Simplification du cadre procédural en matière de contrôle des concentrations

07.06.2023

Gestion d'entreprise

La Commission a adopté un nouveau paquet de mesures de simplification visant à alléger les procédures de contrôle des concentrations à partir du 1ᵉʳ septembre 2023. Frédéric Puel, avocat associé, Fidal et Alexandre Marescaux, avocat au sein du même cabinet, reviennent sur les nouveautés importantes de la réforme.

Le 20 avril 2023, la Commission a adopté un train de mesures dans le but de simplifier les procédures de contrôle des concentrations. Cela s’inscrit dans une tendance de long terme entamée avec l’introduction de la procédure simplifiée en 2000 puis avec l’adoption d’un premier paquet de mesures de simplification en 2013. Au cœur de cette réforme, figurent :

L’objectif de ces textes est « d’apporter aux entreprises et à leurs conseillers des gains considérables en termes de travaux préparatoires et de coûts connexes ». La Commission estime que ces simplifications devraient entraîner une réduction de 25 % des exigences en matière de communication d'informations, lui permettant ainsi de traiter plus rapidement les affaires non-problématiques et de concentrer ses ressources sur les affaires susceptibles de soulever de vrais problèmes de concurrence.

Remarque : ces modifications de procédure seront applicables à compter du 1er septembre 2023. Jusqu’à cette date, les règles et formulaires en vigueur devront continuer à être utilisés.

Parmi les modifications notables, il convient de souligner l’extension du champ de la procédure simplifiée, l’introduction d’une nouvelle procédure « super-simplifiée », la rationalisation des procédures normales et simplifiées, ainsi que la généralisation des notifications électroniques.

Rappel du cadre procédural existant

Le contrôle des opérations de concentration repose sur une obligation de notification : préalablement à leur réalisation, les parties à une telle opération doivent la notifier à la Commission afin qu’elle en examine la compatibilité avec le marché commun.

Une telle notification offre un guichet unique évitant une notification parallèle de l’opération auprès d’une autorité de concurrence d’un État membre de l’Union. Dans l’attente d’une décision de la Commission, les parties à l’opération doivent la suspendre. Le non-respect de ces obligations de notification et de suspension est sanctionné à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires total réalisé par les entreprises concernées.

La procédure de notification des concentrations est principalement encadrée par le règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission et ses annexes, lesquelles prennent la forme de formulaires de notification. Deux procédures de notification sont prévues :

  • les opérations dites « normales » notifiées selon le formulaire « CO » ;
  • et les opérations dites « simples » notifiées selon le formulaire « CO simplifié ».

Remarque : le formulaire « CO simplifié » doit être utilisé lorsque la concentration remplit certaines conditions relatives au chiffre d’affaires des entreprises concernées, aux parts de marché de ces mêmes entreprises, et/ou aux marchés de produits et géographique couverts par l’opération.

Extension du champ de la procédure simplifiée

Sur la base de l’expérience de la Commission en ce qui concerne les cas de concentrations ne posant pas de problèmes de compatibilité avec le marché commun, les nouveaux textes, entrant en application le 1er septembre 2023, élargissent le champ de la procédure simplifiée.

En premier lieu, le règlement de procédure (UE) 2023/914 définit de nouvelles hypothèses dans lesquelles les entreprises pourront bénéficier de la procédure simplifiée.

Dans la situation où les entreprises fusionnent ou acquièrent le contrôle d’une autre entreprise, il sera possible de bénéficier de la procédure simplifiée lorsque, selon toutes les définitions plausibles du marché, la part de marché individuelle ou combinée des parties à la concentration en amont est inférieure à 30 % et la part d’achat combinée des intrants en amont est inférieure à 30 % sur les marchés aval.

Il sera également possible de bénéficier de la procédure simplifiée lorsque, selon toutes les définitions plausibles du marché, (i) les parts de marché individuelles ou combinées en amont et en aval des parties à la concentration sont inférieures à 50 %, (ii) le delta IHH est inférieur à 150 et (iii) la plus petite entreprise en termes de parts de marché est la même sur les marchés en amont et en aval.

Remarque : l’IHH (indice de Herfindahl-Hirschmann) correspond à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché.

Enfin, la procédure simplifiée sera désormais ouverte de droit en cas de chevauchement horizontal des activités, lorsque la part de marché cumulée des parties est inférieure à 50 % et le delta IHH est inférieur à 150.

En second lieu, les nouveaux textes facilitent le recours discrétionnaire à la procédure simplifiée par la Commission, même lorsque les seuils permettant le recours de droit à la procédure simplifiée sont dépassés (« clause de flexibilité »). Auparavant, cette possibilité n’était ouverte que dans l’hypothèse d’un accroissement limité des parts de marché dans une situation de chevauchement horizontal des activités (qui sera dorénavant un cas d’ouverture de droit de la procédure simplifiée). A partir du 1er septembre 2023, la Commission pourra recourir plus largement à la procédure simplifiée dans plusieurs hypothèses : lorsque les parts de marché sont limitées (indépendamment du delta IHH) ou lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise commune et la valeur des cessions d’actifs sont limités (au maximum 150 millions d’euros).

Par ailleurs, la Commission maintient la clause des « garanties et exclusions » lui permettant de demander un formulaire « CO » à titre exceptionnel lorsque les conditions de la procédure simplifiée sont remplies mais qu’elle estime néanmoins que la procédure normale s’impose afin de pouvoir apprécier correctement les problèmes de concurrence induits par l’opération. La nouvelle communication relative à la procédure simplifiée clarifie les situations dans lesquelles la Commission peut envisager d’écarter une telle procédure. Il est précisé que, dans ces circonstances, « la clause de flexibilité ne s'appliquera généralement pas » .

Introduction d’une procédure dite « super simplifiée »

Point notable de cette réforme de la procédure de contrôle des concentrations, la Commission crée une procédure dite « super simplifiée » dans laquelle l’opération pourra être examinée dans un délai inférieur au délai de rigueur de 25 jours ouvrables, et les parties seront invitées à notifier la concentration directement sans contacts préalables informels (pré-notification). A noter que la période de pré-notification pourra durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, durant lesquels la partie notifiante fournit des projets de formulaire de notification et transmet des informations à la Commission jusqu’à ce que cette dernière considère que le projet de notification est prêt à être formellement soumis.

Afin de bénéficier de cette procédure « super simplifiée », les opérations de concentration devront respecter des conditions précises, définies au point 5 de la communication sur la procédure simplifiée. Cela peut concerner notamment des opérations portant sur la prise de contrôle en commun d’une entreprise commune, pour autant que celle-ci ne réalise pas de chiffre d’affaires actuel ou prévu sur le territoire de l’EEE et que les entreprises concernées n’ont pas envisagé de céder des actifs dans l’EEE à l’entreprise commune.

Allègement des informations à communiquer et numérisation de la transmission des documents

Les informations et données à fournir dans le cadre des nouveaux formulaires « CO » et « CO simplifié » seront également allégées. Les formulaires ont ainsi été totalement refondus, intégrant désormais des tableaux et questionnaires à choix multiples de type « tick-the-box ».

Dans le cas du formulaire « CO simplifié », ces tableaux et questionnaires seront, en principe, suffisants et ne requerront pas d’informations additionnelles ou d’éléments de preuve. Les informations collectées seront également moins nombreuses.

Exemple : la section 9 du nouveau formulaire « CO » sur la structure du marché ne collectera plus d’informations sur les accords de coopération, les échanges entre États membres et les importations provenant de pays extérieurs à l’EEE ou les associations professionnelles, comme actuellement.

Enfin, la Commission exigera, par principe, une transmission des documents par voie électronique sur le portail EU Send Web. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu'elle acceptera la communication par envoi recommandé ou en main propre.

Frédéric Puel Co-auteur : Alexandre Marescaux (avocat Fidal)

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