TEG absent ou erroné : quelle sanction pour le contrat conclu avant le 18 juillet 2019 ?

29.06.2020

Gestion d'entreprise

L'ordonnance relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global n'est pas applicable aux contrats conclus avant son entrée en vigueur.

L’ordonnance du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global (TEG) a instauré un régime unique et harmonisé de sanctions civiles applicables au cas où les documents d’information précontractuels et les écrits valant contrat en matière de crédit (à la consommation ou immobilier) ne mentionnent pas le TEG ou mentionnent un TEG erroné (C. consom., art. L. 341-4, mod. par Ord. n° 2019-740, 17 juill. 2019, art. 1er). Depuis le 18 juillet 2019, le juge peut ainsi sanctionner le prêteur en prononçant la déchéance de son droit aux intérêts en se fondant notamment sur le préjudice subi par l’emprunteur. L’ordonnance a ainsi mis en place un système modulable de sanctions, mais dissuasif, puisqu’il permet au juge d’apprécier in concreto la situation de l’emprunteur (v. « TEG : nouveau régime des sanctions civiles en cas de défaut ou de mention erronée »). Toutefois, dans le silence du texte, la question de savoir si l’ordonnance s’applique aux contrats conclus avant son entrée en vigueur (et donc aux actions en justice introduites avant sa publication) restait posée. La Cour de cassation y répond dans le présent avis, auquel elle donne la plus large publicité : interrogée sur la question de savoir si les dispositions de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du TEG sont applicables aux contrats de crédit conclus avant son entrée en vigueur, elle répond par la négative. Elle précise également la nature des sanctions encourues par le prêteur fautif lorsque le contrat a été conclu avant le 18 juillet 2019.

L’avis de la Cour de cassation commence par rappeler le dispositif de l’ordonnance du 17 juillet 2019 : en cas de défaut de mention ou de mention erronée du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais la déchéance de son droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur. Mais, comme le souligne la Haute juridiction, l’ordonnance n’innove pas, cette sanction étant applicable en cas d’irrégularité affectant la mention du TEG dans une offre de crédit immobilier avant qu’intervienne le nouveau texte (C. consom., anc. art. L. 341-34). Aussi constate-t-elle que l’ordonnance ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. La cour ajoute que le texte n’obéit pas à des considérations d’ordre public impérieuses et qu’il sanctionne un vice affectant le contrat au jour de sa conclusion. Il s’en infère, selon elle, que l’ordonnance ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours, lesquels demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion.

La Cour de cassation précise néanmoins que, même lorsque l’ordonnance du 17 juillet 2019 n’est pas applicable, l’omission du TEG dans l’écrit constatant un contrat de prêt justifie que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur. Il en va de même en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans le contrat de prêt. C’est d’ailleurs ce que la cour a jugé dans une décision rendue le même jour, décision qu’elle cite en référence dans son avis (Cass. 1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24.287, en matière de prêt immobilier).

La Haute juridiction ajoute que la même sanction s’impose en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, afin de permettre la prise en considération de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur. Aussi, en cas d’erreur affectant le calcul du TEG ou du taux conventionnel mentionnés dans l’avenant au contrat de crédit immobilier, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Agnès Maffre Baugé, Maître de conférences HDR, Avignon Université

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