Suppression des IJSS à la suite d'une contre-visite médicale : le Conseil constitutionnel censure la mesure

Suppression des IJSS à la suite d'une contre-visite médicale : le Conseil constitutionnel censure la mesure

21.12.2023

Gestion du personnel

Dans sa décision du 21 décembre 2023, le Conseil constitutionnel censure les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 relatives à l'indemnisation des arrêts maladie à la suite d'une contre-visite médicale qui contredirait l'avis du médecin traitant sur l'état de santé du salarié.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 décembre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 par les groupes des députés socialistes et apparentés, écologistes, de la Gauche démocrate et républicaine et de La France insoumise. Il a rendu sa décision hier et a notamment censuré l'une des mesures sur lesquelles le gouvernement comptait pour endiguer le nombre d'arrêts maladie, à savoir conférer à la contre-visite médicale le pouvoir de suspendre automatiquement les indemnités journalières de sécurité sociale (article 63, paragraphe 1, 3 °, a). 

► Voir notre infographie ci-dessous qui rappellent les changements que souhaitait opérer le législateur dans le cadre de la LFSS pour 2024.

Les députés auteurs de la saisine estimaient que ces dispositions violaient le 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que le "droit à ouverture de prestations sociales", en supprimant l’intervention systématique du service du contrôle médical de la caisse d’assurance maladie à la suite de la contre-visite médicale diligentée par l'employeur et en permettant au médecin de l'employeur de remettre en cause la justification d’un arrêt de travail prescrit par le médecin de l’assuré, sans avoir à procéder à l’examen médical de ce dernier, et de le priver ainsi du versement d’indemnités journalières.

► Le 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 prévoit que la Nation "garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence".

Censure des dispositions

Le Conseil constitutionnel accueille favorablement leur demande. Certes, reconnait-il, le législateur entendait prévenir les risques d’abus liés à la prescription d’arrêts de travail injustifiés, mesure qui pouvait se rattacher à l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale. Mais ces dispositions se heurtent bien au 11e alinéa du Préambule de la Constitution en ce qu'elles ont "pour effet de priver du versement des indemnités journalières l’assuré social alors même que son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail a été constatée par un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour une certaine durée".

Les Sages mettent l'accent sur les imperfections et risques d'un tel dispositif. 

1) "Si le service du contrôle médical est tenu de procéder à un nouvel examen de la situation de l’assuré lorsque l’arrêt de travail est en lien avec une affection de longue durée, dans tous les autres cas, en revanche, la réalisation d’un nouvel examen est laissée à l’appréciation de ce service au seul vu du rapport établi par le médecin diligenté par l’employeur. En l’absence d’un tel examen, la suspension du versement des indemnités journalières s’applique automatiquement".

2) "Si l’assuré a la possibilité de demander à son organisme de prise en charge de saisir le service du contrôle médical, qui est alors tenu de procéder à un nouvel examen de sa situation, cette saisine ne met pas fin à la suspension du versement des indemnités journalières".

3) Enfin, "l’examen de la situation de l’assuré auquel procède le service du contrôle médical, saisi d’office ou à la demande de l’assuré, peut se limiter à un examen administratif et n’implique pas nécessairement la réalisation d’un nouvel examen médical. Ainsi, la suspension du versement des indemnités journalières peut être maintenue sur le fondement de l’examen médical de l’assuré réalisé par le médecin diligenté par l’employeur ayant conclu à l’absence de justification de l’arrêt de travail prescrit par le médecin de l’assuré". 

Pour toutes ces raisons, le Conseil constitutionnel censure les dispositions du a du 3° du paragraphe 1 de l'article 63 de la LFSS pour 2024.

Les Sages valident la limitation de prescription d'arrêts de travail par téléconsultation

En revanche, le Conseil constitutionnel ne censure pas les dispositions relatives à la prescription d'arrêts de travail par téléconsultation, comme le demandaient les députés auteurs de la saisine. 

L’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoyait que la prescription ou le renouvellement d’un arrêt de travail par téléconsultation ne pourrait porter sur plus de trois jours ou porter à plus de trois jours la durée d’un arrêt de travail déjà en cours. 

Seules deux exceptions étaient prévues :

  • lorsque l'arrêt de travail est prescrit ou renouvelé par le médecin traitant de l'assuré ou par la sage-femme référente de l'assurée ;
  • en cas d'impossibilité, dûment justifiée par le patient, de consulter un médecin pour obtenir, par une prescription réalisée en sa présence, une prolongation de l'arrêt de travail.

Les députés auteurs de la saisine soutenaient que les exceptions étaient définies de manière trop restrictive et qu'il en résultait une méconnaissance des exigences découlant du 11e alinéa du Préambule de la Constitution ainsi que du "droit à ouverture aux prestations sociales".

Les Sages rejettent leur demande. "En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu favoriser la qualité des soins et prévenir les risques d’abus liés à la prescription d’arrêts de travail dans le cadre d’une consultation à distance. Ce faisant, il a poursuivi un but d’intérêt général ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale".

Ils soulignent par ailleurs que "la limitation de la durée de l’arrêt de travail ne s’applique pas lorsque celui-ci est prescrit ou renouvelé, dans le cadre d’une téléconsultation, par le médecin traitant ou la sage-femme référente du patient" et que, d'autre part, "cette règle ne s’applique pas non plus en cas d’impossibilité, dûment justifiée par le patient, de consulter un professionnel médical compétent pour obtenir, par une prescription réalisée en sa présence, une prolongation de son arrêt de travail". 

Enfin, le Conseil constitutionnel note que "le patient dont l’état de santé paraît nécessiter un arrêt de travail d’une durée supérieure à trois jours doit être informé par le médecin consulté à distance de la nécessité et des conditions dans lesquelles il peut obtenir la prolongation de cet arrêt". 

Pour rappel, l'an dernier, le Conseil constitutionnel avait censuré une telle mesure prévue par la LFSS pour 2023 qui encadrait la prescription d’arrêts de travail en téléconsultation de manière plus stricte encore.

 

► A noter : le Conseil constitutionnel censure également l'article 22 de la LFSS pour 2024 relatif à la prise en charge des frais de services privés de location de vélo auxquels ont recours les salariés, et l'article 14 qui exonérait de taxe sur les salaires - à certaines conditions - les rémunérations versées par l'employeur membre d'un assujetti unique, estimant qu'il s'agit de deux "cavaliers sociaux". En revanche, il valide l'article 16 du texte qui prévoit que le gouvernement peut, par arrêté ministériel, limiter le montant versé à l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage pour compenser la perte de cotisations résultant du dispositif de réduction dégressive des cotisations dues par les employeurs au titre de l’assurance chômage sur les bas salaires. "Ces dispositions, qui portent uniquement sur l’organisation des relations financières entre l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage, n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à l’assurance chômage. Elles ne font pas davantage obstacle à l’intervention des organisations représentatives d’employeurs et de salariés dans la détermination collective des modalités d’application de ces règles. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs ne peut donc qu’être écarté", estiment les Sages.

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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez et Jérémy Martin (infographie)
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