Alexandra Berg-Moussa, avocate associée chez August Debouzy, décrypte pour nous l’ordonnance du 13 décembre 2018. Le texte prévoit un relèvement du seuil de revente à perte et un encadrement des promotions en valeur et en volume sur les denrées alimentaires.
Quelles sont les conséquences de l’ordonnance du 13 décembre sur les négociations commerciales en cours dans le domaine de la grande distribution alimentaire ? Alexandra Berg-Moussa nous donne son éclairage.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Faut-il appliquer dès maintenant le nouveau seuil de revente à perte ?
Il y a encore un peu de temps. L’ordonnance prévoit que le rehaussement du seuil actuel, pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, interviendra à une date à préciser par décret que le gouvernement a d’ores et déjà annoncé comme étant le 1er février 2019 (date qui figure dans le compte rendu du conseil des ministres du 12 décembre). A ce stade, le nouveau seuil n’est donc pas encore applicable.
Comment se préparer ?
Côté distributeur, dès à présent il faut anticiper et faire en sorte, qu’à compter du 1er février prochain, le prix appliqué au moment de la revente du produit soit bien conforme à ce que prévoit la loi. Dans le cadre de la planification des promotions également, il convient d’en tenir compte, puisque le seuil rehaussé est aussi applicable dans ce cas. En d’autres termes, les plannings de prix et promotions dans les prochains mois doivent être anticipés afin que les prix de revente des produits concernés ne tombent pas en dessous du nouveau seuil au 1er février prochain.
Quelles sont les sanctions prévues ?
Elles n’ont pas bougé du fait de l’ordonnance. Elles s’élèvent à 75 000 € d’amende pour une personne physique et 375 000 € d’amende pour une personne morale. Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité supportées pour mettre en avant une annonce comportant un prix de revente non conforme.
Que dire de cette modification de la loi ?
Elle a valeur de « test » pendant 2 ans. L’objectif de la loi, dont découle l’ordonnance, est de s’assurer que les acteurs en amont de la chaîne, les producteurs, les agriculteurs, reçoivent une rémunération juste pour le fruit de leur travail. Mais aujourd’hui, certains acteurs du secteur s’interrogent sur l’effet du relèvement du seuil de revente à perte et sont dubitatifs sur l’efficacité de la mesure. Car rien n’impose aux distributeurs de répercuter les bénéfices supplémentaires, résultant du relèvement du seuil de revente à perte, sur les producteurs et les fournisseurs, au moment de la négociation des prix à l’achat. Le législateur table sur la bonne volonté des distributeurs. L’Autorité de la concurrence émet les mêmes doutes sur l’effet escompté de la mesure. Elle craint également, comme beaucoup, un effet inflationniste avec une hausse des prix pour les consommateurs.
Concernant l’encadrement des promotions, à quoi faut-il faire attention dès à présent ?
De manière générale, les promotions ne sont pas interdites du fait de l’ordonnance. Elles sont néanmoins encadrées de deux manières. Un premier encadrement des promotions en valeur, fixé à 34 % du prix de vente au consommateur, est prévu par l’ordonnance. A partir du 1er janvier, il ne sera donc plus possible de faire de promotion ayant pour effet d’offrir un produit à un prix dégradé de plus de 34 %. Cela s’applique également aux promotions non pas sur le prix directement mais de type « un acheté, un offert ». Cette pratique régulière, sur les denrées alimentaires, offre en réalité 50 % de réduction aux consommateurs. Elle sera donc interdite. En revanche, il sera toujours possible de proposer « deux produits achetés, un offert ».
Une nouvelle fois, le planning des promotions devra être anticipé afin, qu’à compter du 1er janvier, les promotions offrant aux consommateurs un avantage de plus de 34 % du prix de vente disparaissent des rayons. Cette mesure intervient très tôt : dans 10 jours. Les packagings « un acheté, un offert », seront donc par exemple à modifier. Il faudra probablement repackager ou mettre des stickers modifiant les promotions annoncées.
Y’aura-t-il un coût pour les distributeurs ?
Pas certain. Ce type de packaging est parfois fait en amont par les fournisseurs, à la demande des distributeurs. Dans un premier temps, il risque d’y avoir un coût pour eux, voire partagé.
La mesure était toutefois connue et annoncée depuis un certain temps et des projets d’ordonnance ont circulé. Les acteurs du secteur connaissaient donc cet encadrement en valeur. Il est donc probable que certains aient anticipé les choses en modifiant les modalités de leur conditionnement ou leurs pratiques afin de ne pas supporter de coûts de dernière minute.
Et que dire de l’encadrement en volume ?
C’est la mesure sur laquelle il y a le plus d’interrogations. Au plus tard au 1er mars 2019 - mais tous les contrats actuellement en cours de négociations ou déjà conclus pour 2019 sont concernés -, l’ordonnance précise que les avantages promotionnels accordés au consommateur ne devront pas par porter sur des produits représentant plus de 25 % du chiffre d’affaires prévisionnel fixé dans la convention unique de l’article L. 441-7 du code de commerce. Ceci vaut pour les produits de marque nationale et certains produits de marque distributeur (MDD). Pour les produits MDD répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, la mesure est effective dès à présent pour les contrats en cours et la quantité de produits vendus en promotion, par le distributeur, ne pourra dépasser 25 % du volume prévisionnel convenu entre le fournisseur et le distributeur. Pour certains produits dont les produits agricoles périssables - sauf ceux menacés d’altération rapide qui sont exclus du dispositif si les promotions concernées ne font pas l’objet d’annonces hors du lieu de vente -, la mesure est également effective dès à présent pour les contrats en cours. Et les promotions en valeur ne pourront aller au-delà de 25 % des engagements de volume convenus entre fournisseurs et distributeurs.
Cela va demander de l’anticipation en amont. Dans les conventions concernées, fournisseurs et distributeurs seront contraints de fixer un chiffre d’affaires ou un volume prévisionnel ce qui n’était pas obligatoire auparavant. Lorsque la relation contractuelle est existante, et qu’il y a un historique, il sera sans doute plus facile de fixer ces éléments. Lorsqu’au contraire une relation avec un nouveau fournisseur débute, les parties pâtiront d’un défaut de prévisibilité. C’est en tout cas un exercice de plus à mener dans le cadre des négociations annuelles.
De plus, une question se pose sur l’encadrement en volume. Comment apprécier le chiffre d’affaires prévisionnel ? Produit par produit ? Ou au contraire en prenant pour base le contrat, tous produits confondus ? Auquel cas, les contrôles ne pourront-ils s’effectuer qu’à l’aide d’un bilan de fin d’année ? A mon sens cela va être très compliqué et va demander beaucoup de diligences et suivi non seulement pour les acteurs du secteur mais également pour les autorités de contrôle.
Les sanctions sont-elles identiques à celles prévues pour le non-respect du seuil de revente à perte ?
Oui sur le montant car l’amende est de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale, et peut également être portée à la moitié des dépenses de publicité supportées pour mettre en avant l’avantage promotionnel non conforme. Mais il s’agit ici d’une amende administrative, ce qui n’est pas le cas de celle prévue pour le non-respect du seuil de revente à perte.
Les autorités et le gouvernement ont indiqué qu’ils seront vigilants dans le cadre des contrôles menés sur les négociations commerciales, afin de s’assurer que l’objectif poursuivi par la loi est atteint. D’ailleurs l’ordonnance prévoit un mécanisme pouvant mener à la suspension des mesures avant la fin de la période test de 2 ans, si cet objectif n’est pas atteint.
Les autorités auraient apparemment émis l’idée de publier une note explicative du nouveau dispositif, un peu comme l’avait fait la DGCCRF dans le cadre de l’entrée en vigueur de la loi Hamon en 2014. Cela serait une bonne chose. Tout le monde en profiterait en termes de prévisibilité.
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