Transfert conventionnel des contrats de travail et égalité de traitement

26.08.2021

Gestion d'entreprise

L'octroi d'une prime d'assiduité destinée à réduire les disparités entre les salariés transférés et ceux recrutés ultérieurement justifie la différence de traitement. Attention, toutefois, à la date de transfert effectif des contrats de travail.

Dans trois décisions rendues le 23 juin 2021, la Cour de cassation précise les modalités d'application du principe d'égalité de traitement des salariés en cas de transfert de leur contrat de travail ainsi que l'importance de la date de transfert du contrat de travail. 

Egalité de traitement et application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail 

Pour la première fois, la Cour de cassation apprécie les conséquences de l’application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail sur le principe d’égalité de traitement.

Jusqu'à présent, la Cour de cassation avait admis que l’application légale de l’article L. 1224-1 du code du travail pouvait justifier une différence de traitement par rapport aux salariés de l’entreprise d’accueil (Cass. soc., 11 janv. 2012, n° 12-14.614 P). De même, elle avait jugé que dans le cadre d’un transfert conventionnel des contrats le principe d’égalité de traitement pouvait être écarté (Cass.soc., 30 nov. 2017, n° 16-24.532 P). Cette jurisprudence avait d’ailleurs été consacrée par l’intégration dans le code du travail, avec la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, d’un nouvel article L. 1224-3-2 applicable au transfert conventionnel des contrats de travail dans le cadre d’un accord de branche étendu.

Mais, en l’espèce, il s’agissait d’une situation encore différente résultant de l’application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail par laquelle des salariés transférés avaient pu obtenir le maintien d’un 13e mois. D’autres salariés de la même société avaient demandé le bénéfice de ce 13e mois, ce qu’ils avaient obtenu devant les juges du fond sur le fondement du principe d’égalité de traitement.

La Cour de cassation a été d’un autre avis en alignant sa jurisprudence sur celle relative à l’application légale ou conventionnelle dudit article. Ainsi, elle précise que l’employeur qui a fait une application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail est fondé à maintenir l’avantage du 13e mois au seul bénéfice des salariés transférés sans que cela ne constitue une atteinte prohibée au principe d’égalité de traitement (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 18-24.809, n° 821 B).

Dès lors, quelles que soient les modalités de mise en œuvre de l’article L. 1224-1 du code du travail celles-ci peuvent être à l’origine d’une différenciation d’avantages au profit des salariés transférés sans que ceux de l’entreprise d’accueil puissent se prévaloir du principe d’égalité de traitement pour revendiquer un avantage maintenu au profit des salariés transférés par application légale, conventionnelle ou volontaire de l’article L 1224-1-du code du travail.

Egalité de traitement et volonté de réduire les disparités

Par ailleurs, la situation de transfert des salariés, qu’il s’agisse du transfert légal en application de l’article L. 1224-1 du code du travail ou du transfert conventionnel en raison des dispositions de certaines conventions collectives, soulève régulièrement le problème de l’égalité de traitement entre les salariés de l’entreprise d’accueil et les salariés transférés, ou même entre les salariés d’une même entreprise mais exerçant leur activité sur des sites différents.

C’est cette situation qui est soumise à la Cour de cassation dans un litige relatif à des salariés bénéficiant d’une prime d’assiduité dans le cadre d’un transfert conventionnel de leur contrat de travail, des salariés recrutés ultérieurement sur le même site d’activité que ceux transférés qui, par décision unilatérale de l’employeur, s'étaient vus attribuer cette même prime et d’autres salariés également compris dans un transfert conventionnel et exerçant leur activité sur un autre site de l’entreprise.

Ces derniers demandaient le paiement de la prime d’assiduité. Ils contestaient l’argument de l’employeur qui faisait valoir que l’extension de la prime d’assiduité à des salariés recrutés postérieurement à ceux transférés et pour lesquels la prime résultait du transfert, avait pour finalité la réduction des disparités entre salariés exerçant leur activité sur un même site.

Ainsi, en voulant satisfaire au principe d’égalité de traitement entre les salariés exerçant leur activité sur un même site par l’extension de la prime d’assiduité, l’employeur s’expose à la revendication, sur ce même fondement, d’autres salariés exerçant leur activité sur un autre site de l’entreprise.

La question est de savoir si, en l’occurrence, la différence de traitement résultant d’un engagement unilatéral reposait sur des raisons objectives et pertinentes pouvant justifier cette différence.

La Cour de cassation répond par l'affirmative. La justification de l’employeur c’est-à-dire la volonté de celui-ci de réduire les disparités entre les salariés compris dans un transfert conventionnel et ceux recrutés postérieurement est bien fondée sur une justification objective et pertinente permettant ainsi une différence de traitement (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-21.772).

Identité des dates de transfert de l'entité économique et du contrat 

Le transfert du contrat de travail d’un salarié en application de l’article L. 1224-1 du code du travail est réalisé lors du transfert effectif de l’entité économique et non à une date ultérieure décidée par l’entreprise cédante.

C’est ce principe que rappelle la Cour de cassation à l’occasion du litige opposant un salarié tout d’abord mis à disposition d’une filiale dont le contrat était ensuite transféré en application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Après avoir été licencié par la filiale, le salarié sollicitait sa réintégration auprès de son employeur d’origine estimant que le transfert de son contrat était irrégulier. Il est débouté de sa demande par les juges du fond qui ont admis que le transfert des contrats n’avait pas été fait lors de la filialisation pour ne pas exposer les salariés à la rupture de leur contrat tant que l’activité de la filiale n’était pas pérenne et que ce n’est qu’à compter de la mise en œuvre du volet social de la filialisation qu’était établie la modification originelle de la situation juridique de l’employeur. En l’espèce, le transfert des contrats intervenait plus de 9 ans après la mise à disposition de l’intéressé au sein de la filiale.

La Cour de cassation censure cette position et précise que le transfert d’une entité économique autonome s’opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d’assurer la direction de cette entité. Elle en déduit que lors du transfert des contrats, décidé par l’employeur, il n’y avait plus en l’espèce transfert d’une entité économique ce qui justifiait la demande de la réintégration du salarié auprès de son employeur d’origine (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 18-24.597, n° 800 B).

Michel Morand, Avocat, conseil en droit social

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