Salaire : sélection des arrêts rendus par la Cour de cassation ces dernières semaines
15.11.2021
Gestion du personnel

La Cour de cassation a apporté des précisions sur quelques règles applicables à certains éléments de rémunération, notamment sur la distribution des pourboires centralisés par l'employeur, sur les primes et la rémunération variable.
Le tableau ci-dessous présente une sélection des décisions rendues en octobre et début novembre 2021 par la jurisprudence sur les éléments constitutifs du salaire (pourboires, prime de résultat, commissions, bonus).
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Thème | Faits et procédures | Solution jurisprudentielle | Intérêt pratique |
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Pourboires | |||
Reversement obligatoire de la totalité des pourboires centralisés aux salariés en contact avec la clientèle * | En l’espèce, une brasserie prévoyait par accord collectif que les pourboires centralisés par l’employeur étaient égaux à 15 % du chiffe d’affaires hors taxe, sans plus de précision. L’employeur considérait que ce chiffre d’affaires s’entendait hors service, contrairement à une vingtaine de ses salariés. Ces derniers considéraient, en effet, que le pourcentage du pourboire facturé aux clients pour le service devait être pris en compte dans l’assiette de calcul des 15 % à leur reverser. Une intégration conduisant à répartir plus que l’intégralité de la somme perçue au titre du service. | Pour la Cour de cassation, l’article 3244-1 du code du travail * ne fait pas obstacle à ce qu’il soit décidé que les sommes reversées par l’employeur au titre d’une rémunération au pourboire avec un salaire minimum garanti soient calculées sur la base d’une masse à partager supérieure à celle facturée aux clients au titre du service. Cass. soc., 13 oct. 2021, n° 19-24.739, n° 19-24.741 et n° 19-24.754 | Les employeurs souhaitant limiter la répartition des pourboires à un pourcentage du CA hors services ou hors taxe ont tout intérêt à le faire préciser dans l’accord collectif. |
Rémunération variable | |||
Effets de la rupture du contrat de travail sur une prime sur objectifs dont le versement est subordonné à une condition de présence postérieure à cette rupture | Licencié le 19 octobre 2010, un salarié conteste en justice son licenciement et réclame le paiement de primes commerciales sur objectifs que l’employeur ne lui avaient pas versées au prétexte qu’elles n’étaient pas dues en raison d’une clause contractuelle subordonnant ce paiement à la présence du salarié dans l’entreprise le 31 décembre de l’année considérée. Mais les objectifs avaient été réalisés (en tout cas partiellement) avant le départ du salarié. | Si une prime portant sur une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement. Les primes constituent la partie variable de la rémunération en contrepartie de l’activité du salarié, elles s’acquièrent donc au prorata de son temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice. | |
Fixation du montant de la prime de résultats par le juge en l’absence de fixation des objectifs annuels par l’employeur | Un salarié est engagé en 2013 en qualité d’account manager moyennant une rémunération fixe assortie d’une rémunération variable annuelle indexée en fonction de ses objectifs de vente à atteindre (prime de résultat). Son contrat de travail prévoit que « les objectifs de chiffre d'affaires à atteindre sont fixés chaque année, après concertation avec la Direction et en phase avec la stratégie de développement de l'entreprise ». Cette concertation annuelle n'ayant pas été faite, le salarié saisit la justice aux fins d'obtenir un rappel des primes de résultat. L’employeur est condamné à payer l’intégralité des primes de résultat au salarié. Il se pourvoit en cassation. | L’employeur s’appuie sur une jurisprudence du 9 mai 2007 (n° 05-45.613) qui dispose que « lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes ». Sans renier cette position, la Cour de cassation approuve la décision prise par les juges du fond : l’employeur ayant manqué à son obligation contractuelle d’engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait le montant de la prime, les juges du fond pouvaient décider que cette prime contractuelle serait versée intégralement pour chaque exercice. | Si les termes du contrat de travail sont trop imprécis sur les bases de calcul de la part variable de la rémunération, c'est le juge qui doit procéder lui-même au calcul de la rémunération. Il se base dans ce cas sur les éléments comptables dont il dispose. Avec parfois un résultat assez éloigné de ce que l'employeur entendait verser au moment de la conclusion du contrat. Mieux vaut donc fixer des objectifs annuels précis. |
Effets d’un transfert d’entreprise sur le calcul d’une commission | En l’espèce, le contrat de travail d’un salarié négociateur immobilier prévoit une rémunération fixe assortie d’un élément de salaire variable sous forme de commission correspondant à pourcentage sur le montant des honoraires hors taxes (entre 20 et 25 % selon le montant de la transaction immobilière). Le salarié est transféré dans une autre société qui n’intègre pas dans l’assiette de calcul des commissions du salarié les honoraires payés par les bailleurs encaissés par l’ancien employeur. La nouvelle société est condamnée à verser un rappel de ces commissions. | La rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord. En cas de transfert d’entreprise au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, le nouvel employeur est tenu de respecter l’ensemble des droits et obligations résultant de ce contrat. | Si des salaires ou des primes, demeurent impayés au moment du transfert, c’est au nouvel employeur de les régler (idem pour les sommes acquises au service de l’ancien employeur mais payables après que le changement soit intervenu), à charge pour le nouvel employeur de se retourner vers le cédant pour obtenir leur remboursement. Attention ! Ce dernier est impossible si les créances salariales ont été prises en compte dans la convention de transfert. Il faut donc régler dans cette convention d'éventuelles difficultés dans ce domaine. |
Primes et gratifications | |||
Prime versée au prorata d’un temps de travail effectif | Après plusieurs CDD successifs à temps complet conclus courant 2008/2009, un salarié est embauché en CDI à temps partiel le 1er avril 2009. En 2012, il saisit la justice d’une demande de paiement d’un bonus mensuel forfaitaire conventionnel (Accord interprofessionnel « Salaires » des salariés du secteur privé de La Réunion). L’accord précité prévoit la proratisation du montant de ce bonus pour les salariés à temps partiel. Les juges du fond condamnent toutefois l’employeur à verser ces bonus sur une base « temps plein » sans distinguer les périodes de travail à temps complet et les périodes à temps partiel. A tort. | Si exclure du bénéfice d'une prime les salariés d'un contrat de travail à temps partiel est impossible, il est possible de prévoir des modalités d'attributions spécifiques pour ces salariés (ce qui était le cas en espèce, les juges du fond estimant que la relation de travail n’était pas à temps complet). | Rappelons qu'à défaut d'une telle mention dans l'accord collectif, la prime ne peut être proratisée. L'employeur qui souhaite tenir compte du temps de travail effectif doit le négocier et le faire apparaître clairement dans l'accord. |
Prime variable prévue dans un engagement unilatéral | Une salariée bénéficiait d'un de plan de rémunération à long terme fixé par engagement unilatéral de l'employeur. Cet engagement prévoyait le versement d'un complément de salaire en contrepartie de son contrat de travail, sur la base de son niveau de performance individuelle appréciée par son supérieur hiérarchique et donnant lieu à une conversion en unités d'actions de la société. Elle est licenciée. Son employeur conteste la nature de rémunération à ces unités d'actions (qui pourtant apparaissaient sur le bulletin de paie et étaient soumises à charges sociales et à l'impôt) et refuse de les intégrer dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture dues à la salarié. | Lorsque la prime est prévue dans un engagement unilatéral, elle constitue un élément de salaire obligatoire qui doit être versé dans les conditions fixées par cet engagement, peu importe son caractère variable. A ce titre, elle doit être intégrée dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture du contrat de travail. |
* Aux termes de l'article L. 3244-1, « dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites " pour le service " par l'employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement » .
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