Le Conseil d'Etat estime que le préfet peut proposer de recourir à une solution de gestion collective des déchets situés sur le site d'une installation classée incombant au producteur et à l'exploitant de l'installation de stockage.
Deux sociétés spécialisées dans la gestion des déchets et la déconstruction de bâtiments ont confié les déchets provenant de leur activité à une installation de stockage de déchets inertes et de déchets d'amiante lié à des matériaux inertes. L’Inspection des installations classées pour la protection de l'environnement, ayant constaté que des déchets non inertes y étaient stockés illégalement, le préfet a mis en demeure ces deux sociétés de reprendre, chacune pour sa part, la gestion de ces déchets non inertes.
Pour répondre à cette mise en demeure, le préfet leur a proposé deux solutions :
- procéder à l'évacuation du site d'une quantité de déchets correspondant à la quote-part incombant à chaque société ;
- faire traiter les déchets non inertes sur le site, au sein d'une alvéole de stockage dont le préfet a autorisé la création.
En l'absence d'exécution de cette mise en demeure, le préfet a prononcé contre chacune des deux sociétés une astreinte administrative d'un montant journalier de 85 euros. Le tribunal administratif de Strasbourg puis la cour administrative de Nancy ont rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés prononçant cette astreinte. C’est au tour du Conseil d’Etat de se prononcer.
S’agissant de la compétence du préfet
Conformément aux dispositions de l'article R. 541-12-16 du code de l'environnement, lorsque les déchets se trouvent sur le site d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), le préfet est compétent pour prendre à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, au titre de la police des déchets, les mesures nécessaires à leur élimination.
Ici, les déchets produits par les sociétés requérantes se trouvaient bien sur le site de l'installation de stockage de déchets inertes soumise à la réglementation des ICPE, le préfet était donc compétent pour exercer les pouvoirs de police prévus par les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement. Il n’y pas lieu pour le juge de s'interroger sur d'éventuelles carences de l'autorité municipale.
Tout producteur est responsable de la gestion de ses déchets jusqu'à leur élimination
L’article L. 541-2 du code de l'environnement précise les obligations des producteurs ou détenteurs de déchets quant à la gestion de ces déchets. Leur responsabilité s’étend jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Ils doivent, en outre, s'assurer que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge.
Le fait que des déchets apportés par leur producteur ou leur détenteur sur le site d'une ICPE sont mélangés avec d'autres déchets et avec de la terre, au point qu'ils ne peuvent plus être identifiés et que l'exploitant peut être regardé comme un « producteur subséquent de déchets » au sens de l'article L. 541-1-1 n'exonère pas le producteur ou détenteur de ces déchets de ses obligations au titre de l'article L. 541-2.
Ainsi, les deux sociétés ne peuvent être exonérées de leurs obligations, notamment en s'assurant que l’exploitant était autorisé à prendre en charge leurs déchets, et doivent supporter les conséquences des manquements constatés aux prescriptions du code de l'environnement.
Des obligations à la charge du producteur ET de l'exploitant
Le préfet peut fixer des obligations à la charge du producteur des déchets et de l'exploitant du site sur lequel les déchets sont entreposés et proposer, le cas échéant, toute mesure appropriée, y compris si leur mise en œuvre suppose une action conjointe de leur part.
Le préfet peut proposer le recours à une solution de gestion collective des déchets sur le site de l'installation classée. En relevant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la mise en œuvre de cette solution serait matériellement impossible, pas plus que l'autre option envisagée consistant à ce que chacune des deux sociétés requérantes se charge de l'évacuation et de la gestion de déchets non inertes à due proportion de ceux qu'elles avaient chacune apportés sur le site, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
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