Secret professionnel de l'avocat : un accord est trouvé entre les parlementaires

Secret professionnel de l'avocat : un accord est trouvé entre les parlementaires

21.10.2021

Gestion d'entreprise

En commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont validé l'inscription du secret professionnel de l'avocat dans le code de procédure pénale, avec des exceptions aux fins de lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Un compromis qu'ils estiment « équilibré » et qu'ils nous expliquent.

Députés et sénateurs sont parvenus hier à un accord sur le projet de loi Confiance dans l'institution judiciaire. La définition du secret professionnel de l'avocat au sein de l'article préliminaire du code de procédure pénale, figurera bien dans la loi portée par Eric Dupond-Moretti (article 3 du texte). Le garde des Sceaux s'en est félicité sur Twitter : « le secret professionnel des avocats sera restauré », écrivait-il.

Sera donc enfin inscrit, dans le code, le fait que le secret touche aussi bien l'activité de défense que celle de conseil de l'avocat. Une précision défendue par les députés LREM, et ayant fait l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale, qui permet de revenir aux fondamentaux de la loi du 3 décembre 1971 (article 66-5) malmenés par la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais il ne sera pas absolu. Le compromis trouvé avec les Sénateurs admet la levée du secret, et donc son inopposabilité aux autorités d'enquêtes - PNF et Trésor notamment - dès lors que les documents saisis « en dehors d'un cabinet d'avocat (ceux-ci faisant l'objet d'un contentieux particulier devant le juge des libertés et de la détention (JLD) en présence du bâtonnier) » établissent clairement « la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission d'une fraude fiscale », de faits de corruption, de trafic d'influence ou de blanchiment de ces délits, nous précisait hier la députée Laetitia Avia (LREM ; Paris).  

En première lecture, les sénateurs avaient justement souhaité que le secret professionnel de l'avocat, dans le cadre de son activité de conseil, ne soit pas opposable en matière de fraude fiscale, de corruption, et de trafic d'influence en France comme à l'étranger, ainsi qu'en cas de blanchiment de ces délits. L'amendement rédigé par les rapporteurs sur le texte - Philippe Bonnecarrère (Union centriste ; Tarn) et Agnès Canayer (LR ; Seine-Maritime) - avait donc modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale. Ils justifiaient leur position en reprenant les propos du procureur de la République financier : « cette réforme "aurait pour conséquence d'affaiblir la politique publique maintes fois réaffirmée et approfondie de lutte contre la fraude fiscale et contre la corruption internationale, mais aussi de mettre la France en contradiction avec la jurisprudence constitutionnelle et européenne [arrêt AM&S Europe Limited du 18 mai 1982, ndlr]". Il s’inquiète du recours à des échanges fictifs avec un avocat dans le seul but de protéger les documents », écrivaient-ils en objet de leur amendement. Avant de motiver les exceptions soulevées « par l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions et les engagements internationaux de la France, en particulier, la convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ». La réaction du Conseil national des barreaux (CNB) ne s'était alors pas fait attendre. Dans un communiqué du 17 septembre, le CNB condamnait fermement l'amendement sénatorial.

« On a trouvé un équilibre »

« On a trouvé un équilibre, qui permet de conjuguer les différents impératifs, dont la protection du secret professionnel et la consécration de son caractère indivisible dans l'article préliminaire du code de procédure pénale », estime Laetitia Avia. « Nous avons entendu une partie des interrogations émises par les sénateurs quant à la lutte contre la fraude fiscale et la corruption, celle d'assurer qu'il n'y ait pas une voie à l'instrumentalisation du secret professionnel aux fins de commettre des délits en toute connaissance de cause. Mais il y a eu un "élément irritant" dans la version votée par le Sénat en première lecture, en ce qu'elle pouvait jeter l'opprobre sur les avocats notamment les fiscalistes. Nous avons veillé, dans le cas de la CMP, à ce que cela soit levé. Si la rédaction du Sénat supprimait complètement le secret professionnel en matière fiscale, ce n'est plus le cas ».

L'exception au secret professionnel défini par le compromis « touche donc une situation particulière, celle du client particulièrement frauduleux et qui va donc utiliser des conseils, des interdits même qui lui sont donnés par un avocat qui lui aurait indiqué, par exemple, par écrit "vous ne pouvez pas faire cela car c'est interdit et cela constitue une fraude fiscale". Si le client décide en toute connaissance de cause de ne pas suivre le conseil de l'avocat, de commettre le délit et qu'un document en établit la preuve, il pourra être utilisé dans le dossier après décision du JLD, qui aura saisi le bâtonnier ». 

Et qu’en pensent les deux sénateurs co-rapporteurs du texte ? « Nous sommes très satisfaits », réagit Agnès Canayer. « Une rédaction habile qui écarte toute mise en cause, toute suspicion de la profession d’avocat », répond Philippe Bonnecarrère. « Si le principe est certes affirmé avec des exceptions », une « plus grande crédibilité est reconnue au secret professionnel. Le texte garantit aussi la crédibilité de la justice auprès de la société civile et de nos concitoyens qui sont attachés aux droits de la défense mais qui ne veulent pas une zone de non-droit dans les relations de conseil entre l’avocat et le client », poursuit Agnès Canayer.

Un risque d’inconstitutionnalité écarté ?

La rédaction issue de l’Assemblée nationale semblait comporter un risque d’inconstitutionnalité, selon Philippe Bonnecarrère. Les deux rapporteurs sont « convaincus » qu’il est désormais écarté.

« Le secret n’est pas reconnu de manière absolue, et il ne crée pas une rupture d’égalité avec les autres professions de conseil soumises au secret professionnel », estime Agnès Canayer.

Pourrait-il y avoir un risque de contestation de la part des autres professions, justement, par le biais d’une QPC ? Le risque est « limité » pour Philippe Bonnecarrère. « Il y a toujours un risque, nuance toutefois Agnès Canayer. Le recours en inconstitutionnalité reste ouvert. Il est clair que les autres professions soumises au secret professionnel - les notaires, les experts comptables, les commissaires aux comptes - pourraient considérer qu’il y a rupture d’égalité ». Tel aurait pu être le cas avec la rédaction portée par les députés, estiment les deux rapporteurs. Mais « notre version est beaucoup plus sécurisante d’un point de vue juridique », assure Agnès Canayer.

« Avec cette rédaction de compromis, on touche l’objectif de l’acceptabilité sociale du secret professionnel de l’avocat qui aujourd’hui est reconnu avec des exceptions extrêmement limitatives », conclut-elle.

 

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Sophie Bridier et Leslie Brassac
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