Suspicion d’entente réalisée par le CSN : le fond de l’affaire

Suspicion d’entente réalisée par le CSN : le fond de l’affaire

17.12.2019

Gestion d'entreprise

La semaine dernière, la tentative d’annulation des opérations de visites et de saisies réalisées en 2017 par l’Autorité de la concurrence a échoué. La cour d’appel de paris a rejeté les recours déposés par le Conseil supérieur du notariat (CSN), l’Association pour le développement du service notarial (ADSN) et ses anciennes filiales.

Plus de 2 ans après les perquisitions, les pratiques sur lesquelles enquête toujours l’Autorité de la concurrence sont dévoilées par une ordonnance rendue par le premier Président de la cour d’appel de Paris, en date du 11 décembre.

La cour n’a pas fait droit aux demandes du CSN, de l’ADSN et de ses anciennes filiales (Cil.not, Media.not, Min.not, Publi.not et Real.not - entreprises récemment radiées du RCS et rassemblées au sein d’ADNOV) qui souhaitaient obtenir l’annulation des opérations de visites et de saisies survenues dans leurs locaux à Paris et dans les Bouches du Rhône. Perquisitions réalisées le 17 et 18 octobre 2017 sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris (JLD de Paris). 

Qu’est-il potentiellement reproché au CSN et à l’ADSN ?

L’Autorité de la concurrence enquête depuis septembre 2017 sur des pratiques anticoncurrentielles – entente et/ou abus de position dominante – dans le secteur des prestations de services à destination des notaires, telles que la diffusion de leurs annonces immobilières, la fourniture de logiciels pour la profession ou encore l'édition de leurs sites internet, etc.

A l’appui de sa requête au JLD de Paris, elle a fourni une liste de soixante pièces ou documents annexes. Et « selon les enquêteurs de l’Autorité de la concurrence, le groupe ADSN ainsi que les instances notariales visées [le CSN entre autre, mais aussi deux conseils régionaux et neuf chambres départementales ou interdépartementales, de même que trois offices notariaux, ndrl] auraient mis en place des agissements illicites visant à préempter et à verrouiller l’accès au secteur » de ces prestations de services au bénéfice du groupe et de ses filiales « en tentant d’exclure certains de leurs concurrents dont le groupe Notariat services ».

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés
Ventes liées, pratiques d’éviction, prix artificiellement bas…

Quelles seraient ces pratiques ? Les faits décrits sont sérieux. Tout d’abord « une confusion serait entretenue par l’ADSN et ses filiales entre elles et les instances officielles de la profession du notariat » pour en tirer un avantage concurrentiel. 

« Des conseils régionaux et des chambres départementales ou interdépartementales de notaires ou certains de leurs représentants auraient (aussi) incité leurs membres à mettre fins à leurs relations commerciales avec le groupe Notariat services ». Il y aurait même eu « des instructions et des consignes pour rompre toute relation commerciale avec le groupe ». Lors des plaidoiries, tenues le 6 décembre 2019, le représentant de l’Autorité de la concurrence a cité la détention de plus d’une cinquante de courriers d’études notariales ayant résilié leur contrat avec le groupe au profit de l’ADSN et de ses filiales. 

Des instances auraient encore « obligé leurs membres à souscrire des offres de prestations de services auprès des filiales de l’ADSN en le liant, dans certains cas, à d’autres prestations de services ». 

Min.not (filiale spécialisée dans la diffusion d’annonce immobilière) est suspectée d’avoir pratiqué des prix artificiellement bas pour évincer ses concurrents du marché. La filiale et le CSN auraient aussi « cherch[é] à limiter l’efficacité et l’utilité du logiciel d’expertise immobilière (…) commercialisé par Notariat services ». 

Quant à Real.not, elle semblait profiter « du fait qu’elle gère le réseau informatique interne au notariat (réseau Real), le serveur et les adresses de messagerie de l’ensemble des offices notariaux pour dégrader l’accès des études notariales à certains sites internet et le débit des sites de certains offices notariaux hébergés par des entreprises concurrentes ». 

Plus de « 2 000 000 de documents saisis »

Lors des perquisitions - ayant duré plus de 24 heures au CSN et près d’une journée dans les locaux de l’ADSN - plus de « 2 000 000 de documents » auraient été « saisis » par l’Autorité de la concurrence, a précisé leur avocat le 6 décembre. Le cabinet Bredin Prat a notamment plaidé un problème d’impartialité de l’Autorité de la concurrence, qui rend des avis à la Chancellerie sur la liberté d’installation des notaires depuis la loi Macron du 6 août 2015. Ainsi qu’un délai trop court - de plus de 15 jours - pour expurger les scellés fermés provisoires de tout document couvert par le secret professionnel du notaire ou découlant de la relation avocat-clients. L’absence de façon répétée des officiers de police judiciaire, lors de l’ouverture de ces scellés, a aussi été évoquée pour tenter d’annuler les opérations. Ou encore un vice de forme - l’absence de signature d’un magistrat - sur une ordonnance ayant permis les perquisitions dans les Bouches du Rhône. 

Mais le ministère public n’a suivi aucun des arguments des demandeurs. Sur le délai accordé pour rechercher les documents à sortir de la procédure, lors de l’ouverture des scellés fermés provisoires, l’avocat général a estimé que « les requérants ne sont pas des novices en la matière. Ils fournissent ce type de services à leurs adhérents ». Quant à l’Autorité de la concurrence, elle a précisé que « 90 % » des « 22 000 documents » que Bredin Prat a demandé à récupérer, ont effectivement « été éliminés » du dossier. Elle n'aurait pas manqué de proportionnalité...

L’affaire est susceptible d’avoir fait l’objet d’un pourvoi en cassation. 

Le 4 décembre, les instances notariales et l’ADSN apprenaient une seconde mauvaise nouvelle. La cour accordait à Notariat services la possibilité d’intervenir comme tiers à l’instance dans un autre volet de l’affaire. Celui des perquisitions réalisées au conseil régional des notaires de la cour d’appel de Poitiers. Le groupe concurrent aura donc accès à la procédure sur cette partie du dossier. 

Sophie Bridier
Vous aimerez aussi