Séance de rattrapage : les 5 derniers arrêts à retenir en droit des affaires

Séance de rattrapage : les 5 derniers arrêts à retenir en droit des affaires

31.07.2020

Gestion d'entreprise

Vous avez manqué les derniers arrêts importants ? Voici notre sélection. Au programme, notamment : une décision au poil pour la barbe d'un employé, la condamnation d'un cartel dans le secteur de la charcuterie et l'annulation, par le TUE, de trois décisions de la BCE contre le Crédit Agricole.

Concurrence

93 millions d’euros : amende salée pour un cartel de « charcutiers-salaisonniers »

 

12 entreprises impliquées et des ententes établies en « amont » et en « aval » : le cartel constitué par des charcutiers-salaisonniers n’a pas échappé à l’Autorité de la concurrence. Non seulement les industriels se coordonnaient pour acheter moins cher les pièces de jambon aux abatteurs, mais ils s’entendaient également sur les hausses de prix des produits charcutiers qu’ils entendaient pratiquer auprès des enseignes de la grande distribution, pour leurs marques de distributeurs (MDD) ou « premiers prix ». Des pratiques révélées par la procédure de clémence : deux groupes impliqués dans les ententes ont sollicité la clémence et accepté de jouer le jeu pour faire avancer l’instruction.

Décision n° 20-D-09, 16 juillet 2020

 
Vie de l'entreprise

Taillage de barbe imposé à un salarié : son employeur coiffé au poteau

 

La barbe d’un employé peut ne pas être au goût de son employeur... mais sauf raisons valables, il doit l'accepter. Pas question de limiter le port de la barbe ou demander à un salarié de la tailler d’une certaine manière sans justification légitime, sinon, c’est potentiellement une discrimination religieuse. Et c’est précisément ce qui a été retenu dans cette affaire : une telle interdiction aurait dû reposer sur une exigence professionnelle et déterminante, pour autant que l’objectif poursuivi soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. L’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise aurait aussi pu justifier que l’employeur impose aux salariés une apparence « neutre ». Mais ici, les juges n’ont pas observé d'éléments qui auraient pu expliquer qu'imposer une façon de tailler la barbe aurait été admissible au regard des impératifs de sécurité avancés.

Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.743

 
Banque / Finance
Coup dur pour la BCE : amendes annulées pour le groupe Crédit Agricole

 

La BCE est en droit d'infliger des sanctions pécuniaires administratives à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires annuel total d'une entreprise... et c'est précisément pour cette raison que les juges de l'UE redoublent de vigilance lorsqu'il s'agit d'analyser ces sanctions. C'est simple : un pouvoir d'appréciation si large de la détermination du montant des amendes exige, impérativement, que le respect des garanties conférées par l'UE dans les procédures administratives soit assuré. Ce qui a fait défaut dans trois décisions de la BCE concernant trois entités du groupe Crédit Agricole, condamnées à payer chacune une amende pour avoir classé dans leurs instruments de fonds propres de base de catégorie 1 des instruments de capital sans obtenir l’autorisation préalable de l’autorité compétente, en violation des règles européennes relatives aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. Le groupe n'aura donc pas à mettre la main au portefeuille : le tribunal de l'UE a annulé les trois décisions, car insuffisamment motivées. Elles se contentaient d'évoquer quelques considérations sur la gravité de l'infraction ou sa durée, sans vraiment préciser la méthodologie appliquée par la BCE pour déterminer le montant des sanctions.

TUE, 8 juillet 2020, aff. T-203/18, T-576/18, T-577/18

 
Numérique
L'adresse mail personnelle d'un salarié est, comme son nom l'indique, toujours personnelle

Vous avez utilisé votre adresse mail personnelle pour échanger avec votre employeur ? Pas d’inquiétude, il ne peut pas utiliser vos mails contre vous. A vrai dire, il ne peut même pas y avoir accès : c’est le jeu du secret des correspondances. Un secret qui prédomine et ce, nonobstant l'interdiction faite au salarié d'utiliser l’outil mis à disposition par l’employeur à des fins personnelles. En bref : « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ».

CA Paris, 27 mai 2020, n° 18/00012

 
Commercial
Après AXA / Manigold, indemnisation validée pour un groupe hôtelier

 

450 000 euros, c’est le montant total de provisions qu’un assureur devra verser à son assuré hôtelier pour couvrir 2 mois de pertes d’exploitation causées par la pandémie, en attendant l’expertise détaillée qui viendra chiffrer exactement l’étendue des pertes. Les juges ont retenu, dans leur ordonnance de référé, qu’une clause de garantie pour « fermeture temporaire administrative » figurait bien dans le contrat : pour eux, sa rédaction est claire et n’est sujette à aucune interprétation. Et là où l’assureur soutenait que les fermetures dues à un arrêté ministériel n’avaient pas valeur de fermeture administrative (municipale ou préfectorale) - donc n’entraient pas dans le champ d’application de la clause -, les juges ont plutôt considéré que de tels arrêtés étant d’application nationale, aucune décision municipale ou préfectorale n’était requise.

Olivia Fuentes

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