Situation des femmes dans les cabinets comptables : où en est-on ?

Situation des femmes dans les cabinets comptables : où en est-on ?

23.01.2020

Gestion d'entreprise

Selon le dernier baromètre de l'Omeca, les collaboratrices sont encore assez peu nombreuses à passer le DEC et très rares sont les nouvelles diplômées à être ensuite associées au capital de l'entreprise. Par ailleurs, peu de petits cabinets accompagnent la maternité de leurs salariées.

Les cabinets comptables comptent toujours une majorité de femmes. Celles-ci représentent près de 70% des effectifs environ. Mais elles sont plus souvent collaboratrices qu'expertes-comptables... Sur 21000 experts-comptables, on ne dénombre que 6000 femmes. De plus, les collaboratrices en cabinet sont encore assez peu nombreuses à passer le DEC (diplôme d'expertise comptable), selon le dernier PDF iconbaromètre de l'Omeca (observatoire des métiers de l'expertise comptable, du commissariat aux comptes et de l'audit) auquel 300 structures comptables ont participé.

Seuls 5% des petits cabinets répondants (de 1 à 9 salariés) déclarent avoir parmi ses salariés une collaboratrice ayant réussi le DEC en 2018 ou 2019. Les grands cabinets de plus de 50 salariés sont, logiquement et proportionnellement, davantage concernés par cette situation (39%). Toutefois, les choses semblent bouger puisqu'une collaboratrice serait amenée à préparer le DEC, dans les prochaines années, dans la quasi-totalité des grosses structures comptables, dans 21% des petits cabinets répondants et dans 42% des cabinets moyens (de 10 à 49 salariés). Ces données sont toutefois à prendre avec précaution car l'Omeca ne donne pas de chiffrage pour les hommes.

Promue mais pas associée

Par ailleurs, l'obtention du DEC pour ces rares salariées n'est pas toujours un tremplin vers davantage de responsabilités. Certes, la plupart des cabinets concernés accordent (ou sont en passe d'accorder) une promotion à leurs nouvelles diplômées (entre 77% et 88%), selon l'enquête. Il n'en est pas de même pour l'association au capital. Seule la moitié des répondants "envisage" d'associer ces femmes au capital du cabinet. Et encore, la tendance s'est nettement améliorée dans les grandes structures où seuls 17% déclaraient, en 2018, vouloir que leurs diplômées deviennent associées (contre 53% en 2019). Là encore, il est dommage que l'Omeca ne fournisse pas ces indicateurs pour les hommes.

Le difficile accès des femmes aux postes à responsabilité peut s'expliquer pour d'autres raisons : les jeunes femmes partent plus que les hommes en entreprise, et les cabinets reçoivent moins de candidates pour des recrutements de profils expérimentés, expliquait Agnès Hussherr dans nos colonnes. Conséquence : "au bout du pipeline, nous avons moins de femmes à nommer pour les postes de direction", concluait cette responsable de la diversité chez PwC.

Une autre étude de 2019, réalisée par l'association des femmes experts-comptables (Afeca), pointe aussi un manque d'accompagnement dans la montée en responsabilité. Sur les 477 réponses, 88% des cabinets n’ont pas mis en place "d’accompagnement spécifique pour les futures associées", et seuls 21% ont instauré "des mesures particulières pour gommer les différences entre les femmes et les hommes dans leur déroulement de carrière".

Les petits cabinets à la traîne sur les mesures liées à la maternité

Qu'en est-il des mesures mises en place par les cabinets pour assurer l'égalité professionnelle ? Les contraintes familiales sont bien prises en compte dans les petites structures (80%) et la quasi-totalité des grands cabinets (94%). Que ce soit pour l'organisation des déplacements ou des réunions internes. L'instauration de formations à distance (qui permettent de prendre en compte ces contraintes) est en progression, surtout dans les moyennes structures, même si cela reste relativement peu fréquent. Cette action est d'ailleurs préconisée dans l'accord de branche relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes auquel sont soumis les cabinets comptables depuis 2013. L'égalité salariale serait quant à elle appliquée dans tous les grands cabinets ayant répondu au baromètre (questionnaire déclaratif), dans 73% des petits cabinets et dans 80% des cabinets moyens.

Des disparités se font jour entre les différentes tailles de cabinets à propos d'autres actions. Par exemple, les grands cabinets sont beaucoup plus attentifs à la maternité de leurs salariées. 72% des répondants organisent un entretien lié à la maternité "pour examiner les besoins en matière d'aménagement du temps de travail" (contre 34% et 42%, respectivement, dans les petits et moyens cabinets) et 94% s'entretiennent avec la jeune mère à l'issue du congé maternité ou du congé parental "pour définir les formations nécessaires à l'actualisation des connaissances". De même, le maintien intégral de la rémunération pendant le congé maternité (pour les collaboratrices dont le salaire excède le plafond de la sécurité sociale) est davantage appliqué dans les grandes structures (72% contre 27% et 47% dans les petits et moyens cabinets). A noter qu'une meilleure communication autour du congé maternité est aussi recommandée par l'accord de branche de 2013.

Les grands cabinets davantage impliqués

Plus structurés, les poids lourds de la profession comptable ont pour la plupart mis en place des programmes destinés à promouvoir l'égalité professionnelle. Par exemple, PwC a lancé en 2018 la pépinière "PwC seed" pour accompagner ses collaboratrices dans leur évolution de carrière (avec du mentoring et l'organisation régulière d'évènements sur l'égalité hommes/femmes). Chez KPMG, une "charte de la parentalité" a été mise en place dès 2009. Sur son site de recrutement, Deloitte s'engage aussi "en faveur de l’égalité professionnelle qu’il s’agisse de rémunérations, d’évolutions de carrière ou d’accès à la formation". La politique d'EY en faveur de l'égalité femmes-hommes est également affichée. Reste cependant à voir ce qui se passe en pratique.

Les grandes entreprises sont aussi plus au fait des questions d'égalité professionnelle car elles sont directement soumises à de nouvelles obligations via l'index relatif à l'égalité femmes-hommes. Cet outil sera, à partir du 1er mars 2020, étendu aux structures d'au moins 50 salariés. 72% des grands cabinets du baromètre en ont connaissance (contre 19% et 16%) et 62% ont commencé à engager des travaux pour réaliser cet index (contre 3% et 10%). Ces structures ont également une meilleure connaissance de l'accord de branche de 2013 (89% contre 59% de petits cabinets et 63% de cabinets moyens). 

Quelques acteurs de taille plus modeste tirent toutefois leur épingle du jeu. C'est le cas d'Actis (80 personnes dont 77% de femmes) qui a gagné le grand prix de l'égalité des chances et des mesures d'accompagnement lors du dernier congrès de l'Ordre des experts-comptables. Ce cabinet implanté à Besançon a été récompensé pour la mise en place de mesures spécifiques pour accompagner les femmes stagiaires, la création de postes de "directrices de mission" afin de permettre de mettre le pied à l’étrier avant l’association, ou encore les fortes possibilités d'aménagement du temps de travail. Des pratiques à développer pour l'ensemble de la profession.

Céline Chapuis

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