Succession de CDD requalifée en CDI : les tous derniers arrêts

17.06.2021

Gestion du personnel

La Cour de cassation s'est prononcée, tout récemment, sur le délai de prescription applicable à l'action en requalification ainsi que sur les modalités de calcul des rappels de salaire et indemnités dus suite à cette requalification

La requalification de la relation de travail en CDI et ses incidences financières donnent régulièrement lieu à des arrêts de la Cour de cassation. 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Le tableau ci-dessous présente :

– une décision portant sur le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification pour non-respect du délai de carence entre des CDD successifs ;

– trois autres décisions du 2 juin 2020. Elles apportent, quant à elles, des précisions utiles pour calculer les rappels éventuels de salaire et indemnités (indemnité compensatrice de préavis) à verser au salarié engagé par une succession de CDD dont la relation contractuelle a été requalifiée en CDI.

Contexte

Solution

Faits et procédure

Non-respect du délai de carence entre CDD successifs

L'article L.1244-3 du Code du travail interdit d’enchaîner un CDD de remplacement et un CDD pour surcroît d’activité sans respecter un délai de carence. En cas de non-respect de ce délai le salarié peut demander la requalification de son CDD en CDI. Le délai de prescription de cette action est de 2 ans.

Quel est le point de départ du délai de prescription de cette action en requalification lorsque celle-ci est fondée sur le non – respect du délai de carence entre deux CDD ?

Le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs imposé par l’article L.1244-3 du code du travail court à compter du premier jour d’exécution du second contrat et non pas à compter du jour de la signature du contrat.

En effet la prescription de l'action en requalification court à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer son droit (C. trav., art. L.1471-1).

Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-14.295

Il ressort de cet arrêt que le point de départ de l’action en requalification peut varier en fonction du motif sur laquelle elle est fondée. Ainsi lorsque la requalification est demandée pour absence d’une mention obligatoire au contrat, la date à retenir est celle de la conclusion du deuxième contrat (Cass. soc. 3 mai 2018, n° 16-26 437). Si elle est demandée en raison du motif de recours, ce sera le terme du contrat ou, en cas de succession de contrat, le terme du dernier contrat (Cass. soc., 29 janv. 2020, n° 18-15 359).

L’affaire concerne une salariée embauchée d’abord par CDD de remplacement non successifs du 24 avril au 11 septembre 2009, puis pour surcroît d’activité pour la journée du 12 septembre 2009, puis pour remplacement du 15 septembre 2009 au 8 avril 2011. Elle a été engagée en CDI à compter du 17 mai 2011. Elle demande la requalification de son contrat de travail en CDI à compter du 12 septembre 2009 pour non-respect du délai de carence entre le CDD de remplacement et le CDD pour surcroît d’activité qui a débuté le lendemain.

La cour d’appel la déboute et retient comme point de départ la date de signature du contrat litigieux. Décision censurée par la Cour de cassation.

Base de calcul des rappels de salaire 

Le salarié peut prétendre à un rappel de salaire pour les périodes inter-contrats dès lors qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur.

Quelle base de calcul faut-il retenir pour en fixer le montant lorsque les CDD ont été conclus à temps partiel pour des durées de travail différentes ?

Après avoir rappelé que le principe selon lequel la requalification d'un CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, la Cour de cassation précise que pour déterminer la base de calcul du montant du rappel de salaire, il faut retenir la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle que résultant de chacun des CDD l'ayant précédée.

La cour d'appel aurait donc dû prendre en compte le salaire et la durée prévue dans le CDD qui l'a précédé et non lisser la durée de travail entre les différents CDD.

Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.183

Un salarié engagé par une succession de CDD de 2002 à 2013 demande la requalification de sa relation de travail en CDI. La cour d'appel limite le montant des rappels de salaire pour les périodes intercontrats à celui d'un temps partiel au motif que ses bulletins de paie prouvent qu'il a toujours travaillé à temps partiel. 

Le salarié prétend de son côté devoir être rémunéré sur la base d'un temps complet dans la mesure où il s'est tenu à la disposition permanente de son employeur pendant les périodes intercontrats. Décision censurée par la Cour de cassation.

Lorsque le nombre de jours travaillés diminue au fur et à mesure des CDD conclus, comment doit-on déterminer le salaire de référence servant au calcul des indemnités liées à la requalification de la relation de travail en CDI ?

La Cour de cassation rappelle que la requalification d’un CDD en CDI ne porte que sur le terme du contrat. Les autres stipulations contractuelles restent, en effet, inchangées. Elle en conclut que la requalification en CDI n’a pas d’effet sur la détermination des jours de travail. Ceux-ci résultent de l’accord des parties qui intervient lors de la conclusion de chacun des contrats.

Par conséquent, le salaire de référence aurait dû être  calculé  sur la base de la rémunération perçue en tenant compte de la baisse du nombre de jours travaillés et donc du nombre de jours travaillés de chaque contrat.

.Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-18.080

En l’espèce, un salarié est engagé comme graphiste vidéo, puis réalisateur par plusieurs CDD successifs. Cinq ans plus tard, l’employeur diminue la fréquence des jours travaillés pour finalement faire cesser la relation contractuelle. Le salarié demande alors la requalification de la relation contractuelle en CDI.

La cour d’appel condamne l’employeur à payer au salarié diverses indemnités. Pour fixer le salaire de référence servant au calcul de ces indemnités, la cour d’appel se base sur la moyenne des 12 derniers mois effectivement travaillés avant la baisse de travail imposée par l’employeur. Solution rejetée par la Cour de cassation.

Calcul de l'indemnité compensatrice de préavis

Comment calculer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis d'un salarié engagé par plusieurs CDD successifs dont la relation contractuelle est requalifié en CDI ?

L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié doit être égale au montant des salaires qu'il aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

Lorsque plusieurs CDD sont requalifiés en CDI, il convient de prendre en compte la rémunération que le salarié aurait dû percevoir s'il avait pu exécuter son préavis. Il ne suffit pas de se baser sur les seules périodes antérieures à la rupture.

 Cass. soc., 2 juin 2021, n° 19-16.183

En l'espèce la cour d'appel avait limité le montant de l'indemnité compensatrice de préavis réclamée par le salarié à la suite de la requalification de plusieurs CDD successifs en CDI en se basant sur un salaire moyen perçu pour les seules périodes contractuelles antérieures à la rupture, en l'occurrence sur le salaire perçu dans le cadre du dernier CDD à temps partiel. 

La Cour de cassation casse l'arrêt lui reprochant de ne pas avoir pris en compte le salaire que le salarié aurait dû percevoir s'il avait pu exécuter le préavis.

Faut-il ou pas calculer la rémunération servant de référence pour l’indemnité compensatrice de préavis sur la base d’un temps complet si le CDD est requalifié en CDI et que le salarié demande également la requalification d’un travail à temps partiel en travail à temps complet ?

Pour calculer l’indemnité compensatrice de préavis suite à la requalification d’un CDD en CDI alors que le salarié a demandé la requalification d’un temps partiel en temps complet, le juge doit préciser si, au jour de la rupture, le salarié était à temps complet ou à temps partiel. Il ne peut pas d’office ordonner le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis sur la base d’un temps plein.

L’inexécution du préavis ne doit, aux termes de l’article L.1234-5 du code du travail, entraîner aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis.

 Cass. soc., 2 juin 2021, n° 20-10.141

Un consultant pigiste est employé par plusieurs lettres d’engagement à durée déterminée tout en ne travaillant que quelques jours par mois. Le salarié obtient la requalification de la relation de travail en CDI à temps plein ainsi que le paiement de rappel de salaires et accessoires.

La cour d’appel condamne l’employeur au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis en calculant la rémunération de référence sur la base d’un temps plein au motif que c’est du fait de l’employeur si aucun travail n’avait été fourni et si le salarié n’a pas été en mesure de rester à disposition au cours de cette période.

Pour l’employeur au contraire la rémunération de référence ne devait pas être calculée sur un temps plein car le salarié ne travaillait que quelques jours par mois. Argument rejeté par la Cour de cassation qui reproche à la cour d'appel de ne pas avoir précisé si au jour de la rupture, le salarié était engagé à temps complet ou à temps partiel.

Françoise ANDRIEU, Dictionnaire permanent Social
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