TEG : nouveau régime des sanctions civiles en cas de défaut ou de mention erronée

05.09.2019

Gestion d'entreprise

Les sanctions civiles, applicables en cas de défaut ou d'erreur du TEG, reposent depuis le 19 juillet 2019 sur la considération par le juge du préjudice effectivement subi par l'emprunteur pour la fixation du quantum de déchéance du droit aux intérêts.

Dans la démarche de modernisation et de simplification de l’action publique engagée par le gouvernement, l’article 55 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « loi ESSOC », a autorisé le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, avant le 10 août 2019, les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global (TEG) en vue de clarifier et d’harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou d’absence de ce taux (v. « Vers un TEG mieux adapté aux prêts professionnels »). L’ordonnance du 17 juillet 2019 établit une plus grande proportionnalité des sanctions au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs. Ce faisant, elle renvoie au préjudice de l’emprunteur pour la fixation du quantum de la déchéance du droit aux intérêts (Ord. n° 2019-740, 17 juill. 2019 : JO, 18 juill. ; Rapp. au Président de la Rép. : JO, 18 juill.).

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Rappel des sanctions applicables avant le 19 juillet 2019

Conformément au droit positif en vigueur avant le 19 juillet 2019, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, deux types de sanctions civiles coexistaient en matière de crédit :

– la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, à laquelle est exposé le prêteur en cas d’erreur affectant l’offre préalable d’un prêt immobilier, soumis au code de la consommation (C. consom., anc. art. L. 341-34) ;

– la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel, sanction d’origine jurisprudentielle et fondée sur les dispositions de l’article 1907 du code civil, en cas de TEG absent ou erroné dans le contrat de prêt à la consommation. Cette substitution était la seule sanction applicable, l’emprunteur ne pouvant être exonéré du paiement des charges liées au crédit quand bien même celles-ci seraient facultatives (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 06-16.964) ou solliciter des dommages et intérêts fondés sur la faute du prêteur pour ne pas avoir inclus des frais dans le TEG (Cass. com., 30 oct. 2012, n° 11-23.034). La Cour de cassation a jugé que cette sanction, fondée sur l’absence de consentement des emprunteurs au coût global du crédit, ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit du prêteur au respect de ses biens, garanti par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Cass. com., 12 janv. 2016, n° 14-15.203).

Nouvelle sanction harmonisée depuis le 19 juillet 2019
Unicité du nouveau régime de sanction

L’ordonnance du 17 juillet 2019 prévoit une formulation unique des sanctions applicables en cas d’erreur ou de défaut du TEG non seulement dans tout document d’information précontractuel, mais également dans tout écrit valant contrat, quelle que soit la nature ou la destination du crédit.

En effet, elle ajoute à certains articles du code de la consommation relatifs à la déchéance du droit aux intérêts un second alinéa rédigé comme suit : « Le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur » (C. consom., art. L. 341-1, L. 341-4, L. 341-25, L. 341-26, L. 341-54, al. 2, créés par Ord., art. 1er, 1°). Ce nouveau régime de sanction est reproduit  dans les domaines de l'information précontractuelle de l’emprunteur, de la formation et de l’exécution du contrat de prêt à la consommation (C. consom., art. L. 341-1 et L. 341-4, al. 2, créés), de l'information précontractuelle de l’emprunteur en matière de crédit immobilier (C. consom., art. L. 341-25 et L. 341-26, al. 2, créés) ou encore du prêt viager hypothécaire (C. consom., art. L. 341-54, al. 2, créé).

Le juge dispose ainsi de la faculté de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, dans la proportion qu'il fixe, en se fondant notamment sur le préjudice subi par l’emprunteur. Cependant, cette sanction unique n’est pas une obligation offrant au juge un pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Ainsi, en vertu du nouvel article L. 341-48-1, alinéa 1er du code de la consommation, si un défaut ou une erreur de TEG ne donne pas naissance à un préjudice, la sanction pourrait ne pas être prononcée par le juge (C. consom., art. L. 341-48-1, al. 1er, créé par Ord., art. 1er, 3°). L’adverbe « notamment » utilisé dans les textes précités sous-entend que d'autres éléments pourraient être pris en considération par le juge pour appliquer la sanction autre que le seul préjudice. Enfin, le deuxième alinéa de l’article L. 341-48-1 précise que si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts doit s’appliquer, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû (C. consom., art. L. 341-48-1, al. 2, créé par Ord., art. 1er, 3°) .

Considération du préjudice de l’emprunteur

En demandant au juge de considérer le préjudice de l’emprunteur, l’ordonnance l’invite à prendre en compte ce préjudice dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’arbitrage sur la déchéance du droit aux intérêts prévue par les dispositions du code de la consommation relatives au crédit dès lors que le prêteur manque aux règles de forme d’ordre public prescrites par les textes.

La solution n’est pas nouvelle et la Cour de cassation l’a maintes fois rappelé dans plusieurs arrêts (Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, n° 03-10.921 ; Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, n° 09-67.930 ; Cass. 1re civ., 30 sept. 2015, n° 14-19.266) où elle a souligné que l’appréciation du manquement du prêteur aux prescriptions légales relevait du pouvoir souverain du juge, lui reconnaissant, également, la liberté d’évaluer la nécessité de limiter la réparation du préjudice subi. Car, en présence d’un tel manquement, le juge peut aussi ne pas prononcer la déchéance.

Ce faisant, l’ordonnance ne modifie pas véritablement le pouvoir discrétionnaire du juge qui est fondé à prendre en considération le préjudice de l’emprunteur, la gravité ou la réitération du manquement aux prescriptions légales, son caractère accidentel ou intentionnel ou encore tous critères lui paraissant pertinents et que la nature discrétionnaire de son pouvoir l’autorise à ne pas retranscrire dans sa décision.

On en voudra pour preuve l’absence de disposition dans l’habilitation quant à l’opportunité de l’application du nouveau régime des sanctions civiles pour les actions en justice introduites avant le 18 juillet 2019, date de la publication de l’ordonnance ; sans doute l’aveu d’une reconnaissance implicite à l’égard du juge, d’un pouvoir discrétionnaire effectif.

Remarque : le rapport au Président de la République précise que l’ordonnance ne prévoyant pas que le nouveau régime de sanction doit s’appliquer aux actions en justice introduites avant le 18 juillet 2019, il revient aux juges civils d’apprécier, selon les cas, si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions auparavant en vigueur et, dans cette hypothèse, d’en faire une application immédiate dans le cadre d’actions en justice introduites avant la publication de l’ordonnance
Nathalie Casal, Juriste consultant en droit des affaires
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