de presse était en droit de disposer des tirages litigieux. Par ailleurs, la cour rappelle que les photographies concernées avaient déjà fait l’objet d’une publication dans des titres de presse, et avaient donc déjà été divulguées avant 1989.

Delphine Roblin-Lapparra, Avocate à la cour
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