Patrick Thiebart et Meggane Saunier, avocats au Cabinet Jeantet, ont présenté mardi 27 novembre à Paris leurs conseils pratiques pour éviter les pièges de la "fausse sous-traitance".
Rappelons tout d'abord que la sous-traitance permet d’externaliser les tâches pour lesquelles on ne dispose pas des moyens matériels ou des compétences en interne. C’est un contrat par lequel on confie l’exécution d’une tâche ou la gestion d’un service à une autre entreprise, contrat utilisé de manière classique, pour ne pas dire traditionnelle, dans toute société quelle que soit sa taille. C’est pourquoi chefs d’entreprises, juristes et journalistes sont venus en nombre, mardi 27 novembre, assister à la conférence conduite de main de maître par Patrick Thiebart et Meggane Saunier, avocats au cabinet Jeantet, avenue Kleber, à Paris.
Premier enseignement : les risques juridiques liés au contrat de sous-traitance
Rien de tel que deux avocats expérimentés pour aider les chefs d’entreprises à saisir des nuances juridiques parfois nébuleuses. Patrick Thiebart éclaircit les choses d’emblée : « Il existe une fausse sous-traitance par laquelle le lien de subordination des salariés du sous-traitant est transféré vers l’entreprise cliente. Cette sous-traitance dévoyée prévoit une rémunération en fonction du nombre d’heures et définit mal les tâches à accomplir dans le cadre du contrat ».
Le risque est d’autant plus pernicieux qu’il peut s’installer incidemment, à partir d’un contrat légal et perdurer dans le temps. Le contrat de sous-traitance risque alors de conduire à une situation de travail illégal, qualifiée juridiquement de prêt de main d’œuvre illicite ou de marchandage, et lourdement sanctionnée.
En effet, enchaîne Meggane Saunier, « Les sanctions sont de 3 ordres : civiles, administratives et pénales. L'entreprise cliente du sous-traitant sera tenue solidairement responsable du paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations, indemnités et charges dues aux salariés du sous-traitant. L’administration du travail peut en outre prévoir l’affichage de la condamnation pour travail illégal, la fermeture temporaire de l’entreprise ou encore une exclusion des marchés publics. Enfin, des amendes et peines d’emprisonnement pourraient être prononcées ». L’éventail des sanctions est donc très large « car il s’agit de dissuader les entreprises de perturber l’ordre social et économique du travail : les salariés en situation de fausse sous-traitance sont privés de couverture sociale », précise Patrick Thiebart.
Les conseils des avocats pour limiter les risques de requalification en travail illégal
On l’aura compris, la sous-traitance peut se transformer en travail illégal sans que le donneur d’ordre en ait la volonté, voire même, sans qu’il s’en aperçoive. Précis et appuyés solidement sur leurs arrêts de cassation, les deux conférenciers nous ont ouvert leur boîte à outils et confié des astuces concrètes pour éviter les pièges.
« Chaque cas étant très différent d’une entreprise à l’autre, le juge sera appelé à se fonder sur un faisceau d’indices pour déterminer si la sous-traitance est saine au regard de la législation du travail ou si la situation relève d’un cas de travail illégal. Cela signifie qu’il prendra en compte un nuage de faits pour prendre sa décision », explique Patrick Thiebart aux entrepreneurs qu’il invite à rester vigilants. Ainsi, côté donneur d’ordre, ces indices doivent concourir à démontrer que les salariés du sous-traitant ne sont pas placés sous son autorité et que le lien de subordination de ces salariés demeure avec leur employeur d’origine, à savoir le sous-traitant.
Tout commence en amont du contrat avec une définition claire et précise des besoins qui justifient de recourir à un sous-traitant, des objectifs poursuivis, des tâches à effectuer, des livrables à fournir par le sous-traitant et de la durée de la mission. Selon Meggane Saunier, « Une clause qui se bornerait à indiquer que le sous-traitant apporte son expertise et son savoir-faire sera clairement insuffisante. Il convient de vérifier que les compétences requises pour la mission n’existent pas déjà en interne ».
Patrick Thiebart apporte son éclairage pratique : « Concrètement, il faut conserver tous les documents qui ont présidé à l’élaboration du contrat de sous-traitance, comme les bons de commandes, factures, lettres de mission. » L’avocat poursuit en recommandant fortement d’indiquer dans le contrat que le sous-traitant détermine lui-même les salariés mis à disposition pour remplir les missions du contrat, qu’il les rémunère et les dirige sous sa seule responsabilité, et qu’il leur fournisse le matériel nécessaire. La rémunération versée au sous-traitant doit quant à elle être globale et forfaitaire, définie en amont du contrat.
Afin d’éviter de placer les salariés du sous-traitant dans un lien de subordination par rapport à l’entreprise cliente, les avocats insistent sur le fait qu’ils ne doivent pas exécuter de tâches similaires à celles des salariés du client. Le sous-traitant et ses employés doivent donc conserver leur parfaite indépendance en termes de sélection, de conditions de travail, d’horaires, de formation et d’exécution du contrat de travail. « À cet égard, il vaut mieux éviter que les salariés du sous-traitant se trouvent dans les locaux de l’entreprise cliente de manière permanente. De même, ils ne doivent pas être intégrés au cadre social de l’entreprise donneuse d’ordre. Il est donc préférable de les doter de badges particuliers et de leur réserver un espace dédié si leur présence dans l’entreprise est indispensable. »
Armés de ces précieux conseils, nul doute que chaque participant aura à cœur de relire ses contrats de sous-traitance en revenant de cette conférence…
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
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