Salaires : fortes tensions autour des négociations annuelles obligatoires

Salaires : fortes tensions autour des négociations annuelles obligatoires

09.01.2022

Gestion du personnel

Mouvements de grève, débrayages, blocages d’entrepôts… Les négociations annuelles obligatoires qui se déroulent actuellement sont tendues. Avec le retour de l’inflation et le prix de l’énergie, les attentes des salariés sont fortes. Un exercice délicat pour les DRH.

Débrayages dans une soixantaine de magasins et blocage de trois entrepôts, en Ile-de-France, à Valence et à Dourges dans le Nord… Leroy Merlin a connu des négociations salariales plus sereines. En novembre dernier, la proposition de la direction d’augmenter les salaires de 2 % pour les employés non cadres n’a pas convaincu l’intersyndicale (CFDT, CFTC, CGT, FO). Et la réaction n’a pas tardé : la mobilisation d’une heure dans les magasins le week-end, pendant 14 jours, a été très suivie par les salariés, syndiqués ou non. "En 20 ans, cela n’était jamais arrivé", confie Bernard Vigourous, délégué syndical central FO de l’enseigne de bricolage.

La direction a rouvert les négociations, en relevant les salaires à 3,9 % en moyenne au 1er janvier 2022 (avec une augmentation de 65 euros pour les premiers niveaux de salaire, contre 40 euros initialement prévus). Et a accepté de doubler la prime inflation, de 100 à 200 euros, qui sera versée fin janvier. 

"La grève a payé", constate Bernard Vigourous.

Une "première" chez Decathlon

Le cas de Leroy-Merlin n’est pas isolé. Carrefour a également entamé un mouvement de grèves pendant les fêtes de fin d’année. Chez Décathlon, aussi, une mobilisation de deux jours, en fin d’année, dans un quart des magasins, une première dans l’enseigne sportive, a permis de gonfler la feuille de paie : la direction a dû revoir ses propositions initiales à la hausse, avec in fine 3,1 % pour les employés, 2,8 % pour les agents de maîtrise et 50 euros bruts pour les cadres, contre une revalorisation initiale de 2 %, selon Sébastien Chauvin, délégué central CFDT. S’y ajoute une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de 400 euros (250 euros au départ) et la prime énergie.

La grogne a aussi gagné Sephora, Cora, Sanofi, EDF.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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"Les salariés attendent un effet de rattrapage"

Dans un contexte de retour de l’inflation, les attentes des salariés sont fortes. D’autant que la revalorisation du Smic au 1er octobre a provoqué un écrasement de la grille salariale. Conséquence ? "Les trois premiers niveaux de la grille salariale se sont retrouvés en dessous du Smic, pointe Sylvain Macé, délégué syndical CFDT du groupe Carrefour France. En deuxième ligne pendant la pandémie, les salariés dits essentiels ont le sentiment que leurs salaires n’ont pas été revalorisés. Ce n’est pas très motivant".

Si les négociations de fin d’année ont réussi à couvrir la perte de pouvoir d’achat en 2021 (avec une hausse de 1 % sur novembre et décembre) celles qui ont tout juste commencé s’annoncent tendues. Le syndicat revendique une hausse de 3 %.

Autre spécificité de l’année : "les salariés ont fait le dos rond pendant la crise. En 2022, ils s’attendent à un effet de rattrapage et de reconnaissance des efforts consentis", poursuit Bruno Rocquemont, directeur conseil gestion des talents et rémunération au sein de Mercer France.

"Récompenser l’engagement"

15 % des entreprises ont connu une année blanche en 2021 en termes d’augmentation de salaire, selon un sondage publié par LHH en septembre dernier. Chez Thalès, "les revalorisations, comprises entre 1 % et 1,5 % selon les différentes sociétés du groupe, n’ont eu lieu qu’en juillet. Ce qui signifie qu’elles n’ont porté que sur une demi-année puisque ces augmentations n’ont pas été rétroactives", fulmine Grégory Lewandowski, délégué CGT du groupe Thales qui demande en compensation une augmentation de 5 % pour 2022.

Dans la galaxie Airbus, le budget était à zéro pour Airbus Commercial Aircraft sur la période de juin 2021 à juin 2022. "Cette année, l’objectif est au moins de couvrir l’inflation et de récompenser l’engagement des salariés, indique Edwin Liard, secrétaire fédéral FO métallurgie. Les salariés d’Airbus sont en attente d’un budget significatif cette année afin d’augmenter leur pouvoir d’achat". Les prochaines discussions devraient commencer en mars prochain pour la période de juin 2022 à juin 2023.

Mais les NAO 2022 seront-elles à la hauteur des attentes ?

"Le thème du pouvoir d’achat est devenu un sujet de campagne présidentielle, poursuit Bruno Rocquemont. Sous la pression des politiques, les salariés s’attendent à des augmentations. D’autant que la croissance économique est extrêmement forte et que l’on assiste à des tensions sur certains métiers".

Des augmentations comprises entre 2,3 % et 2,5 %

Selon les premiers calculs de Mercer, les coups de pouce pourraient être compris entre 2,3 % et 2,5 %, contre 2 % initialement prévus à la fin de l’été. "Malgré les incertitudes, notamment de l’épidémie Omicron et du risque de désorganisation des entreprises, les entreprises comprennent les attentes des collaborateurs".

BNP Paribas, qui a ouvert le bal des négociations en novembre dernier, a octroyé 1,5 % de la masse salariale aux augmentations individuelles et 0,6 % aux augmentations collective, pour les salariés percevant un salaire fixe annuel jusqu’à 80 000 euros, avec un plancher de 280 euros bruts.

Chez Sanofi, le projet d’accord, soumis à signature depuis le 20 décembre, table sur une revalorisation de 2,35 % qui inclut une enveloppe d’augmentation collective (1 %) et une enveloppe dédiée à l’équité professionnelle (0,1 %). Quelle que soit la catégorie socio-professionnelle concernée, l’accord précise que l’augmentation collective ne pourra être inférieure à 400 euros bruts annuels.

FO et la CFE-CGC demandait 5 %.

Dans l’aéronautique, Safran a accordé entre 2,7 % et 2,9 % ; Satys, 2,9 % dont 2,5 % en augmentation collective, Dassault 1,6 %.

Les métiers en tension

Les hausses de salaire pourraient être plus importantes dans les entreprises qui ont du mal à recruter.

Selon Robert Walters, c’est la fonction supply chain qui bénéficiera de la plus forte augmentation, avec une envolée de 11 % en moyenne. Certains postes très qualifiés se sont révélés stratégiques pendant la crise sanitaire. La finance connaît également un effet de rattrapage, avec des augmentations moyennes de 9 %. La fonction juridique devrait connaître une envolée de 8 % et celle de IT/digital de 7 %.

"Très fragilisée pendant la pandémie, l’aéronautique devrait à nouveau recruter en 2022, soutient Edwin Liard, en évoquant les prévisions du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) qui table sur 10 000 à 15 000 recrutements. Il faudra donc être attractif. 4 % des effectifs ont quitté le métier durant la crise".

Les négociations de branche patinent

Mais il n’y a pas que les métiers en tension qui ont envie d’un coup de pouce. A l’autre extrémité, la déception guette, notamment dans les métiers dits essentiels.

"Toutes les entreprises ne peuvent pas s’appuyer sur le dialogue social pour trouver des compromis. Certains salariés se sentent lésés, avance Olivier Guivarch, secrétaire général de la fédération CFDT Services. Faute de syndicats dans leur entreprise, ils doivent s’appuyer sur les négociations de branches. Or, les organisations patronales jouent avec le feu, en attendant la fin des négociations dans les entreprises. On assiste aujourd’hui à une inversion de la logique de négociation. La branche doit donner le la. Mais elle traîne des pieds".

La nouvelle grille salariale dans le commerce alimentaire a été étendue fin décembre "mais elle est déjà obsolète par rapport à la revalorisation du Smic. Une prochaine réunion doit avoir lieu le 12 janvier, mais à ce rythme-là, il faudra attendre le printemps pour parvenir à un accord, et septembre pour voir les avancées concrètes sur les fiches de paie, en comptant la procédure d’extension. Ce qui est insupportable pour les salariés", poursuit Olivier Guivarch.

D’autant que de nombreux salariés passent sous les radars des accords d’entreprise.

Chez Carrefour, par exemple, l’annonce de la cession d’une partie de son parc d’hypermarchés et de supermarchés (soit 43 magasins en location-gérance) entraînera le départ de 6 000 salariés en 2022. Avec à la clef, une perte importante de pouvoir d’achat et d’avantages sociaux ad hoc.

La question est suffisamment prise au sérieux pour que, côté gouvernement, on exhorte les branches à ouvrir des négociations pour revoir les grilles. Il y a beaucoup de discusions en cours. Mais pour l’heure, hormis l’hôtellerie-restauration, on constate peu d’avancées concrètes.

Anne Bariet
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