Taxe foncière postérieure au jugement d'ouverture : exclue du traitement privilégié des créances

16.06.2023

Gestion d'entreprise

La taxe foncière ne constitue pas une créance née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, au sens de l’article L. 641-13, I du code de commerce.

Le présent est l’occasion pour la Cour de cassation de se prononcer sur le caractère privilégié ou non de la taxe foncière due par le débiteur personne physique. Un agriculteur est placé en liquidation judiciaire, le service des impôts des particuliers porte à la connaissance du liquidateur une créance de taxe foncière due postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Un contentieux naît quant à la qualification de cette créance fiscale postérieure, relève-t-elle ou non de l’article L. 641-13, I du code de commerce ?

La réponse est à la fois dans la rupture, c'est à dire la référence aux besoins de la vie courante introduite par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, et dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Un arrêt du 14 octobre 2014 avait jugé que la créance de taxe foncière, née au cours d'une liquidation judiciaire sans maintien d'activité, n'était pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure (Cass. com., 14 mars 2014, n° 901 P + B). Outre l’absence de maintien de l’activité, il faut noter que la taxe foncière est due en raison de la propriété de l’immeuble indépendamment de son utilisation ou non dans le cadre de l’activité professionnelle. On voit se dessiner un critère qui s’est confirmé par la suite, celui du lien de la créance fiscale avec l’activité de l’entreprise en difficulté, celui de l’inhérence à l’activité pour reprendre l’expression utilisée par la doctrine.

D’autres décisions sont venues compléter le schéma ainsi dessiné. Un arrêt du 24 mars 2021, s’agissant de la cotisation foncière, lui avait reconnu le caractère de créance postérieure privilégiée (Cass. com., 14 mars 2021, n° 20-13.832, n° 258 P). Il est vrai qu’il s’agit pour les entreprises qui y sont assujetties, d’une obligation légale qui est inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture.

Une pierre supplémentaire est apportée à l’édifice par la présente décision. Si elle est répond à une question inédite, elle s’inscrit dans le prolongement de la celle du 14 octobre 2014 (préc.). La taxe foncière n’est pas une créance postérieure privilégiée car elle n’est pas une créance née pour les besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.

La solution ne va pas de soi parce que la taxe foncière est liée à la propriété de l’immeuble qui peut être le logement en même temps que le lieu d’exploitation de l’activité professionnelle du débiteur personne physique. À ce titre, elle peut être considérée comme entrant dans les besoins de la vie courante de ce dernier. Pour autant, au moment où la loi s’emploie texte après texte à sortir, la résidence de la famille, certains biens immobiliers (déclaration d'insaisissabilité) des actifs de la procédure, il est compréhensible qu’il soit considéré qu’elle ne doit pas peser sur le débiteur en tant que créance privilégiée alors qu’il est déjà en grande difficulté.

Laurence-Caroline Henry, professeur à l’université de Nice Sophia Antipolis

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