Après la conclusion de 22 accords sociaux en 2015, le groupe ferroviaire, né de la fusion de la SNCF et du Réseau ferré de France, entame, aujourd’hui, une négociation sur le temps du travail. Décryptage avec Guillaume Pépy, président du groupe et Jean-Marc Ambrosini, DRH.
Rude journée en perspective pour Jean-Marc Ambrosini, directeur général délégué Cohésion sociale & ressources humaines. C’est aujourd’hui que s’ouvrent les négociations sur le temps de travail du groupe public ferroviaire qui regroupe la SNCF et Réseau ferré de France.
A l’ordre du jour : "le champ d’application des régimes de travail ; la durée annuelle ; la définition du temps de travail effectif ; le calcul des heures supplémentaires ; l’amplitude journalière ; les temps de pause ou encore les temps contraints (temps de transport, habillage/déshabillage) …", a détaillé, hier, Jean-Marc Ambrosini, devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Soit, au total, une petite dizaine d’heures de discussion.
La direction et les syndicats représentatifs (CGT, Unsa-ferroviaire, Sud-rail, CFDT) ont prévu trois autres séances : le 11 mai, le 25 mai, le 7 juin. Cette dernière devant être conclusive. L’accord sur les 35 heures en vigueur à la SNCF depuis 2000 sera, en effet, caduc le 1er juillet.
L’agenda a été fixé par la loi sur la réforme ferroviaire du 4 août 2014. Elle fusionne les deux entités (SNCF et Réseau ferré de France) et refonde les règles du transport ferroviaire. Avec à la clef, un dispositif à trois étages : un décret socle qui complète le code du travail et le code des transports, posant les bases communes, en lien avec les exigences de sécurité et de continuité des services publics, une convention collective commune (fret/voyageurs ; SNCF/privé), en cours de négociation, qui regroupe plusieurs acteurs du secteur (Keolis, Transdev, VFLI, Eurostar…) et des accords d’entreprises.
Objectif : préparer le secteur à l’ouverture de la concurrence, prévue par étapes : 2020 pour les trains domestiques à grande vitesse, 2026 pour les TER.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Le groupe ferroviaire n’est pas novice en la matière. 22 accords ont, d’ores et déjà, été conclus à la SNCF, en 2015, dont 10 à l’unanimité : accord sur le logement ; sur la mixité et l’égalité professionnelle ; sur la prévoyance et les frais de santé ; sur les travailleurs handicapés… Ils s’appliquent aux 150 000 salariés. Mais les sujets étaient jusqu'ici plutôt consensuels. Cette fois, on entre dans le dur. Le temps de travail est ultrasensible car il touche au quotidien des cheminots. Et la direction ne cache pas son désir de gagner en compétitivité, soucieuse d’augmenter la performance de l’entreprise alors que la concurrence tous azimuts se renforce (co-voiturage, autocar et libéralisation des lignes régionales à moyen terme). Les syndicats refusent, de leur côté, toute "régression sociale". Dans ce cadre, des grèves sont probables. Ils manifesteront le 10 mai. D’autres mouvements sociaux pourraient être programmés au moment de l’Euro de foot. De quoi mettre le DRH à rude épreuve. "L’objet même des négociations, c’est de trouver le juste équilibre entre les acquis qu’il faut préserver et un certain nombre d’entre eux qui peuvent évoluer avec des contreparties", indique Guillaume Pépy, le président du groupe ferroviaire
L’entreprise a transmis aux syndicats ses premières propositions. Parmi les évolutions envisagées, figure une modification de l’amplitude journalière. La journée de service augmenterait de 30 minutes pour les personnels sédentaires, mais baisserait d’autant dans le cas où elle comprendrait 2 heures 30 travaillées de nuit. Pour les personnels roulants (conducteurs et contrôleurs), la hausse serait d’une heure lorsqu���ils travailleraient "plus de 2h30" dans la période nocturne. La durée moyenne sur une grande période de travail reste identique "mais cela permet un peu de souplesse dans l’exploitation". Les durées de travail restent, elles, inchangées (de 1 589 heures à 1 568 heures annuelles selon les personnels). Le texte ne modifie pas non plus les dispositions sur les pauses, les coupures et le calcul des heures supplémentaires.
Le SNCF propose aussi que la réglementation actuelle évolue sur les modalités de prise et de fin de service en dehors du lieu d’affectation et souhaite revoir l’organisation du travail pour certains aiguilleurs travaillant dans des secteurs où le trafic est limité. Elle envisage également la conclusion d’une convention individuelle de forfait en jours pour certains cadres.
Pour Guillaume Pépy, le but n’est pas d’avoir "d’un côté des gagnants et de l’autre, des perdants, mais d’aboutir à un accord équilibré. La négociation permettra d’ailleurs d’avancer sur certaines revendications des salariés : meilleure prévisibilité du planning, qualité de vie au travail…". Au total, l’accord devrait déboucher sur une dizaine de régimes de travail (roulants, sédentaires, 3x8…)
La négociation a, en réalité, "débuté en fin d’année", insiste Jean-Marc Ambrosini. Pour déminer le terrain, "nous avons fait un partage de diagnostic avec les organisations syndicales et les clients (les régions). Nous avons également fait une gigantesque tournée d’explication pour les cheminots". Le DRH espère que la méthode portera ses fruits : "on entre aujourd’hui dans la phase décisive et le processus de négociation est mature", assure-t-il.
En cas d’échec ? "Il faut réfléchir avant de bloquer la situation, alerte Jean-Marc Ambrosini. Car au terme de la réforme ferroviaire, les accords qui régissent l’organisation du travail à la SNCF ne seront plus valables après le 30 juin. Ce qui supposerait, faute d’accord, l’application des règles du décret socle, c’est-à-dire les règles de base". Soit des dispositions "au ras des pâquerettes", selon Sud-Rail. "Tout le monde a donc intérêt à ce que la négociation aboutisse", renchérit Guillaume Pépy. Même si le timing reste très serré.
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