Secret professionnel des avocats : transmission de la QPC au Conseil constitutionnel
09.11.2022
Gestion d'entreprise

Le 18 octobre dernier, le Conseil d’État a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale, issus de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, relatifs aux perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile. Dans cette chronique, Pauline Dufourq, avocate chez Soulez Larivière Avocats, revient sur cette décision remarquée.
Le Conseil d’État a le 18 octobre dernier transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution des articles 56-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale, issus de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, relatifs aux perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile.
Pour rappel, l’article 3 de cette loi modifie en substance le régime consacré à ces mesures de perquisition, et tout particulièrement l’article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions dans les cabinets d’avocats. La loi insère également un nouvel article 56-1-1 du code de procédure pénale concernant la découverte en d’autres lieux de documents protégés par ce secret professionnel ainsi qu’un nouvel article 56-1-2, précisant pour certaines infractions les limites apportées à la protection du conseil. Cet article précise les infractions pour lesquelles le secret professionnel n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction à savoir les délits de fraude fiscale, de corruption, de trafic d’influence, de financement du terrorisme et de blanchiment de ces infractions.
Désormais, la perquisition chez l’avocat ne sera possible qu’à la condition d’avoir été autorisée par décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention. Ensuite, lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe. De la même façon, le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil. Enfin, la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) relative à la contestation de saisie émanant du bâtonnier ou son délégué pourrait faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures, formé par le procureur de la République, l’avocat ou le bâtonnier ou son délégué devant le président de la chambre de l’instruction.
Néanmoins, plusieurs restrictions – décriées par de nombreux praticiens – ont été intégrées. C’est ainsi que la nouvelle rédaction de l’article 56-1-2 du code de procédure pénale prévoit que « le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête ou d’instruction lorsque celles-ci sont relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et aux articles 421-2-2, 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal ainsi qu’au blanchiment de ces délits, sous réserve que les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client établissent la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions ».
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Sur ce point, la circulaire du 28 février 2022 présentant les dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforçant la protection des droits de la défense précise les contours de cette restriction :
« Sous réserve de la jurisprudence à venir de la Cour de cassation, la portée pratique et juridique de l’article 56-1-2 peut être précisée comme suit :
Si cet article s’appliquera en cas de perquisition, il ne paraît pas remettre en cause la protection instituée par la nouvelle rédaction de l’article 56-1 qui interdit expressément la saisie des documents qui relèvent de l’exercice des droits de la défense et qui sont couverts par le secret du conseil, protection qui s’applique à toutes infractions.
La personne qui, par exemple, a commis un délit de fraude fiscale, et qui va demander des conseils juridiques à un avocat afin de commercer à préparer sa défense pour le cas où elle serait poursuivie, même si aucune procédure pénale n’est encore engagée contre elle et qu’elle n’a donc pas pu désigner, dans le cadre de cette procédure, cet avocat comme défenseur, sera assurée que les échanges qu’elle aura avec cet avocat seront protégés, et ne pourront faire l’objet d’une saisie, car ces échanges relèvent déjà de l’exercice des droits de la défense.
En revanche, il découle de l’article 56-1-2 que si cette même personne utilise les conseils et documents fournis par l’avocat, sous couvert de la préparation de sa défense, pour poursuivre la commission de cette fraude fiscale, et que donc les consultations, correspondances ou pièces détenues ou transmises par l’avocat ou son client établissent alors la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission de cette infraction, la saisie sera possible.
En tout état de cause, cette saisie ne sera possible que s’il s’agit de l’une des infractions limitativement prévues par l’article 56-1-2.
Si l’avocat d’une infraction autre que celles mentionnées à l’article 56-1-2 va demander des conseils à un avocat afin de préparer sa future défense, au cas où il serait découvert et poursuivi, et qu’il utilise ensuite ces conseils pour continuer la commission de cette infraction, l’article 56-1 continuera d’interdire la saisie des documents, sauf, si évidemment […] il apparaît que l’avocat a joué, de façon intentionnelle, un rôle de complice ou de co-auteur […] ».
La réécriture de ces articles a entraîné une vive mobilisation des avocats, lesquels formulaient principalement deux griefs à cette loi.
Tout d’abord, il était reproché au texte de circonscrire le secret professionnel attaché aux activités de conseil à la seule préparation d’une défense. Une telle rédaction contreviendrait ainsi au principe selon lequel le secret professionnel est d’ordre public et absolu.
Le second grief formulé a trait au nouvel article 56-1-2 du code de procédure pénale. En effet, la rédaction de cet article permettrait aux autorités de perquisitionner un cabinet d’avocat pour saisir des documents de son client sans pour autant que l’avocat soit mis en cause (entretien avec Vincent Nioré, Secret professionnel : « les dispositions de la circulaire du 28 février 2022 constituent une véritable régression », Gaz. Pal. 10 mai 2022, n° 16).
Dans cette décision remarquée du 18 octobre 2022, le Conseil d’État a considéré que le moyen selon lequel les dispositions querellées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux droits de la défense protégés par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux et ce faisant a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. La décision des sages de la rue Montpensier est particulièrement attendue face aux enjeux prégnants pour l’ensemble de la profession.
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