Tests antigéniques : «ce n’est pas à l’employeur de procéder au test», précise D. Kadar

Tests antigéniques : «ce n’est pas à l’employeur de procéder au test», précise D. Kadar

09.11.2020

Gestion d'entreprise

Depuis la dernière mise à jour de son protocole national pour les entreprises, le ministère du travail autorise les sociétés à proposer des tests antigéniques de dépistage de la Covid-19. Une campagne que peut mener l’employeur s’il est accompagné par des professionnels de santé et qu’il poursuit le bon objectif, alerte Daniel Kadar, avocat associé chez ReedSmith, co-gérant du bureau de Paris.

Le diagnostic a évolué. Depuis le 30 octobre, le gouvernement embarque les entreprises dans la « stratégie nationale de dépistage » de la Covid-19. Ce sont en tout cas les termes que le protocole national pour les entreprises emploie. Le texte accorde aux employeurs le droit de proposer à leurs salariés de se faire tester. Une campagne rendue possible par le déploiement d’une nouvelle génération de tests dits rapides, listés par les autorités de santé, qu’il serait possible de se procurer depuis quelques jours.  

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Que pensez-vous de cette nouvelle faculté ?

Je retournerais la question : est-ce utile ? L’entreprise doit avoir bien conscience de la portée que peut avoir ce type d’instrument dans le cadre de sa politique salariale. Si le management se dit qu’il va contraindre l’ensemble de ses salariés à se soumettre à ces tests, de manière obligatoire, il risque d’y avoir un gros problème. Ce n’est pas ce qu’ont voulu autoriser les pouvoirs publics.

C’est un dispositif optionnel qui vient en plus et séparément d’autres mesures de prévention imposées aux employeurs au titre de leur obligation de sécurité sur le lieu de travail. Le Conseil d’Etat a rappelé le 19 octobre que le nouveau protocole sanitaire constituait un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur. Ce qui est nécessaire au titre de cette obligation de sécurité, c’est d’alerter immédiatement le personnel sur le port du masque, d’aérer les locaux, de respecter les gestes barrières, la distanciation sociale, etc. Or, un test constate un état (positif ou non), et n’est pas en cela un outil de prévention au sens strict du terme. Et encore moins sur le lieu de travail, le virus ayant pu être contracté à l’extérieur de la société. C’est ce qui réduit l’action de l’employeur en la matière. Encore une fois, l’employeur peut uniquement proposer des tests à ses employés. Il ne peut pas les imposer de manière générale. Et chaque salarié est en droit d’accepter ou non de s’y soumettre. Il doit avant tout y consentir librement, comme il doit consentir à la collecte et au traitement de ses données personnelles dans ce cadre.

Sur ce terrain justement, que dire ?

On peut constater une avancée dans le sens de davantage de flexibilité. Au départ, les lignes directrices de la CNIL précisaient que n’étaient pas autorisées les campagnes de dépistage organisées par les entreprises. Or, les tests antigéniques sont une campagne de dépistage, même si elle est basée sur le volontariat. Aujourd’hui, une exception est donc introduite. L’exécutif a décidé, et ce n’est pas la première fois, d’aller à contre-courant des recommandations de l’autorité de contrôle qui avait rappelé de manière ferme l’exigence de protection des données de santé des salariés. Mais les contours de l’exercice sont quand même très contraints pour l’employeur.

Comment organiser sa campagne de tests ?

Il faut le faire avec des professionnels de santé : un médecin, une infirmière, un laborantin, etc. L’entreprise sort ainsi de sa sphère traditionnelle. Ce n’est pas à l’employeur de procéder au test et il ne peut collecter la moindre donnée ni demander au salarié de l’informer de son état de santé par la suite. Il y a un peu de « Tartuffe » dans ces obligations réglementaires, un peu comme dans les formulaires Covid-19 qu’on a vu fleurir en début d’année : l’employeur ne peut pas demander au salarié s’il a des symptômes, il ne peut pas demander le résultat du test, mais il peut demander si ce test a été passé et rappeler au salarié qu’il est de sa responsabilité de ne pas se rendre sur son lieu de travail s’il a contracté le virus ou de signaler qu’il ne se porte pas bien.

Faut-il organiser une campagne ou prévoir une permanence médicale à la levée du confinement ?

Encore une fois, ce n’est pas un outil de prévention interne à l’entreprise au sens strict. Il faut l’envisager différemment : cela peut répondre à une demande de la part des salariés au moment de leur retour sur site à l’issue du confinement. L’objectif est plutôt de rassurer le personnel en offrant des permanences pendant lesquelles il est possible de se faire tester. L’employeur doit donc apprécier dans le cadre du dialogue social l’opportunité ou non d’offrir ces tests.

Faut-il les proposer si l’entreprise est contactée par une ARS pour identifier un cluster ?

Cela peut être le bon moment. Mais encore une fois, cela ne fonctionnera que si les employés consentent aux tests et souscrivent à la démarche.

On a du mal à imaginer qu’une entreprise se lance alors sur le sujet…

Au printemps, dans des chantiers du BTP, les tests sérologiques avaient été envisagés. Des employeurs voulaient assurer un maximum de sécurité à leurs équipes. Il n’est toutefois pas dans notre culture juridique que les employeurs procèdent par voie de tests à titre de prévention.

Cela a aussi un coût pour les entreprises. Il faut donc qu’elles se demandent pourquoi elles proposent ces tests. Si elles imaginent ainsi sécuriser les conditions de travail en présentiel, ce n’est pas dans l’esprit de la réglementation. En revanche, si l’outil peut être propice au dialogue social et à rassurer un certain nombre de salariés, alors ce dispositif trouve tout son sens.

Sophie Bridier
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