Saisie sur salaire : "cette réforme risque de réduire l'accès à la justice de personnes qui sont souvent dans la précarité"

Saisie sur salaire : "cette réforme risque de réduire l'accès à la justice de personnes qui sont souvent dans la précarité"

17.10.2023

Gestion du personnel

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2025 déjudiciarise la procédure de saisie sur rémunération à compter d'une date qui sera fixée par décret et, au plus tard, au 1er janvier 2025. Comment apprécier ce changement qui dévolue au commissaire de justice l'entier rôle de mettre en oeuvre cette procédure ? Explications avec Michèle Bauer, avocate en droit du travail.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2025 a été adoptée définitivement au Parlement le 11 octobre. Parmi les mesures qu'elle comporte, l'une modifie en profondeur la procédure de saisie sur rémunération à compter, d'une date qui sera fixée par décret et, au plus tard, au 1er janvier 2025. Plaçant désormais au centre du processus le commissaire de justice (*), le texte acte la déjudiciarisation de la saisie sur salaire. Explications avec Michèle Bauer, avocate en droit du travail.  

► Attention, cette mesure a été soumise au Conseil constitutionnel le 16 octobre par les députés de la Nupes.

Comment se déroule actuellement la procédure de saisie sur rémunération ? 

La saisie-rémunération permet à un créancier de récupérer des sommes dues par un débiteur salarié auprès de son employeur. Ce sont souvent des banques pour des crédits impayés mais aussi des créances de loyer. Par exemple, une injonction de payer est délivrée et permet d'exiger les sommes dues que le commissaire de justice (*) n'arrive pas à récupérer. Le commissaire de justice, muni d'un titre exécutoire, saisit le juge en déposant une requête qui doit comporter un certain nombre de mentions sous peine de nullité. La procédure de saisie des rémunérations débute par une tentative préalable de conciliation entre le débiteur et le créancier. Si la tentative de conciliation aboutit, le directeur du greffe procède à la saisie sur rémunération. Il contacte l'employeur qui devra l'informer de l'existence ou non d'autres créanciers afin de déterminer le cas échéant la manière de les répartir les dettes. Le salarié peut aussi contester la saisie. Il peut soulever la nullité de la requête, la validité du titre exécutoire ou bien encore la prescription de la dette. Dans cette procédure, le salarié ne débourse aucun frais. 

Que va changer la réforme ?

La réforme déjudiciarise la procédure de saisie sur rémunération. La procédure est entièrement confiée au commissaire de justice. Si contrôle du juge il y a, il ne sera qu'a posteriori. En effet, si le débiteur conserve le pouvoir de saisir, ce ne sera pas systématique, contrairement à la situation actuelle. S'il est vrai que la saisie-rémunération est la seule procédure de saisie mobilière qui implique un contrôle du juge et une mise en oeuvre par les services du greffe des tribunaux judiciaires, il faut rappeler qu'il s'agit de protéger des créances alimentaires et qu'un minimum insaisissable est fixé. 

Cette réforme va donner aux commissaires de justice - payés par les créanciers - un pouvoir important. Par ailleurs, alors que le recours au greffe était gratuit, les frais du commissaire de justice devront être pris en charge. Mais par qui ? C'est un décret qui devra le préciser mais on peut craindre que ce soit le débiteur. Cette réforme risque donc de contribuer à réduire l'accès à la justice de personnes qui sont souvent dans la précarité et présentent des difficultés sociales. 

 

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat avait alerté sur le risque financier pour le débiteur salarié. "... Au regard de l’insuffisance des éléments dont dispose le gouvernement pour apprécier les incidences de cette mesure s’agissant des frais des commissaires de justice qui seront mis à la charge des débiteurs et des créanciers, le Conseil d’Etat n’est pas en mesure de déterminer avec précision ses effets tant sociaux, sur une population souvent vulnérable qu’une dérive même modique des coûts maintiendrait dans l’endettement, qu’économiques, privant les créanciers d’une part peut être plus importante de ce qui leur revient. Le Conseil d’Etat suggère de prévoir que le décret en Conseil d’Etat définissant les modalités d’application de cette réforme pourra, le cas échéant, comprendre des mesures visant à préserver et concilier les intérêts des débiteurs, des créanciers et des commissaires de justice, telles qu’un plafonnement du nombre d’actes d’exécution ou du montant des frais des commissaires de justice mis à la charge des débiteurs, ou un étalement de ces frais".

 

(*) Pour rappel, le commissaire de justice est une profession née de la fusion de celle d'huissier de justice et de celle de commissaire-priseur judiciaire depuis le 1er juillet 2022. 

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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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