Sort des créances de cotisations sociales dues par un avocat associé-gérant d'une société en procédure collective

03.12.2018

Gestion d'entreprise

L'ouverture de la procédure collective d'une SCP est sans incidence sur l'obligation de l'associé au paiement de ses cotisations. L'URSSAF n'a pas à produire ces cotisations au passif de la société.

Une avocate exerce son activité au sein d’une société civile professionnelle dont elle est associée et gérante. La société est mise en redressement judiciaire. La gérante-associée se voit signifier une contrainte émanant de l’URSSAF pour le recouvrement de cotisations afférentes à son activité d’avocat au sein de la société, relative à la période antérieure au jugement d’ouverture. En dépit de l’opposition formée, la contrainte est validée par le tribunal des affaires de sécurité sociale.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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La gérante-associée soutient dans son pourvoi que la SCP d'avocats est codébitrice avec ses associés des cotisations sociales qui font d'ailleurs l'objet de déclarations et de paiement par la société elle-même. Elle estime qu'en cas de procédure collective de la société, les associés peuvent donc opposer aux créanciers leur absence de déclaration de créances au passif.  De surcroît, la gérante-associée fait valoir que le défaut de déclaration de la créance par l’URSSAF la prive de la possibilité de déduire la charge correspondante du chiffre d'affaires de la SCP, augmentant ainsi fictivement les montants de son revenu personnel. En se bornant à retenir qu’elle était personnellement redevable des cotisations litigieuses, sans rechercher si l'absence de déclaration de créance au passif de la SCP d'avocats ne s'opposait pas aux poursuites exercées personnellement contre elle, le tribunal des affaires de sécurité sociale aurait privé son jugement de base légale au regard des articles L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-28 du code de commerce.

La Cour de cassation rejette cette argumentation.  Il résulte des articles L. 613-1 et R. 241-2 du code de la sécurité sociale que l'avocat, exerçant son activité au sein d'une SCP, et relevant, au titre de cette activité, du régime des travailleurs non-salariés des professions non agricoles, est seul redevable des cotisations sociales afférentes à cette activité.   Il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCP est sans incidence sur l'obligation de l'associé au paiement de ses cotisations. La gérante-associée étant personnellement redevable des cotisations sociales calculées sur ses revenus perçus au titre de son activité indépendante exercée au sein de la société civile professionnelle, le tribunal a donc légalement justifié sa décision de valider la contrainte.

La qualification, tantôt de « professionnelles », tantôt de « personnelles », des cotisations sociales des « travailleurs indépendants et assimilés » n’a cessé d’alimenter la jurisprudence. La plupart des décisions visaient, le plus souvent, des SARL et leurs gérants. La Cour de cassation, dans un arrêt de 2016, avait précisé que le travailleur indépendant est redevable des cotisations et contributions dues aux régimes des travailleurs non-salariés des professions non agricoles, peu important les modalités selon lesquelles il exerce son activité (Cass. 2e civ., 26 mai 2016, n°15-17.272, n° 846 P+B ; Cass. soc., 4 mars 1999 n° 96-14.229). En l’occurrence, il s'agissait d'un gérant majoritaire de SARL. De cette décision, on pouvait aussi déjà déduire qu’en cas de défaillance de la société, le RSI n’est pas fondé à déclarer sa créance au passif et il appartient au dirigeant d’en assumer le règlement puisqu’il est redevable personnellement desdites cotisations. Le présent arrêt n’innove guère et s’inscrit dans ce prolongement.

Cependant, la Cour de cassation n’a pas hésité dans des contextes différents à qualifier de « professionnelles » ces mêmes cotisations sociales. Tel fut le cas, lorsque certains dirigeants de société souhaitaient intégrer ces dettes dans le cadre d'un plan de surendettement. La réponse fut diamétralement inverse. Les cotisations de l'URSSAF destinées à assurer la couverture personnelle sociale d'un gérant de SARL, constituent des dettes professionnelles les excluant de tout effacement, dans le cadre d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge d'un tribunal d'instance (C. consom., anc. art. L.332-5, al. 2 devenu art. L. 741-4 ) (Cass., avis, 8 juill. 2016, n° 16007 P, v. Rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et cotisations URSSAF, 22 juill. 2016). L’enjeu, il est vrai, était différent : la dette échappait en tant que telle à l'effacement consécutif à la procédure de rétablissement personnel dans le cadre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers.

La décision rendue aujourd'hui ne dissipe donc pas la dualité de traitement qui affecte les cotisations sociales considérées comme professionnelles au vu du code de la consommation, mais, personnelles quand il s’agit du code de la sécurité sociale.

Dans le cadre d’une procédure collective, peu importe que les organismes sociaux n’aient donc pas déclaré ces créances au passif des sociétés, les dirigeants en sont redevables même si ces sociétés prennent systématiquement en charge leurs cotisations sociales. Cette pratique, certes, très répandue comporte les limites ainsi  rappelées.

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I
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