Améliorer la compétitivité des entreprises françaises, mieux protéger leurs informations stratégiques et limiter le risque d’être condamné plusieurs fois pour les mêmes faits : les objectifs de la loi Sapin 2 sont-ils en passe d’être atteints ? Point d’étape avec l’ancien ministre, Michel Sapin.
C’était l’objectif numéro un de la loi Sapin II : « améliorer la compétitivité des entreprises françaises est à l’origine du dispositif de compliance instauré par la loi », a déclaré l’ancien ministre Michel Sapin au cours d’une conférence organisée le 8 novembre dernier par le cabinet Bryan Cave Leighton Paisner, dans le cadre d’un cycle de rencontres sur la conformité internationale. « Des entreprises françaises perdaient des marchés à l’étranger parce qu’elles n’étaient pas en mesure de prouver que la France était irréprochable en matière de lutte contre la corruption », a-t-il rappelé. Désormais, « nous avons les outils de la crédibilité, mais il faut encore faire ses preuves », aussi bien sur le terrain de « la diplomatie judiciaire, pour faire connaître notre dispositif », que sur celui de l’effectivité de sa mise en œuvre : �� nous restons sous le regard attentif des autorités américaines ».
Une analyse que partage Bruno Fontaine, directeur juridique de Crédit Agricole CIB : « la loi Sapin II a été une bonne nouvelle » parce que les entreprises françaises avaient « un problème de crédibilité à l’égard des autorités américaines », a-t-il observé. Avec ce texte « qui a de la substance et qui prévoit des sanctions importantes », « on se sent plus crédibles à l’international » et « un peu plus protégés », a-t-il ajouté.
Autres objectifs de la loi Sapin II : faire en sorte que les entreprises françaises soient poursuivies en France plutôt qu’à l’étranger – « je préfère que ce soient des autorités françaises qui aient accès aux informations stratégiques de nos entreprises », a souligné Michel Sapin – et qu’elles ne soient pas condamnées deux fois pour les mêmes faits – et ce, alors que l’application du principe non bis in idem se heurte au veto de la cour d’appel de Paris. C’est pourquoi la conclusion de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) entre le groupe Société générale, le Parquet national financier et le Department of Justice américain, qui ont travaillé ensemble sur cette transaction, est « une révolution », s’est-il félicité.
Une collaboration similaire entre les autorités de poursuite de plusieurs juridictions sur les soupçons de corruption qui visent actuellement Airbus est par ailleurs en cours.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Quatre ans après la condamnation de BNP Paribas, cette coopération entre régulateurs et autorités judiciaires « aurait été impossible sans la loi Sapin II » et constitue « un changement de mentalité très rapide », a commenté Bruno Fontaine, avant de s’interroger : « est-ce que cela va durer ? », « est-ce que tous les régulateurs vont accepter de jouer le jeu ? » Lorsque Crédit Agricole CIB a signé deux Deferred Prosecution Agreements (DPA) aux États-Unis en 2015, « nous avons été un peu seuls », a-t-il témoigné. Cette transaction était assortie d’une période de monitoring de 3 ans, pendant laquelle un consultant est venu vérifier la conformité de l’entreprise à ses engagements. « Ce monitoring est un exercice particulièrement intense » et les coûts afférents « sont très importants », a expliqué le directeur juridique.
Reste que pour la grande majorité des entreprises françaises, la loi Sapin II c’est avant tout l’Agence française anticorruption, ses recommandations et ses contrôles. Or, pour les praticiens, la mission de cette nouvelle Agence n’est pas sans soulever de questions : « est-elle l’antichambre du parquet ? », « quid du secret bancaire ? », « du secret professionnel de l’avocat ? », a ainsi pointé Bruno Fontaine.
Ce dispositif à la française, qui prévoit un contrôle de l’effectivité des programmes de conformité et des sanctions en cas de manquement, est, selon lui, « un pari que l’on fait d’être mieux-disant ». Il est toutefois possible que cette spécificité hexagonale fasse des petits prochainement puisque « la Commission européenne prépare actuellement une directive très inspirée de la loi Sapin II », a conclu l’ancien ministre.
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