Série d'été "Ces DRH aux compétences venues d'ailleurs" : Gilles Gateau, DRH d'Air-France

Série d'été "Ces DRH aux compétences venues d'ailleurs" : Gilles Gateau, DRH d'Air-France

16.08.2017

Gestion du personnel

Ils viennent du monde sportif, syndical, politique ou artistique. Et ont pris les rênes des DRH de grandes entreprises. Qu’apportent leurs expériences ? Exercent-ils leur métier de manière atypique? Quelles sont leurs valeurs? Dernier volet de notre série d’été avec Gilles Gateau, DRH d'Air France, ex directeur adjoint de cabinet et conseiller social de Manuel Valls.

"Une vraie nuit blanche". Il n’a fallu que quelques heures à Gilles Gateau, alors directeur de cabinet de Michel Sapin, ministre du travail, pour convoquer la presse, ce samedi 14 décembre 2013, après que les partenaires sociaux soient parvenus à l’aube à un projet d’accord sur la formation professionnelle, au terme d’une négociation marathon de plus de 42 heures. Il décrypte alors sans embûches les grandes lignes d’un texte à l’encre à peine sèche qui supprime le 0,9% sur le plan de formation et donne naissance au compte personnel de formation. Déjà un premier big bang.

Des négociations ardues

Trois ans et demi plus tard, il a quitté les ors de l’hôtel de Châtelet. Gilles Gateau, 57 ans, aujourd’hui DRH d’Air-France, reçoit à "l’annexe" du siège, sur l’Esplanade des Invalides. Mais la négociation sociale reste au cœur de ses dossiers. En juillet, il a bouclé deux dossiers importants : le syndicat majoritaire des pilotes à Air France, le SNPL, a approuvé à l'issue d'une consultation organisée du 20 juin au 17 juillet, à 78% le projet d'accord sur la création de la nouvelle compagnie à coût réduit, le projet "Boost", dans le cadre du plan stratégique "Trust together" (la confiance ensemble) qui vise le redressement du groupe. L'Unac et l'Unsa Personnels navigants commerciaux (PNC), qui regroupent les hôtesses et stewards, ont validé, de leur côté, un nouveau projet d’accord sur la révision de leurs conditions de travail, 4 mois après l’échec des négociations. "Une réussite à peine imaginable il y a quelques mois".

L’occasion pour le DRH de tourner la page après plusieurs mois de tourmente. Gilles Gateau est arrivé, en novembre 2015, à Air-France, au plus mauvais moment, peu de temps après l’épisode de la chemise arrachée de Xavier Broseta par les salariés en colère lors d’une réunion annonçant un plan de restructuration menaçant 2 900 emplois. Gilles Gateau s’était alors fixé un objectif : sortir du blocage en proposant un projet positif de croissance et parvenir à un compromis. "J’ai plaidé pour une dynamique positive, assure-t-il. L’amélioration de la performance économique et sociale ne pouvait pas être corrélée à un élément de punition collective comme cela était alors vécu". Dès le 15 janvier, un nouveau projet de croissance est présenté en CCE extraordinaire; le plan précédent dit "B" est alors abandonné. Sa tâche était rude mais il s’est toujours voulu optimiste.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des travaux pratiques, en quelque sorte, alors que Gilles Gateau a passé une bonne partie de sa carrière à élaborer des règles applicables aux employeurs. Le DRH peut, en effet, justifier d’une longue expérience dans les cabinets ministériels. Il fut l’un des acteurs-clé des réformes engagées dans le monde du travail. De 1991 à 1993, ce titulaire d’un DEA de ressources humaines est chargé dans l’équipe de Martine Aubry, alors ministre du travail, des dossiers liés aux politiques de l’emploi et à la lutte contre le chômage. Il a gardé de cette époque de solides amitiés avec Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, Muriel Pénicaud, actuelle ministre du travail, Jean-Christophe Sciberras, DRH France et directeur des relations sociales du groupe Solvay, Jean-Marie Marx, président de l’Apec ou encore Jean-Pierre Clamadieu, président du comité exécutif et membre du conseil d'administration de Solvay. "On avait 30 ans, on était des gamins", se souvient-il. Suivront ensuite cinq années à l’ANPE où on lui demande de préparer la fusion de l’agence avec les Assedic. En 1997, nouveau crochet dans les cabinets ministériels pour suivre Lionel Jospin avec de lourds chantiers comme les 35 heures.

Des postes "passionnants" mais qui laissent un goût d'inachevé. Il opte en 2002, au moment de l'alternance, pour une expérience terrain en entreprise, à EDF, en pleine transformation, comme directeur "compétences et performance sociale" à la direction des ressources humaines. Parmi sa feuille de route, l'ouverture à la concurrence de l'électricien, la séparation avec Gaz de France, le développement international, l'ouverture du capital et la réforme des retraites avec l'adossement du régime des industries électriques et minières (IEG) au régime général...

"En tant que DRH d’une entreprise a fortiori publique ou ex publique, la connaissance des acteurs à des postes clés de l’administration ou des cabinets ministériels est un plus indéniable, relève-t-il. Nous pouvons travailler en confiance et créer un environnent propice à la négociation".

François Hollande fait ensuite appel à lui en 2012. Au ministère du travail, tout d’abord, auprès de Michel Sapin. Puis, à Matignon, de 2014 à 2015, en tant que directeur général adjoint et conseiller social de Manuel Valls.

 "L’exercice de la négociation est très présent pour un directeur général adjoint à Matignon. Vous recevez les ministres, les parlementaires, les partenaires sociaux, les groupes de pression. Vous passez votre temps à prendre des décisions, à faire des arbitrages ou à préparer ceux du Premier ministre".  Sa connaissance des partenaires sociaux s’est également avérée très utile. Même s'il reconnaît que l’échelon national est un peu décalé du terrain. "Les bonnes relations que j’entretenais avec Jean-Claude Mailly ou Luc Bérille ne m’aident pas forcément avec les délégués FO ou ceux de l'Unsa d’Air France"…

A son actif durant le dernier quinquennat, la loi de sécurisation de l’emploi, la loi sur la formation professionnelle, la loi dite "Rebsamen" ou encore l’accord sur l’assurance-chômage. Il est parti après la présentation du rapport Combrexelle mais avant la préparation de loi El Khomri. Selon lui, deux choses ont mis le feu aux poudres, "le barème des indemnités prud’homales et l’appréciation du périmètre du licenciement économique", deux dispositions non prévues initialement dans la loi. Mais réintégrées dans le projet de loi d’habilitation du gouvernement Macron.

Le plan "Ambition RH"

Son nouveau projet aujourd’hui à Air France? Sortir de la négociation sociale pour mieux se consacrer aux enjeux de la fonction. Concrètement, il souhaite mettre en œuvre le plan "Ambition RH" qui décline plusieurs engagements de la part de la direction, notamment la marque employeur. "Air France a beaucoup investi dans sa relation client et son amélioration. Elle doit aujourd'hui développer une relation attentionnée envers ses salariés". Premiers signes ? Selon le baromètre trimestriel d’engagement, "Employee promoter score", réalisé avec Ipsos, 29% des salariés recommanderaient leur entreprise à leur entourage. Ils n’étaient que 27% il y a trois mois.

Anne Bariet
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