Surendettement : suspension de la prescription biennale de l'action de la banque

31.08.2018

Gestion d'entreprise

Entre la décision de recevabilité de la demande de surendettement et la décision qui statue sur le recours contre la recevabilité, le délai de prescription biennale de l'action de la banque est suspendu puisque celle-ci est dans l'impossibilité d'agir.

La Cour de cassation juge qu’en l’état d’une décision de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement, qui emporte, en application de l’ancien article L. 331-3-1 (devenu L. 722-2) du code de la consommation, suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur, il ne saurait être imposé au créancier qui recherche l’exécution du titre exécutoire notarié dont il dispose déjà d’introduire une action au fond. Elle ajoute que le créancier ne peut, à compter de la recevabilité de la demande de surendettement, interrompre la prescription en délivrant un commandement aux fins de saisie-vente et qu’ayant été dans l’impossibilité d’agir entre la recevabilité du dossier et la décision qui statue sur le recours contre la recevabilité, la prescription de son action est suspendue.

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En l’espèce, une banque accorde, par acte notarié en date du 26 janvier 2004, à des débiteurs un prêt immobilier. A la suite d’impayés, le créancier adresse un commandement de payer valant saisie immobilière aux débiteurs le 24 novembre 2010. Un jugement déclare ce commandement périmé. Entre-temps, les débiteurs saisissent la commission de surendettement qui décide le 12 mai 2011 que le dossier est recevable. Sur recours de la banque, le dossier est jugé irrecevable le 23 février 2012. Le 7 août 2013, la banque reprend la procédure en faisant signifier un commandement à fins de saisie-vente. Les débiteurs saisissent le juge de l’exécution d’une demande d’annulation du commandement en invoquant la prescription de l’action de la banque.

La cour d’appel confirme le jugement qui les a déboutés. Elle précise que l’ancien article L. 137-2 (devenu L. 218-2) du code de la consommation, selon lequel l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par 2 ans, s’applique aux crédits immobiliers accordés par des organismes de prêt à des particuliers qui constituent des services financiers, ce qui est le cas en l’espèce. Elle constate que le point de départ de la prescription biennale de l’action est la date du 6 février 2009, date de la première échéance impayée, et en déduit que, sauf à être interrompue ou suspendue, la prescription était acquise le 6 février 2011, mais que le commandement à fins de saisie immobilière du 24 novembre 2010 a interrompu le délai jusqu’au 25 novembre 2012, conformément à l’article 2244 du code civil, qui stipule que le délai de prescription ou le délai de forclusion est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou par un acte d’exécution forcée.

Par ailleurs, la cour d’appel rappelle les dispositions de l’article 2234 du code civil, lequel énonce que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, de l’ancien article L. 331-3-1 (devenu art. L. 722-2) du code de la consommation, qui précise que la décision de recevabilité emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que de l’article R. 331-10-1 du même code qui dispose que le recours contre la recevabilité n’en suspend pas les effets. Au visa de ces textes, elle retient que la banque a été dans l’impossibilité d’agir entre la saisine de la commission de surendettement, le 12 mai 2011, jusqu’au jugement par lequel le juge d’instance a prononcé l’irrecevabilité de la demande des débiteurs en date du 23 février 2012, soit pendant 9 mois et 11 jours. Elle considère que le délai biennal interrompu par le premier commandement jusqu’au 25 novembre 2012 ayant été suspendu pendant 9 mois et 11 jours, la prescription était acquise le 4 septembre 2013, soit postérieurement au commandement à fins de saisie-vente délivré le 7 août 2013. La cour d’appel juge donc que l’action introduite par la banque n’était pas prescrite.

Par arrêt du 28 juin 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi des débiteurs présenté selon un moyen unique pris en trois branches reprises ci-dessous.

Le créancier disposant d’un titre exécutoire notarié n’est pas obligé d’introduire une action au fond

Les débiteurs arguent, d’abord, que les créanciers peuvent agir lorsqu’une procédure de surendettement est en cours. Ils peuvent saisir le juge du fond pour obtenir un titre exécutoire, même s’ils disposent déjà d’un acte notarié, car un créancier peut avoir deux titres exécutoires pour la même créance.

Toutefois, la Cour de cassation déclare qu’il ne saurait être imposé à un créancier qui recherche l’exécution d’un titre exécutoire notarié dont il dispose déjà d’introduire une action au fond.

Le surendettement empêche le créancier d’engager une procédure d’exécution et d’interrompre la prescription

Ensuite, les débiteurs considèrent que la procédure de surendettement n’empêche pas un créancier de délivrer un commandement aux fins de saisie-vente, lequel, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée et interrompt la prescription de la créance.

Ils soutiennent que l’article 2234 du code civil précité ne s’applique pas lorsque le titulaire de l’action dispose encore, au moment où l’empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription.

La Cour de cassation juge que le créancier ne peut, à compter de la décision de recevabilité de la demande de surendettement, interrompre la prescription en délivrant un commandement à fins de saisie-vente.

La prescription est suspendue entre la recevabilité du dossier de surendettement et le jugement d’irrecevabilité

Enfin, les débiteurs contestent la décision du juge qui a considéré que la période s’étendant entre la recevabilité du dossier de surendettement, le 12 mai 2011, et la décision du juge déclarant irrecevable la demande, le 23 février 2012, a suspendu la prescription. Ils soutiennent que le créancier disposait encore du temps nécessaire pour agir avant l’expiration du délai de prescription le 25 novembre 2012.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui a déclaré non prescrite l’action introduite par le créancier dans la mesure où ce dernier était dans l’impossibilité d’agir entre le 12 mai 2011 et le 23 février 2012.

Vincent Bresson, Ancien responsable juridique, Société générale Edith Dumont, Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances et procédures d'exécution
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