Santé, pénibilité et fin de carrière : les dispositifs qui peuvent être sollicités

Santé, pénibilité et fin de carrière : les dispositifs qui peuvent être sollicités

12.09.2023

Gestion du personnel

Le cabinet d'avocats Fromont Briens et France retraite proposent un décryptage pratique de la réforme des retraites en plusieurs volets. Dans ce dernier volet, Catherine Millet-Ursin, avocate associée au sein de Fromont Briens et Françoise Kleinbauer, présidente directrice générale de France retraite, présentent les mesures liées à la santé, la pénibilité et la fin de carrière.

L’article L.111-2-1 du code de la sécurité sociale affirme de longue date que "Les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent". Ce rappel paraît indispensable : en effet, reporter l’âge de départ en retraite suppose de faire travailler les salariés plus longtemps et donc, de se soucier de leur santé.

Si leur état de santé, la pénibilité de leur métier ou l’usure professionnelle ne le permettent pas, des dispositifs doivent être mobilisés pour y remédier. C’est ce que tente de faire la réforme en organisant des départs anticipés à la retraite dans certaines hypothèses, ou en facilitant les transitions professionnelles pour accéder à des métiers moins pénibles permettant de travailler jusqu’à l’âge de
64 ans. Nous ne reviendrons pas ici sur les modifications apportées au dispositif carrières longues qui peut permettre de partir plus tôt à la retraite, notamment pour des salariés dont l’usure professionnelle pourrait sans doute être établie (voir notre chronique dédiée à ce sujet).

1. Prise en considération des situations de handicap, d’incapacité et d’inaptitude

La CNAV prévoit que d’ici trois à quatre ans, il y aura non plus 22 % de départs anticipés mais 40 %, dont 10 % seraient justifiés par des états d’inaptitude ou d’incapacité, les 30 % restants étant liés aux aménagements apportés au dispositif carrière longue.

1.1. Salariés handicapés :

Globalement, les salariés handicapés voient leurs conditions de liquidation anticipée de leur retraite, simplifiées. Si des dispositions spécifiques existaient déjà pour les travailleurs reconnus handicapés au sens de l'article L. 5213-2 du code du travail avant le 1er janvier 2016 ainsi que les salariés atteints d'une incapacité permanente au moins égale à 50 %, elles sont modifiées. Désormais, seule la durée d’assurance cotisée est prise en compte (et non de façon cumulative, la durée cotisée ET la durée validée). Elle varie en fonction de la date de naissance de l’assuré dans les conditions ci-dessous :

 

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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1.2. Salariés justifiant d’une incapacité permanente (IP) :

Les salariés ne remplissant pas les conditions d’une retraite anticipée pour handicap s’ils justifiaient d’un taux minimal d'incapacité permanente de 80 % pouvaient solliciter l’examen de leur situation par une commission de la CNAV. Désormais, ils pourront solliciter l’examen de leur situation dès qu’ils sont atteints d’une IP d’au moins 50 % au moment de la demande de liquidation de la pension.

Pour les salariés qui justifient d’une incapacité permanente au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, la condition d'âge reste abaissée à 60 ans s'ils justifient d'un taux d'IP d'au moins 20 %. Si ce taux d'IP est compris entre 10 % et 19 %, ils pourront liquider deux ans avant l'âge légal.

1.3. Salariés inaptes ou invalides :

L’âge minimal légal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans pour les salariés reconnus inaptes au travail (Art. D. 351-1-14 CSS). La reconnaissance de l’inaptitude suppose l’établissement d’un rapport médical par le médecin traitant si la personne n’est plus en activité ou par le médecin du travail si au contraire, elle est toujours en poste.

Pour les salariés invalides, l’âge de départ légal à la retraite est abaissé dans les mêmes conditions que les salariés inaptes, soit à 62 ans. En retenant ces dispositions, la réforme évite le maintien de l'indemnisation au titre de l'invalidité et/ ou de l'inaptitude jusqu'à 64 ans et ainsi l'impact du décalage de l'âge de départ à la retraite sur la prévoyance - qui avait justifié le versement de contributions complémentaires au profit des organismes assureurs lors du passage de 60 à 62 ans.

2. Prise en considération de la pénibilité

La réforme tente de prendre en compte la pénibilité du travail afin de permettre d'atténuer le report de l'âge légal de départ à la retraite en revoyant l’accès au compte professionnel de prévention (C2P).

Le C2P est un outil permettant de :

Les droits liés à l'exposition aux facteurs de risques professionnels sont revus : le nombre de nuits de travail exigé par an pour acquérir des droits au C2P est diminué pour le travail de nuit et le travail en équipes successives alternantes respectivement de 120 à 100 et de 50 à 30. L'acquisition de droits en cas de poly-exposition est renforcée : le nombre de points acquis augmente proportionnellement au nombre de facteurs de risques. Le barème de conversion des points pour les utilisations pour la formation et le temps partiel devient plus favorable : un point donnera le droit à un abondement du compte personnel de formation (CPF) de 500 euros au lieu de 375 euros et dix points permettront à tout titulaire d'un C2P de bénéficier de l'équivalent d'un mi-temps pendant quatre mois au lieu de trois mois.

Le C2P va pouvoir être utilisé dans le cadre de la transition professionnelle. Pour le faire, le salarié doit justifier que :

  • Les métiers qu'il a exercés pour remplir la condition d'ancienneté le rendant éligible au projet de transition professionnelle relèvent de la cartographie des métiers et des activités mentionnée au III de l'article L. 221-1-5 du Code de la sécurité sociale ;
  • Le métier visé par la formation n'est pas exposé aux facteurs de risques professionnels visés à l'article L. 4161-1 du Code du travail ;
  • Le projet fait l'objet d'un cofinancement assuré par son employeur. Le montant de ce cofinancement doit correspondre au minimum à un taux fixé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. L'autorisation de l'employeur mentionnée doit être expresse et accompagnée d'un accord relatif au cofinancement.

Le titulaire du compte peut également bénéficier d’une reconversion professionnelle. Dans ce cas, le salarié peut accéder à un bilan de compétences. Les demandes de prise en charge d'un projet de reconversion professionnelle sont satisfaites dans l'ordre de leur réception. C’est la commission paritaire interprofessionnelle régionale qui procède à l'examen du dossier du salarié : elle mobilise prioritairement les droits inscrits sur le C2P du salarié. Si ces droits ne permettent qu'une prise en charge partielle des dépenses relatives au projet de reconversion professionnelle, le solde peut être pris en charge :

  • En tout ou partie par les fonds versés pour le financement de projets de transition professionnelle par France compétence ;
  • Par un ou des financeurs mentionnés au II de l'article L 6323-4 (le salarié lui-même, l’employeur, l’OPCO, l’Etat, les régions, etc.).

Les dispositions sur la visite de fin de carrière à 61 ans n’ont pas été promulguées, le Conseil constitutionnel ayant considéré qu’elles constituaient un cavalier dans une loi dédiée au financement de la sécurité sociale.

Conseils RH 

Les impacts de la réforme des retraites sur la pénibilité et l’usure professionnelle doivent conduire à intégrer toujours plus les problématiques de conditions de travail à la politique de ressources humaines.

Pour le salarié comme pour l’employeur, l’objectif est bien de limiter le nombre de maladies professionnelles, d’inaptitudes, de désinsertion professionnelle, d’absences pour raison de santé avec son corollaire : désorganisation de l’activité, report de charge de travail sur les présents, dégradation du climat social et accroissement des coûts de prévoyance.

En tant que RH, vous allez constater dans les prochaines années une augmentation du nombre de bénéficiaires du C2P et donc de votre charge de travail liée à la gestion de la pénibilité et de l’usure professionnelle.

En effet, une augmentation du nombre des demandes de reconnaissance des critères de pénibilité est à prévoir notamment du fait de la suppression de la consultation de la commission pluridisciplinaire et de l’abaissement de la durée d’exposition aux facteurs de pénibilité requise pour bénéficier du dispositif pour les incapacités permanentes. Pour l’anticiper, vous pouvez dès à présent établir une cartographie des postes / métiers soumis à la pénibilité et une usure professionnelle.

En outre, la priorité doit être donnée à la prévention des risques. En effet, cette prévention est un élément de performance de l’entreprise, économique mais aussi humain. S’occuper de ses salariés constitue un réel investissement. A ce titre, la pénibilité et l’usure professionnelle constituent des sujets incontournables des politiques de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Ainsi, s’impose la nécessité d’anticiper et de corréler davantage l’ensemble des politiques de prévention avec les approches emploi-compétences, l’analyse de la structure démographique des effectifs, les procédures d’avancement de carrière, le suivi des absences pour raison de santé et la formation.

Bon à savoir : les négociations d’entreprise et le dialogue social vous donnent la possibilité d’anticiper. En effet, pensez à intégrer le volet pénibilité et des conditions de travail de manière plus systématique dans les entretiens individuels.

Enfin, votre rôle sera également d’aménager les conditions de travail en faveur des séniors en mettant en place des interventions sur le lieu de travail autour de la santé et du bien-être afin de promouvoir la santé et d’augmenter la capacité des seniors à travailler. Vous pouvez aussi proposer des aménagements aux séniors ayant des problèmes de santé pour les aider à rester au travail et agir sur le système d’indemnisation du handicap pour s’assurer que les seniors souffrant de troubles fonctionnels soient maintenus dans les effectifs. La retraite progressive est à ce titre un excellent dispositif (voir notre chronique dédiée à ce sujet).

Catherine Millet-Ursin et Françoise Kleinbauer
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