Sanctions civiles relatives au TEG : prise en compte par le juge du préjudice subi par l'emprunteur

28.08.2019

Gestion d'entreprise

L'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global prévoit que ces sanctions soient harmonisées et proportionnées, notamment au préjudice effectivement subi par l'emprunteur. Il revient cependant au juge d'en tenir compte ou non.

L’ordonnance n° 2019-740, du 17 juillet 2019 a été prise, après avis du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance. Elle prévoit un régime unique de sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de TEG dans tout document d'information précontractuel ainsi que dans tout écrit valant contrat, qu'il s'agisse d'un contrat de crédit à la consommation ou d'un contrat de crédit immobilier. Le juge dispose ainsi de la faculté de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, en se fondant notamment sur le préjudice subi par l'emprunteur.

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Pour rappel : l'article 55 de la loi du 10 août 2018 précitée a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi, soit antérieurement au 12 août 2019, les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au TEG et à prévoir les mesures de coordination et d'adaptation découlant de ces modifications en vue de clarifier et d'harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs (Dir. 2008/48/CE et Règl. (UE) n° 1093/2010 modifiés par la Dir. 2014/17/UE).  Les dispositions européennes précitées prévoient qu'outre leur caractère proportionné, les sanctions établies doivent être effectives et dissuasives.
Un agrégat représentatif du coût total du crédit pour l’emprunteur

Le taux effectif global n’est en réalité pas un taux, mais un agrégat représentatif du coût total du crédit pour l’emprunteur, permettant en principe à ce dernier d’établir une comparaison entre les coûts des crédits ayant les mêmes caractéristiques, proposés par différents établissements. Aux termes de l’article  L. 314-5 du code de la consommation, auquel renvoie l’article L. 313-4 du code monétaire et financier, le prêteur doit indiquer le taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt soumis aux dispositions de la section I du chapitre IV du titre I du livre III du code de la consommation, relatif aux opérations de crédit. Il convient donc que soient indiqués sur la convention, le taux conventionnel mais également le taux effectif global (Cass. 1re civ., 24 juin 1981, n° 80-12.903 ; Cass. 1re civ., 19 févr. 2013, n° 12-14.381).

Remarque : l’obligation d’indiquer le taux effectif global s’applique aux prêts même conclus à titre professionnel (Cass. 1re civ., 22 sept. 2011, n° 10-16.375 ; cf. E. Gentil, Plaidoyer pour la suppression totale du TEG pour les entreprises, Option finances, 2014, n° 1291, p. 34).
Un régime de sanctions antérieur favorable aux emprunteurs

Pour autant, le TEG n’étant pas un taux d’intérêts, la nullité de la clause conventionnelle d’intérêts sur le fondement de l’article 1907 du code civil, qui relève d’une construction jurisprudentielle magnanime pour les emprunteurs, n’est pas cohérente. Il est incontestable que cette jurisprudence, suivie par les tribunaux au fil du temps, favorisait souvent en pratique les emprunteurs de mauvaise foi. Ces derniers pouvaient profiter d’une erreur ou d’une absence de TEG pour obtenir la nullité de la clause d’intérêts et, par suite, une réduction de leur dette sans commune mesure avec le préjudice allégué. Or, ce préjudice, souvent minime, est cependant économiquement très préjudiciable aux prêteurs en raison du nombre important de demandes aboutissant au succès des emprunteurs, malgré l’installation de garde-fous par la Cour de cassation !

Un nouveau régime de sanctions mieux proportionné et tout aussi dissuasif

La sanction établie par l’ordonnance n° 2019-740 est ainsi mieux proportionnée que certaines des sanctions civiles existantes en cas d'erreur ou de défaut du TEG, que ce soit celle établie par les dispositions du code de la consommation pour le crédit à la consommation, qui prévoient la déchéance totale du droit aux intérêts à compter de la signature du contrat sans pouvoir d'appréciation du juge, ou celle établie de manière jurisprudentielle pour tous les contrats de crédit, qui prévoit la substitution du taux d'intérêt légal pour le calcul des intérêts et la restitution des éventuels excédents d'intérêt perçus. La sanction prévue par l'ordonnance n'en reste pas moins dissuasive car si le juge est appelé à prendre en compte le préjudice subi par l'emprunteur pour déterminer le niveau de la sanction, son pouvoir d'appréciation n'est pas limité à ce seul préjudice.

Un large pouvoir d’appréciation du juge

Cependant, si les mots ont un sens, il semble que l’emprunteur ne sera pas tenu obligatoirement d’apporter la preuve d’un préjudice pour obtenir une remise totale ou partielle d’intérêts, dans la mesure où l’ordonnance énonce que le juge peut notamment prendre le préjudice en considération pour se forger une opinion. En d’autres termes, en l’absence de préjudice, il peut tout de même entrer en condamnation et raboter ou supprimer le montant des intérêts conventionnels dus par l’emprunteur ! Cela réduit donc l’intérêt des modifications apportées au code de la consommation.

Remarque : l'habilitation ne prévoyant pas que le nouveau régime de sanction doit s'appliquer aux actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance, celle-ci ne comprend pas de disposition sur ce point. Il revient donc aux juges civils d'apprécier, selon les cas, si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur et, dans cette hypothèse, d'en faire une application immédiate dans le cadre d'actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance.
Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés
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