Santé au travail : les contours du projet d'accord national interprofessionnel se précisent

Santé au travail : les contours du projet d'accord national interprofessionnel se précisent

03.12.2020

Gestion du personnel

Cet après-midi se tiendra la dernière séance de négociation sur la santé au travail. Mercredi, les partenaires sociaux se sont accordés sur certaines mesures, comme la généralisation des commissions SSCT ou la création d'une plateforme d'aide à l'actualisation du document unique. Les points de blocage restent toutefois présents, laissant planer le doute sur l'issue des débats.

Ce soir, la dernière séance de négociation sur la santé au travail débouchera-t-elle sur un accord ?

Mercredi, après dix séances de négociations sur le sujet de la santé au travail, les négociations sont enfin entrées dans le vif du sujet. Fini les tours de table interminables ; syndicats et patronat ont entamé une nouvelle phase de la négociation. Cette fois-ci, les discussions se sont articulées autour de points précis de la future réforme de la santé au travail. Mais, alors que les organisations syndicales insistent pour obtenir des éclaircissements, le patronat semble déterminé à rester dans le flou.

Les organisations syndicales déplorent tous une posture fermée des représentants des employeurs. "Comme dans la négociation télétravail, on sent leur souhait de faire un accord qui se rapproche davantage d'un guide de bonnes pratiques, et qui renvoie au maximum les décisions à la négociation d'entreprise, souligne Jérôme Vivenza (CGT). Ce n'est pas souhaitable. Les salariés n'ont pas les mêmes droits d'expression et de représentation dans les plus petites entreprises, et ils risquent d'être les parents pauvres de cette réforme."

La séance laborieuse de près de sept heures (au lieu des 2h30 prévues) aura permis de mettre en valeur plusieurs points d'évolution possibles, sans pour autant effacer les points de blocage. "Pour l'instant, les discussions restent axées sur la sacro-sainte responsabilité que les employeurs ont en matière de santé sécurité, a déploré hier Catherine Pinchaut (CFDT). Malgré certaines avancées du texte, on ressent une volonté du patronat d’être sécurisé sur ce sujet, avec ceinture, bretelles et parachute."

La contrepartie des investissements de l'employeur

C'est là une "ligne rouge" reconnue par l'ensemble des organisations syndicales. Ces dernières refusent que l'ANI soit un moyen de dédouaner l'employeur de sa responsabilité prévue par le code du travail. Or, on touche là à une notion clef en matière de santé au travail, qui infuse nécessairement tous les autres aspects de la négociation.

Face à l'unanimité des syndicats sur ce sujet, le patronat "s'inscrit en faux". "L'employeur porte la responsabilité de la santé et la sécurité des salariés, insiste Diane Deperrois (Medef). On l'a bien vu pendant cette crise sanitaire, où la santé des salariés est au cœur des actions menées dans les entreprises. Dès lors que cette mission implique que les employeurs investissent des moyens en matière de prévention, il est normal qu'ils se demandent comment leurs efforts peuvent être reconnus. Si l'on souhaite mettre en avant les investissements en matière de prévention primaire, il est légitime que cette question soit posée."

"Si le patronat fait de cette question de déresponsabilisation un préalable, cela risque d’être encore plus compliqué pour la suite des discussions, s'inquiète Serge Legagnoa (FO). L'état d'esprit de cette négociation est au contraire la responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Et l'employeur est particulièrement concerné, car c'est lui qui a la main sur les services de santé au travail. Nous espérons que le bon sens l’emportera." 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Un report de certaines missions vers la médecine de ville

La rédaction actuelle du texte pose également problème sur la question de l'articulation entre médecine du travail et médecine de ville. Elle propose de transférer une parties des tâches du médecin du travail vers la médecine générale en créant un "médecin correspondant". Le texte n'apporte que peu de précisions.

Mais déjà, les critiques pleuvent côté syndicats. La CGT y voit une négation de la spécificité de la médecine du travail, FO craint une nouvelle baisse de l'attractivité de cette spécialité médicale. La CFDT objecte quant à elle que la médecine de ville est elle aussi touchée par la pénurie de médecins dans certains territoires. "Il s'agit d'une solution disruptive, admet Diane Deperrois. Elle nécessite donc un travail d'ajustements ; on ne change pas un système du jour au lendemain. Cela est nécessaire pour permettre aux salariés de bénéficier d'un suivi médical appliqué dans les délais, et avec l'agilité dont ont besoin les employeurs." 

Côté gouvernance, les commissions de contrôle des services de santé interentreprises devraient être supprimées, alors qu'un "bureau paritaire" serait mis en place. Là encore, les syndicats appellent à davantage de clarté.

Une commission SSCT dès 50 salariés

La négociation est aussi l'occasion de tirer les conséquences de l'application des ordonnances de 2017 sur le dialogue social dans les entreprises. Sans surprise, les syndicats regrettent unanimement la fin du CHSCT, qui entraîne une dilution du sujet de la santé au travail parmi les sujets de discussion. "Les IRP ont un périmètre beaucoup plus important à s'occuper, ils sont très pris par les questions économiques et sociales, donc ce qui touche à la santé passe au second plan", selon Serge Legagnoa (FO).

Le négociateur de Force Ouvrière ainsi que son homologue de la CFDT, Catherine Pinchaut, demandent une modification des règles de mise en place de la commission santé, sécurité et conditions de travail (SSCT). Aujourd'hui limitées par principe aux entreprises dont l'effectif est au minimum de 300 salariés, elles seraient étendues à toutes les entreprises dès 50 salariés. Cette idée a été reprise dans le texte soumis hier aux partenaires sociaux, mais doit encore être précisée.

La proposition de créer dans toutes les branches une structure dédiée aux discussions en santé et sécurité a également été reprise dans le texte patronal.

Une aide à l'évaluation des risques en entreprise

Un chapitre de l'accord en préparation est consacré aux risques professionnels. C'est l'occasion notamment d'avancer sur la question des risques chimiques, même si le texte manque encore de consistance selon les négociateurs syndicaux. Quels moyens en matière de formation, de suivi des expositions, voire de suivi post-exposition ? Peu d'éléments semblent avoir été encadrés. Reste que le sujet est en bonne voie d'évolution. "Je serais surpris qu'on aboutisse à un désaccord de fond sur ce sujet, indique Serge Legagnoa (FO). L'intégration des pistes du rapport Frimat devrait en particulier être étudiée. Les risques psychosociaux posent en revanche plus de difficulté." Les RPS sont intégrés eux aussi au texte provisoire, mais pour mieux mentionner que de multiples facteurs peuvent en être à l'origine, et pas seulement dans la sphère professionnelle.

Le patronat a souhaité toutefois avancer sur le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). "Cet outil a un rôle pivot, qui permet d'amorcer une phase de diagnostic et d'identifier les points sur lesquels le chef d’entreprise doit renforcer ses actions de prévention, indique Diane Deperrois (Medef). Mais prendre en main cet outil est plus difficile pour les TPE et PME, c'est pourquoi nous souhaitons mettre en place des moyens technologiques pour les aider." L'une des pistes étudiées est la mise en place d'une plateforme numérique qui permettrait d'aider les petites entreprises à actualiser leur document unique.

Des tensions en fin de séance

"On a enfin décollé, mais j'ai du mal à voir la piste d'atterissage... sauf à ce qu'on y passe tout la nuit, ou plus !" résume Catherine Pinchaut (CFDT). Serge Legagnoa (FO) est également dubitatif quant à l'issue de la dernière séance, programmée cet après-midi. "Je m'interroge vraiment sur la possibilité que la séance soit conclusive. Nous avons beaucoup de questions précises sur des mesures dont la rédaction est encore floue. Et nous n'avons obtenu aucune réponse, ce qui est frustrant". "Pour l’instant on a un texte qui aura des conséquences désastreuses pour les salariés, voire même pour leur espérance de vie", conclut Jérôme Vivenza (CGT).

Les frustrations semblent être partagées côté patronat. "J'ai été supris d'entendre en fin de séance des propos agressifs de la CPME qui semble avoir tiré des conclusions négatives de cette journée, glisse Serge Legagnoa (FO). Cela nous donne le sentiment, un peu comme durant la négociation télétravail, que le patronat tente de faire peser d'avance un éventuel échec sur la partie syndicale."

Cette séance compliquée est-elle de mauvaise augure face à l'échéance prochaine des négociations ? L'issue des débats est toujours prévue fin décembre au plus tard. La députée Charlotte Lecocq, qui avait anticipé la fin des débats en annoncant qu'elle déposerait une proposition de loi sur la santé au travail début décembre, s'est finalement ravisée. L'auteure d'un rapport sur le sujet rendu en juin 2018 a reprécisé aux organisations syndicales qu'elle respecterait le temps de la négociation jusqu'à la fin du mois. Il reste encore quelques semaines donc, pour si besoin prévoir une séance supplémentaire.

 

 

 

 

Laurie Mahé Desportes
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