Seul le sursis à exécution compromet les effets d'une décision de mainlevée de la saisie

08.03.2023

Gestion d'entreprise

La décision de mainlevée d'une saisie-attribution emporte, dès sa notification, anéantissement de tout effet attributif ; faute pour le créancier de bénéficier d'un sursis à exécution, le tiers peut valablement se dessaisir des fonds.

Selon l’article R. 121-18 du code des procédures civiles d’exécution, la décision de mainlevée d’une mesure d’exécution forcée ou d’une mesure conservatoire emporte suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification. En conséquence, lorsque la mesure contestée consiste en une saisie-attribution, celle-ci perd ses effets d’indisponibilité et d’attribution dès la notification de la décision de mainlevée au créancier, quand bien même celui-ci l’aurait attaquée par la voie de l’appel. Le délai d’appel et l’appel lui-même n’étant pas suspensifs d’exécution, il appartient au créancier saisissant qui entend maintenir les effets de la mesure pratiquée de solliciter un sursis à exécution. C’est ainsi qu’après avoir constaté que la décision de mainlevée avait été notifiée et que le tiers saisi s’était dessaisi des fonds, la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de décision de sursis à exécution, la saisie-attribution contestée n’emportait plus son effet attributif immédiat.

En l’espèce, une société est déclarée adjudicataire d’un lot de copropriété, au terme d’une procédure de saisie immobilière initiée pour le recouvrement d’un arriéré de charges de copropriété. Elle obtient, par ailleurs, à l’encontre de l’occupante des lieux une ordonnance de référé qui la condamne au paiement par provision d’une indemnité d’occupation. Poursuivant l’exécution de cette décision, elle fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats, pris en sa qualité de séquestre du prix d'adjudication de l’immeuble.

La débitrice forme alors une contestation devant le juge de l’exécution (JEX), obtenant une décision de mainlevée de la mesure. La créancière interjette appel de cette décision, mais la cour d’appel confirme la décision du premier juge.

L’arrêt est, par la suite, cassé par la Cour de cassation, avec renvoi (Cass. 1re civ., 15 mai 2019, n° 18-12.779). La cour d’appel de renvoi infirme le jugement rendu par le JEX, en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution, mais retient que celle-ci se trouve privée de tout effet, dès lors que ce jugement a été signifié et que le créancier ne bénéficie pas d’un sursis à exécution.

La société créancière forme à nouveau un pourvoi en cassation. Elle reproche à la cour d’appel d’avoir statué au mépris des dispositions des articles 561 du code de procédure civile, R. 121-18 et R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution. Elle soutient que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, et que l’infirmation en appel de la décision de mainlevée de la saisie pratiquée lui restitue son effet attributif.

La Haute juridiction n’est pas sensible à cet argument et rejette le pourvoi au visa de l’article R. 121-18 précité. Le créancier qui interjette appel d’une décision de mainlevée doit, s’il souhaite éviter que la mesure contestée se trouve privée de tout effet dès la notification de la décision, solliciter du premier président de la cour d’appel un sursis à exécution. L’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution précise, en effet, que la demande de sursis proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Mais encore faut-il que la demande intervienne avant la notification au créancier de la décision de mainlevée.

Ulrik Schreiber, diplômé Commissaire de justice, juriste consultant, Chambre nationale des commissaires de justice

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