Télétravail, «flexoffice», location ponctuelle d’espaces collaboratifs, hubs délocalisés… ce que les nouvelles pratiques de travail vont changer

Télétravail, «flexoffice», location ponctuelle d’espaces collaboratifs, hubs délocalisés… ce que les nouvelles pratiques de travail vont changer

16.07.2020

Gestion d'entreprise

Le Covid-19 pourrait bien changer à jamais notre façon de travailler et de collaborer. Dans sa chronique, Emilie Letocart-Calame s'interroge : et si le « flexoffice », les espaces collaboratifs à louer et les hubs délocalisés étaient en fait les bureaux de demain ?

Une généralisation du télétravail… mais pas pour tout le monde. A l’heure du déconfinement progressif se dessinent plusieurs tendances :

  • il y aura un avant et un après Covid-19 en matière de télétravail, et le recours à celui-ci va significativement augmenter - il faut dire qu’il commençait seulement timidement à être envisagé depuis les grèves de fin 2019 - ;
  • certains sortent renforcés de cette crise dans l’idée qu’ils ne sont pas faits pour le télétravail et ont besoin de bureaux hors de leur domicile pour travailler ;
  • si au sein de projets collaboratifs certaines tâches peuvent se faire à distance, d’autres sont bien plus efficaces en face à face, surtout à plus de 3 personnes ;
  • les bureaux tels qu’ils sont actuellement organisés ne répondent à aucun de ces enjeux.

Dès lors, les entreprises entament leur réflexion sur ce sujet, et reconsidèrent l’opportunité de retourner à un fonctionnement désormais inadapté - d’autant que les bureaux représentent le deuxième poste de dépense des entreprises. Les échéances de baux qui arrivent seront donc certainement propices au changement.

Les hubs de province

Le développement du télétravail semble inciter un certain nombre de cadres à reconsidérer leur lieu de vie. 68% d’entre eux déclarent être prêts à s’éloigner de leur lieu de travail et à envisager un déménagement – notamment en province – afin de jouir d’une meilleure qualité de vie. Et si en parallèle de leur bureau parisien, les entreprises créaient des hubs locaux permettant aux salariés domiciliés en région de s’y retrouver ponctuellement ? Dans l’économie à venir, la réussite sera bâtie sur l’innovation, la connaissance et l’inventivité : l’attraction et la rétention des meilleurs talents seront donc des questions clés. Encourager ces pratiques permettra aux entreprises d’attirer et de garder les personnes dont elles ont besoin. Pour les collaborateurs, cela permettrait une diminution importante des temps de trajets, et d’envisager un déménagement dans un périmètre plus large que les gares d’Ile-de-France. Sans compter que le prix de l’immobilier dans les grandes villes de province est plus intéressant qu’en région parisienne, et certaines villes de France comme Toulouse, Lille, Aix-en-Provence, Lyon, Rennes ou Bordeaux ont largement de quoi séduire. Les hubs permettraient alors de réfléchir à un déménagement non pas uniquement à proximité immédiate d’une gare TGV à moins de 1h ou 2h de Paris, mais également dans la périphérie de ces grandes villes de province.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Exit l’idée que nous avions du coworking comme un espace partagé entre travailleurs indépendants. Et si l’avenir du travail collaboratif passait par des espaces plus ou moins grands en fonction des besoins, loués ponctuellement par des entreprises ? Disponibles immédiatement, flexibles en superficie et en localisation en fonction des besoins, livrés clefs en main avec une batterie de services inclus et à un coût toujours inférieur à celui des bureaux actuels, ils ont de quoi séduire ! Qu’il s’agisse de se retrouver à plusieurs pour travailler de façon collaborative, d’espaces de réception pour réunir ponctuellement l’ensemble des salariés ou de salles de travail plus informelles pour recevoir les clients, ils répondent presque à tous les usages.

Le flexoffice

Le flexoffice ou desk sharing consiste, lui, en l’absence de bureaux attitrés et personnels. L’essor du numérique et le développement du télétravail en ont accéléré le développement.  Chaque jour, le salarié qui souhaite se rendre sur site s’installe sur l’un des bureaux disponibles, à sa convenance et en fonction des places libres. De nombreuses entreprises comme Axa, PWC, BNP, L’Oréal, Renault, Engie ou Orano ont déjà sauté le pas, confirmant donc que cela n’était pas seulement réservé aux jeunes startups ou au secteur de l’informatique. Face à l’inadéquation grandissante entre les bureaux dits « traditionnels » et les nouvelles pratiques de travail ainsi que les mesures sanitaires, le flexoffice apporte une solution novatrice et concrète aux enjeux actuels, face à une organisation devenue au mieux inutile et au pire contre-produtive. Bonus écologique : moins de bureaux, moins de déplacements et donc moins d’émissions carbone !

Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Stéphanie Smatt Pinelli, directrice juridique règlement des différends chez Orano, était auparavant avocate. Elle a eu pendant plusieurs années un bureau attitré en cabinet, puis brièvement en arrivant chez Orano, ce qui n’était pas la configuration idéale pour pleinement prendre ses marques lors d’une prise de poste. Le siège de l’entreprise est désormais passé au tout flexoffice à l’occasion d’un changement de bureaux. Contexte idéal : la transition s’est faite pour tout le monde en même temps et a été bien accompagnée. A l’inverse, Julie*, juriste dans un établissement public, voit ce dernier passer de bureaux individuels (ou partagés à 2 ou 3 maximum) directement au flexoffice sans passer par l’étape intermédiaire de l'open space. Le changement est plus abrupt, même si l’intention de redynamiser les espaces de travail est louable. « On ne sait pas combien de postes seront disponibles. Faudra-t-il faire demi-tour direction chez soi le matin si lorsqu’on arrive on ne trouve pas de place ? » En effet, l’idée sous-jacente du flexoffice est de rationaliser l’espace disponible, le taux d’occupation des bureaux tournant habituellement aux alentours de 50%. Toutefois, lorsqu’il est bien pensé, de tels cas ne se présentent pas car le nombre de postes est réduit de 20 à 40% maximum par rapport au nombre de collaborateurs. On reste donc dans l’optimisation des surfaces sans tomber dans le surbooking.

Comment le flexoffice fonctionne-t-il concrètement ? Les lieux sont découpés pour répondre à des besoins précis afin de maximiser l’efficacité des tâches qui s’y déroulent : le collaborateur choisit donc son emplacement en fonction de la tâche du jour à réaliser et des personnes auprès de qui il souhaite travailler. Chez Orano, les plateaux sont appelés des « villages » et les espaces des « quartiers ». Ainsi chaque département peut se retrouver au sein de son « village », favorisant la collaboration mais rendant néanmoins possible les déplacements entre départements.

Décrié par certains comme déshumanisant et sous-entendant l’interchangeabilité des collaborateurs, il a pourtant de nombreuses vertus, à commencer par la possibilité pour tous de changer d’environnement au gré des projets et envies. Il favorise également les échanges directs et le rapprochement de fonctions qui étaient autrefois physiquement séparées. Comment être business partner en étant complètement isolé ? Sa mise en place nécessitera toutefois une organisation matérielle et technique rigoureuse : finis les postes de travail fixes, il faudra un réseau wifi robuste, un matériel sur place bien entretenu (prises électriques, lampes, etc), un serveur commun performant et un espace homogène afin d’éviter que certains bureaux soient moins agréables que d’autres. Par ailleurs misant sur une clean desk policy, le flexoffice renforce encore la confidentialité à laquelle les professions du droit sont d’ores et déjà soumises. Cela rend également plus simple le travail de désinfection quotidien des équipes en charge du nettoyage des bureaux, qui sont soumis à de rudes conditions de travail ces derniers mois. Il conviendra toutefois de prévoir à disposition des casiers sécurisés afin que chacun puisse y laisser les effets personnels qu’il souhaite conserver sur place.

Cassant les codes d’un management hiérarchique, sans bureau pré-affecté, le management lui-même est repensé, permettant à chacun une responsabilisation dans son travail et des interactions modifiées au sein de l’équipe. Stéphanie Smatt Pinelli nous le précise d’emblée : « Chez nous cela s’est appliqué à tout le monde. Il y a une vraie volonté d’exemplarité ! Cela a par ailleurs été très bien expliqué avec des fascicules de communication, un marketing spécifique, des vidéos explicatives… tout était bien préparé !». Pas le même son de cloche du côté de Julie : « nous n’avons malheureusement pas trop d’infos. Même si certains ont pu se rendre aux réunions de préparation et que l’on a pu faire remonter nos doléances, on ne sait pas encore si elles ont été prises en compte ! ».

Un tel changement de paradigme nécessitera un accompagnement des managers – ainsi que de l’ensemble des collaborateurs – afin de s’assurer que cette solution n’est pas imposée à ceux à qui cela ne conviendrait pas. Elle pourra par exemple être une contrepartie à une politique de télétravail assouplie pour ceux qui le choisiraient. Dernier avantage, et pas des moindres : ces modalités de travail plus souples mettraient fin à la culture de la « réunionite », du présentéisme et des horaires imposés. On passerait enfin à un management de responsabilisation, à la confiance, plus bienveillant et adapté aux contraintes personnelles, basé uniquement sur les résultats. Enfin !

 

* Le prénom a été changé

Emilie Letocart-Calame
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