Rupture conventionnelle collective : une stratégie risquée pour les DRH ?

Rupture conventionnelle collective : une stratégie risquée pour les DRH ?

11.01.2018

Gestion du personnel

Alors que Pimkie a dû renoncer, mardi, à son projet de rupture conventionnelle collective face à la fronde syndicale, d'autres entreprises, à l'instar de PSA Peugeot Citroën ou du Figaro, débutent leurs négociations pour faciliter le départ "à l'amiable" de leurs salariés. Les DRH devront, toutefois, muscler leurs propositions pour obtenir un accord majoritaire.

Finalement, c’est non. La direction de Pimkie a fait volte-face, mardi 9 janvier, à l’issue de sept heures de négociation, en renonçant à son projet de rupture conventionnelle collective (RCC) portant sur 208 postes. Les syndicats CGT, FO puis la CFDT, ont rejeté d’un bloc les propositions de l’entreprise. Pour la déléguée FO Maley Upravan, il s’agissait clairement d’un "plan de sauvegarde de l’emploi déguisé". Car le projet de la direction "était totalement incohérent : comment proposer des départs volontaires à des salariés travaillant dans des magasins dont la fermeture est programmée ?" 37 magasins (sur 321) étaient sur la sellette.

Cette toute nouvelle disposition issue des ordonnances Macron connaît ici son premier revers. "Il y avait clairement un dévoiement de la rupture conventionnelle collective, assure Eric Beaudouin, président d’Oasys Consultants. Si une entreprise subit des difficultés, elle doit mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi avec une phase de plans de départs volontaires pour accompagner les suppressions d’emploi et assurer le rebond des salariés. Dans tous les cas, l’administration du travail n’aurait pas suivi".

Ce revirement fera-t-il boule de neige ? PSA Peugeot Citroën ne pense pas vivre pareille déconvenue. A Poissy, au centre d’expertise des métiers, le nouveau lieu de négociation sociale du groupe, le sujet était également à l’ordre du jour, ce même mardi 9 janvier. La direction a présenté, outre un projet d’avenant pour reconduire son dispositif de gestion des emplois et des compétences (DAEC) permettant d’affiner la cartographie des compétences à l’instant T, un accord dédié aux ruptures conventionnelles collectives. Les deux textes sont ouverts à signature jusqu’au 17 janvier. Le projet final, qui portera sur quelque 1 300 départs, sera examiné en comité central d'entreprise le 19 janvier pour une mise en œuvre courant février.

Des propositions à amender

D’autres entreprises pourraient franchir le pas. Dans la presse, le groupe Figaro pourrait étrenner ce dispositif. Aucune date limite n’est en revanche avancée pour boucler ce projet, conditionné à la conclusion d'un accord majoritaire. Mais de source syndicale, on est encore loin du compte. Les propositions de la direction, avancées en début de semaine, restent "très grossières" et nécessitent "d’être fortement amendées" tant au niveau des mesures financières que sociales.

A la Société Générale, aucun projet concret de rupture conventionnelle collective n’a été présenté officiellement mais des doutes planent. La direction pourrait l’évoquer dans le cadre des discussions qui s’ouvrent en fin de semaine prochaine avec les syndicats sur le réajustement de son nouveau plan stratégique, intitulé Plan de transformation, qui prévoit 900 suppressions de postes supplémentaires. L’objectif est d’accélérer la rationalisation de sa banque de détail et de porter ainsi le nombre de suppressions de postes à 3 450 sur la période 2017-2019. "Nous irons à la table des négociations car nous ne sommes pas favorables à la politique de la chaise vide", indique Monique Motsch, déléguée nationale CFDT de la banque qui rappelle n’avoir signé aucun des deux plans de départs volontaires proposés par le groupe, en 2015 et 2016, en raison "de l’insuffisance de réponse sur le motif économique".

Les syndicats sont, en effet, vigilants. Et gardent la possibilité de s’y opposer. "Ce dispositif est un moyen de se débarrasser à moindre coût de salariés ayant de l’ancienneté et donc considérés comme trop payés", martèle Philippe Martinez le numéro un de la CGT.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des garanties différentes

Pour les salariés, la rupture conventionnelle collective n’apporte pas les mêmes garanties qu’un plan de départ volontaire (PDV). Cette rupture étant déconnectée de tout motif économique, le salarié n'a pas droit au bénéfice de la priorité de réembauche, ni à celui de contrat de sécurisation de l'emploi (CSP) ou d'un congé de reclassement. Il ne peut pas non plus contester la rupture, sauf vice de consentement. D’où la sécurité juridique mise en avant par les promoteurs du dispositif. Les entreprises peuvent, de leur côté, passer outre l’interdiction de recruter pendant six mois en CDD.

Le dispositif présente également l’avantage de la rapidité (deux mois maximum) pour permettre le départ des salariés et donc la réorganisation de l’entreprise.

Accord de méthode

Des mesures bien en deçà des attentes des syndicats de Pimkie. Face à la fronde syndicale, la direction de Pimkie a donc opté pour un accord de méthode prévoyant la négociation d’un plan de départs volontaires, avec possibilité de licenciements économiques dans le cas où l’entreprise ne trouverait pas les 208 volontaires au départ. "Cet accord permettra de poursuivre les négociations des mesures sociales d'accompagnement du projet de transformation de Pimkie", a indiqué brièvement la direction, dans un communiqué. Une petite victoire pour les organisations syndicales. Maley Upravan se félicite ainsi de ce projet bis, comportant, cette fois, des mesures d’accompagnement. Avec à la clef, "des formations, des reclassements obligatoires, un congé de reclassement, l’aide d’un cabinet dédié et des moyens financiers à hauteur de la santé financière du groupe (groupe Mulliez) ainsi que la réduction de la période de carence en cas de chômage (75 jours maximum contre 150 dans le cas d’un RCC)". La prochaine réunion est programmée le 23 janvier.

Les retouches du projet de loi de ratification

Des retouches ont toutefois été apportées par le projet de loi de ratification, discuté à partir du 23 janvier au Sénat, pour rendre la rupture conventionnelle collective plus attractive. "D'une part, le dispositif de congé de mobilité (période pendant laquelle le contrat de travail est suspendu ouvrant droit à un retour dans l’entreprise) va pouvoir être mis en place dans les accords de RCC et, d’autre part, le rôle de la Direccte va être renforcé en lui demandant de s’assurer de la qualité des mesures de reclassement, rappelle Joël Grangé, avocat associé au cabinet Flichy Grangé Avocats. De ce point de vue, cette extension du rôle de la Direccte rapproche la RCC du dispositif PSE et l’éloigne de la rupture conventionnelle individuelle".

"Des garde-fous ont été apportés pour éviter que les RCC ne soient assimilées à des chèques-valises, c’est-à-dire des incitations financières très avantageuses proposées par les entreprises, lors d’un plan de sauvegarde pour l’emploi, pour faciliter les départs, renchérit Eric Beaudouin. Dès septembre, nous avions alerté avec le Syntec conseil en évolution professionnelle les services de l’Etat sur ce risque de dérives. L’administration du travail sera également plus vigilante sur l’accompagnement, la mise en place d’un espace info-conseils, formation, les aides à la création d’entreprise"….

Loi de finances 2018

De plus, la loi de finances 2018 a aligné le régime social et fiscal des indemnités versées dans le cadre d'un accord portant rupture conventionnelle collective sur celui applicable aux indemnités versées dans le cadre d'un PSE. Ces indemnités sont exonérées d'impôt sur le revenu (sans limite de montant) et exonérées de cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le plafond annuel de sécurité sociale.

Des propositions acceptables

Pour convaincre, les DRH devront toutefois proposer des textes acceptables aux syndicats. "Elles devront sans aucun doute débourser autant voire plus qu’un PSE car elles ont besoin de l’accord de la signature du plus grand nombre et devront soigner les dispositifs d’accompagnement au départ", prédit Joël Grangé.

PSA Peugeot Citroën l’a bien compris. Le projet d’accord sur les RCC inclut les mesures, figurant jusqu’ici dans le DAEC, à savoir le congé de mobilité sécurisé et le congé de reclassement maison. Ces départs pourront prendre la forme de congés de reclassement, d’un accompagnement à la création d’entreprise ou d’une reconversion dite sécurisée par le biais d’un passeport de transition professionnelle qui consiste à délivrer une formation certifiante ou diplômante en vue d’une embauche dans une entreprise partenaire du groupe. Ces mesures pourraient permettre à FO de signer ce texte. "La RCC permet d’éviter les procédures traumatisante des PSE et de désignation des salariés, assure Brahim Ait-Athmane  (FO). Car dans le cas des PSE, c��est l’entreprise qui choisit quels postes doivent être supprimés, alors que les personnes concernées par la rupture conventionnelle collective sont volontaires".

L’an passé, 1170 congés seniors et 1 500 mobilités externes sécurisées ont été réalisés en 2017, ainsi que 1 200 recrutements CDI et 2500 emplois jeunes, selon les syndicats.

Car à la différence de Pimkie, PSA Peugeot Citroën, en bonne santé financière, n'a pas pour but de diminuer ses effectifs nets et a annoncé en parallèle l'embauche d'autant de CDI. Soit 1 300 recrutements en CDI dont 400 en production.

Anne Bariet
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