Tout est prêt pour l'autoconsommation photovoltaïque

06.06.2018

Environnement

L'autoconsommation photovoltaïque est l'un des nombreux volets d'une politique énergétique nationale en quête d'un mix énergétique plus propre et vertueux. Si l'on en croit la loi de transition énergétique pour la croissance verte, 40 % de la production d'électricité devra être d'origine renouvelable en 2030. Comment l'autoconsommation peut-elle participer à l'atteinte de cet objectif ? Ne préfigure-t-elle pas un nouveau modèle énergétique français décentralisé ?

Expérimentation du label E+C- en France, révision le 14 mai dernier de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, obligation d’installer des panneaux photovoltaïques sur tous les nouveaux bâtiments résidentiels en Californie à partir du 1er janvier 2020,... la liste des initiatives visant à favoriser le recours aux énergies renouvelables dans le bâtiment est longue. L’autoconsommation y a, évidemment, toute sa place.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Dans quel contexte économique et réglementaire se développe-t-elle ? Quelles sont les solutions techniques actuellement disponibles ? Autant de questions auxquelles nous nous proposons de répondre.

Promesses et opportunités

Malgré des années de soutien à la filière via un système incitatif de rachat avantageux, l’énergie photovoltaïque ne représente que 1,7% de la production d’électricité nationale française en 2017, soit à peu près autant que la part d’électricité produite à partir du charbon. Le potentiel de croissance du photovoltaïque reste donc très élevé.

Assez souvent, le développement de l’autoconsommation est associé à l’idée d’un développement économique local et à la création d’emplois associés. C’est vrai pour l’installation seulement, car le solaire photovoltaïque ne nécessite pratiquement aucun entretien ni aucune maintenance. Mais l’argument économique est loin d’être le principal.

Remarque : certains installateurs de panneaux photovoltaïques ont même du mal à recruter des ouvriers qualifiés et organisent eux-mêmes des formations qualifiantes, QualiPV.

L’adoption de l’autoconsommation à grande échelle permettrait en réalité de modifier le modèle énergétique français en décentralisant une partie de la production au plus près des consommateurs, à l’aide d’énergies plus propres, choisies en fonction des ressources locales. Le photovoltaïque est une partie de la solution, qui peut naturellement intégrer d’autres sources d’énergies renouvelables. Ces dernières (éolien, biogaz, hydraulique, etc.) présentent l’avantage, et parfois l’inconvénient, d’avoir un flux différent du solaire.

Consommer sa propre énergie permettrait également de sensibiliser les citoyens sur leurs usages et leurs habitudes énergétiques. Cette prise de conscience écologique pourrait les inciter à s’intéresser davantage à leurs consommations et à les réduire.

Le contexte est connu, face à la hausse prévisible du prix de l’électricité, l’autoconsommation permet de sécuriser et de connaître son prix de revient dès le début d’un projet. Pour ne pas être trop optimiste, il convient d’effectuer le calcul sur une période de 20 ans, en prenant en compte une baisse du rendement d’environ 15% à l’issue des 20 ans. Il faut aussi prévoir le remplacement de l’onduleur au bout de 9 ans.

La politique de soutien à la filière photovoltaïque a porté ses fruits, le prix d’une installation photovoltaïque est de plus en plus attractif, le coût ayant été quasiment divisé par trois en 10 ans. Certains fabricants tablent aujourd’hui sur une baisse des prix "panneaux fournis et posés" de 12% d’ici 2020.

Au regard de toutes ces réalités, il est très probable que nous assistions dans les années à venir à l’essor de l’autoconsommation. L’instauration récente d’un cadre juridique complet devrait y contribuer.

Cadre législatif et réglementaire

Avant la loi de transition énergétique pour la croissance verte, dite loi LTECV (L. n° 2015-992, 17 août 2015 : JO, 18 août), l’autoconsommation n’existait pas juridiquement. Seules quelques dispositions relatives à la vente du surplus d’électricité produite par les installations photovoltaïques s’appliquaient.

Il faut attendre 2015 pour que le législateur apporte un soutien fort à l’autoconsommation en l’inscrivant dans la LTECV et en autorisant le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance pour "mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé et sécurisé des installations destinées à consommer tout ou partie de leur production électrique, comportant notamment la définition du régime de l'autoproduction et de l'autoconsommation, les conditions d'assujettissement de ces installations au tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution d'électricité et le recours à des expérimentations (…)". 

LTECV, art. 2 : "Les politiques publiques concourent au renforcement de la compétitivité de l'économie française et à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages, en particulier des ménages exposés à la précarité énergétique. Elles privilégient, à ces fins, un approvisionnement compétitif en énergie, favorisent le développement de filières à haute valeur ajoutée et créatrices d'emplois et soutiennent l'autoconsommation d'électricité".

C’est dans ce contexte que l’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 est édictée (JO, 28 juill.). Elle crée un nouveau chapitre intitulé "L’autoconsommation" dans le code de l’énergie (art. L. 315-1 et s.), lequel définit les notions d’autoconsommations individuelle et collective. La première est "le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation". L’électricité peut être consommée instantanément ou après une période de stockage. L’autoconsommation collective correspond quant à elle à une opération rassemblant plusieurs producteurs et consommateurs finaux, réunis au sein d’une personne morale d��diée qui peut être une association, une coopérative, un syndicat de copropriétaires, etc. (voir notre actualité du 28 juillet 2016 "Électricité renouvelable : l'heure est à l'autoconsommation").

L’ordonnance du 27 juillet 2016 règle également les questions liées à la fixation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Elle précise notamment les obligations des personnes morales organisatrices d’une opération d’autoconsommation collective (déclaration de la répartition de la production autoconsommée entre les consommateurs finaux), et celles qui pèsent sur les gestionnaires des réseaux publics (organisation des dispositifs techniques et contractuels "dans des conditions transparentes et non discriminatoires"). Elle est ratifiée par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 (JO, 25 févr.).

Un décret n° 2017-676 du 28 avril 2017 (JO, 30 avr.) intervient ensuite pour apporter des précisions qui concernent principalement l’autoconsommation collective. La notion d’ "installation de production" est définie, le rôle des gestionnaires de réseaux publics précisé et les modalités de calcul des quantités d’électricité autoconsommée et autoproduite établies. Le décret fixe par ailleurs les conditions de prise en compte des unités de stockage d’électricité et met à la charge des personnes morales organisatrices d’une opération d’autoconsommation collective, une obligation de déclaration aux gestionnaires des réseaux publics du ou des coefficients de répartition de la production associés à chaque consommateur final participant à l’opération. Enfin, il établit une obligation de conclusion d’un contrat entre la personne morale organisatrice et le gestionnaire du réseau et décrit son contenu minimal (C. énergie, art. D. 315-1 et s. ; voir notre actualité du 3 mai 2017 "Énergies renouvelables : du nouveau pour l'autoconsommation et les dispositifs de soutien").

La question du montage contractuel, de sa simplification et de son homogénéisation, est aujourd’hui au cœur des débats. Dans sa délibération n° 2018-027 du 15 février 2018, la CRE relève que le cadre contractuel doit être simplifié, surtout pour les plus petites installations (puissance inférieure ou égale à 36 kVA). S’agissant des modalités contractuelles applicables à l’autoconsommation individuelle, la CRE recommande de généraliser autant que faire se peut le recours à un contrat unique ou au maximum à 2 contrats, en lieu et place des 3 contrats actuellement requis en cas d’injection du surplus dans le réseau public de distribution (convention de raccordement entre l’autoconsommateur et le gestionnaire du réseau, contrat d’accès au réseau public de distribution en injection (CARD-I) et convention d’exploitation). S’agissant des modalités contractuelles applicables à l’autoconsommation collective, en vertu de l’article D. 315-9 du code de l’énergie, les contrats doivent comporter les coefficients de répartition de la production applicables à chaque consommateur et pour chaque pas de temps, "ou le cas échéant, leur méthode de calcul, ainsi que leurs modalités de transmission". Le texte est donc très ouvert mais il soulève plusieurs incertitudes pratiques. La CRE recommande ainsi aux gestionnaires de réseaux d’engager une concertation pour éclaircir le plus rapidement possible la question des méthodes de calcul (coefficients fixes ou formules déterministes) et celle des modalités de transmission, ex ante / ex post (voir notre actualité du 2 mars 2018 "Les conclusions de la CRE sur l'autoconsommation").

Très récemment, le décret n° 2018-243 du 5 avril 2018 (JO, 7 avr.) achève l’œuvre réglementaire en encadrant les conditions d’émission de garanties d’origine au titre d’une production d’électricité autoconsommée (C. énergie, art. R. 314-67-1 et s. ; voir notre actualité du 19 avril 2018 "Mise aux enchères des garanties d'origine : à quelles conditions ?").

L’autoconsommation dispose aujourd’hui d’un cadre juridique complet, qui doit rassurer les acteurs et stimuler le secteur. En parallèle, l’Etat a mis en place plusieurs dispositifs de soutiens financiers directs et indirects qui visent à accélérer le développement de l’autoconsommation (primes à l’investissement, exonérations fiscales,etc.).

Questions techniques et solutions

Dans le cas présent, nous nous focaliserons sur l’autoconsommation dans des bâtiments collectifs d’habitation. Au préalable, il convient de rappeler un certain nombre d’éléments :

- l’énergie solaire est une énergie de flux, contrairement aux énergies de stock (biogaz, charbon, pétrole, uranium, etc.) ;

- en France, les pointes de consommations électriques ont lieu lors des vagues de froid. A partir de 18h, les radiateurs électriques tournent à plein régime. Durant ces périodes la France perd son indépendance énergétique et nous sommes contraints d’importer de l’énergie depuis les pays voisins ;

- les besoins d’électricité ne sont pas totalement synchronisés avec la production des panneaux photovoltaïques.

Ces faits rappelés, un point important doit être souligné : dans le résidentiel, le taux d’autoconsommation se situe autour de 20% à 40%, sans stockage d’électricité.

Précision : le taux d’autoconsommation se calcule de la façon suivante : Production d’énergie solaire consommée / Production totale d’énergie y compris exportée sur le réseau. A ne pas confondre avec le taux d’autoproduction, qui correspond à la formule suivante : Production totale / Consommation totale. Dans le cadre de l’expérimentation E+C- on parle de taux de couverture.

Par conséquent, l’autoconsommation est davantage rentable sur des grandes toitures de bâtiments tertiaires et industriels pour lesquelles les consommations sont plus synchronisées.

 

Précision : figure issue du Référentiel "énergie-carbone" pour les bâtiments neufs – 2017 E+C-.

Deuxième frein, et non des moindres, s’orienter vers une production d’énergie renouvelable demeure plus coûteux en capital qu’une solution d’énergie fossile. Dans la promotion immobilière, il reste difficile de faire porter le coup de l’investissement initial par le promoteur, sauf à valoriser financièrement cette installation lors de la vente de logement. En revanche, pour des bailleurs sociaux, une installation de ce type permet de baisser les charges des locataires.

Techniquement, malgré le fait que les besoins d’énergie ne soient pas synchronisés avec la production, il y a des solutions.

La première, adapter ses usages à la production. Il s’agit de faire correspondre les consommations du bâtiment avec une GTB ("gestion technique du bâtiment"), pour déclencher les usages en priorité au moment de la production, par exemple le chauffe-eau électrique ou le lave-linge en journée plutôt que la nuit.

Deuxièmement, modifier les habitudes de travail des bureaux d’études et des architectes. En conception, il conviendra d’affiner au mieux les hypothèses de consommations et éviter de surdimensionner les installations. L’intégration croissante de l’intelligence artificielle pour recueillir les informations du bâtiment en cours d’exploitation, le développement de services de suivi des consommations énergétiques heure par heure, seront des atouts précieux. Il faut aussi modifier les orientations des panneaux pour éviter les pics de production et lisser la production, par exemple avec des doubles orientations Sud-est et Sud-ouest. Sur les bâtiments avec des toitures terrasses, les modules à silicium sont posés sur plots avec une inclinaison de 5 à 10° afin de faciliter l’évacuation de la chaleur dégagée par la lame d’air en face arrière des modules, améliorant ainsi le rendement du capteur en période estivale.

Exemple : une entreprise marseillaise, "Dual Sun", va plus loin en proposant une technologie hybride solaire/thermique pour récupérer les calories des panneaux photovoltaïques et produire de l’appoint d’eau chaude sanitaire ou de l’appoint pour chaufferie.

Pour l’architecte, de plus en plus habitué à intégrer les contraintes des lots techniques dans sa conception, il faudra désormais adopter une approche nouvelle de la 5ème façade (la toiture).

Troisièmement, stocker l’énergie. En l’état actuel des technologies, le bilan environnemental des batteries lithium-ion est incertain : extraction de terres rares, difficulté de recyclage, perte d’énergie par décharge. Les tarifs sont également élevés mais devraient baisser dans les années à venir.

Exemple : Tesla propose une batterie de 13,5 kWh pour 7000 €. Pour donner un ordre d’idée, un lave-linge consomme en moyenne 1 kWh pour un cycle de lavage, une télévision en moyenne 0,7 kWh par jour, un radiateur de 1500 W allumé à pleine puissance pendant 7h consomme 10,5 kWh.

D’autres technologies vont également concurrencer les batteries lithium, par exemple les piles à hydrogène (la génération de l’électricité se fait grâce à l’électrolyse). Le stockage à bas coût des énergies renouvelables couplé à une gestion intelligente du réseau sera la clef de l’indépendance énergétique du réseau français.

Il reste toujours possible, au lieu de stocker l’énergie non consommée, de la céder au réseau.

Évolution du modèle énergétique français

Favoriser l’autoconsommation, c’est mettre un pied dans le futur modèle énergétique français.

La décentralisation de la production est un vrai défi pour les gestionnaires de réseaux. En effet, les installations solaires se caractérisent par leur disparité de taille et de répartition, et par une production variable. Seul le pilotage en smart grids permet de gérer au mieux la réinjection sur le réseau pour être moins dépendant du stockage.

Ces dernières années nous ont appris à ne pas sous-estimer le secteur des nouvelles technologies, capable d’évolutions extrêmement rapides. Les acteurs ne cessent d’innover : on peut citer la Smart Building Alliance qui a lancé le concept de bâtiment "Ready2grids" ou encore la technologie de la "blockchain" citée comme support technique pour faciliter la revente d’énergie.

Les villes ont d’ores et déjà évolué. La densification urbaine et la métropolisation des territoires entraînent une baisse des surfaces au sol disponibles et une plus grande sollicitation des réseaux électriques. L’installation de panneaux solaires en toiture permet de réduire les conflits d’usage au sol et de limiter les besoins de renforcement du réseau. Le secteur du bâtiment est moteur, puisque l’expérimentation E+C- doit permettre d’aller vers des bâtiments à énergie positive dès la prochaine réglementation (RE 2020).

Et si la prochaine étape consistait à remettre au cœur des projets l’intérêt collectif, la mutualisation des moyens de production et la mise en place de circuits énergétiques courts ? Les TEPOS, "territoires à énergie positive", s’inscrivent déjà dans cette dynamique en se donnant pour objectif de "réduire les besoins d’énergie au maximum, par la sobriété et l'efficacité énergétiques, et de les couvrir par les énergies renouvelables locales".

En combinant l’innovation, l’expérimentation et le volontarisme, l’échelon local contribue, comme souvent, à inventer un nouveau modèle de société ; tout du moins un nouveau modèle énergétique.

Maxime Le Borgne, Cabinet d'avocats ANTELIS Rémy Costa Alves Jorge
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