Dans cette chronique, Alexia Visca et Pierre Marco, respectivement responsable de mission et directeur du développement et des métiers de Secafi, associé au sein du groupe Alpha, appellent les sites industriels automobiles français à prendre sans tarder le virage de la révolution de l’empreinte carbone. Avec à la clef, cinq axes à avoir en tête pour réussir la bascule.
La filière automobile est la première à être concernée par la transition écologique en substituant les énergies fossiles à l’électricité. Le choix politique est posé et les constructeurs ont déployé leur stratégie industrielle pour répondre à ce cadre. Si chacun peut avoir un avis sur cette orientation, que ce soit sur la technologie retenue ou le timing, la déclinaison opérationnelle, elle, est déjà effective.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
La persistance d’un certain scepticisme envers l’électrique renvoie, selon nous, aux exigences économiques de certains acteurs, mais également à l’absence d’un récit autour d’une nouvelle filière automobile française. Pourtant, ce nécessaire récit pourrait notamment reprendre les éléments suivants :
- Mener une transition socialement juste. Soyons clairs, le passage à l’électrique est de nature à détruire de l’emploi : 40 % des emplois de la filière industrielle sont concernés. Selon une étude PFA (Plateforme automobile), les estimations de destructions d’emplois étaient a minima de 60 000 en 2018. Notons que cette transformation s’applique au sein d’un secteur déjà en décroissance structurelle : 20 000 emplois perdus entre 2018 et 2022 sans lien avec la fin du thermique. Il convient de donner de la visibilité sur ses perspectives pour chaque site concerné et de s’interroger sur ses enjeux sociaux spécifiques, comme la pyramide des âges, le bassin d’emploi, les compétences présentes. Donner de la visibilité sans compromettre la bonne exécution des productions est aussi un sujet de dialogue social : des outils existent comme les accords GEPP. Une transition juste nécessite aussi des moyens financiers, à mobiliser auprès de l’ensemble de la filière et les territoires pour permettre de déployer des actions de formation et de reconversion aux populations qui le souhaitent.
- Construire une solidarité de filière, absente ces dernières années. La filière automobile pourrait s’inspirer d’un modèle comme l’aéronautique pour lequel la notion de partenariat de long terme entre avionneurs et sous-traitants est une réalité. Le besoin de visibilité concerne l’ensemble de la filière, équipementiers et sous-traitance. Sans cela, la dynamique d’emploi et la construction de parcours de formation pour identifier et favoriser l’appropriation de nouvelles compétences nous paraissent fragilisées.
- Concrétiser une ambition de volume de production en France, garant des emplois et du renouvellement des compétences. Les discours politiques d’une filière à deux millions de véhicules semblent éloigner des plans industriels. Aucun engagement n’a pour l’instant été pris. Les prévisions de production sont systématiquement revues à la baisse, faute de projet véhicule structurant et à fort volume. La premium-isation de la filière automobile française atteint ses limites ! Les constructeurs ont réaffirmé une absence de positionnement en France de projets accessibles, compte tenu d’une exigence de profitabilité. Pourtant, les aides envers la filière sont significatives : le leasing à 100 euros est une opportunité d’affectation d’un modèle à plus fort volume en France. Ce qui n’est, pour l’instant, pas le cas. Dans le cadre de la planification écologique, les annonces ont concerné des véhicules fabriqués en Europe : Twingo en Slovénie (40 euros par mois dans le cadre du leasing social), C3 en Slovaquie (54 euros par mois dans le cadre du leasing social). Ces deux exemples montrent que les produire en France aurait pu être possible : les coûts de production sont certes plus élevés, mais ne représentent que le tiers du coût total. Or, sans ces "gros" volumes, l’investissement dans de nouvelles compétences sera fortement compromis, au détriment, on le craint, des salariés.
- Rendre cohérente notre production automobile française. L’écologie rime avec simplicité et légèreté, c’est justement l’histoire de la production automobile française. Le besoin d’un véhicule électrique de tous les jours, pour les trajets du quotidien, devient de plus en plus prégnant. ONG et syndicats trouvent un point de convergence : mieux vaut produire en France des véhicules simples, électriques et accessibles. Le succès récent de la Dacia Spring le confirme, il y a un bien un marché pour ce segment. Le projet Xtreme Defi de l’Ademe pour des solutions de mobilité innovantes mérite d’y porter une attention particulière. Notre filière industrielle existante peut contribuer à porter ces projets et répondre à des besoins pluriels et complémentaires à la voiture.
- Accélérer l’amélioration de l’empreinte carbone du véhicule électrique. Les choix stratégiques de démarrer l’électrification par le premium pénalisent l’empreinte carbone des véhicules électriques (lourdeur, taille des batteries, origine de l’électricité produite…). La filière doit accélérer sur le projet d’allégement du véhicule et de simplification du véhicule à l’échelle industrielle en France. Rien de vraiment nouveau : au Mondial de l’Auto de 2014, Renault et Peugeot avaient présenté deux véhicules avec une consommation de deux litres pour 100 km. Pourtant, aucun d’eux n’a passé le stade d’industrialisation. Les technologies et les compétences sont à disposition pour concevoir un véhicule électrique plus sobre et plus économique.
Le dernier point est stratégique pour ne pas basculer dans le scénario du pire, celui de l’échec de la filière face à l’enjeu d’électrification et à la disparition des emplois. Les constructeurs opérant en Chine sont déjà dans une démarche d’amélioration énergétique constante, puisque les bonus et aides en Chine sont conditionnés à un critère d’efficacité énergétique (12.1 kWh/100 km à 2025, là où les meilleures voitures actuelles ne sont qu’autour de 16 à 17 kWh/100 km). Si l’Europe s’accorde une "pause réglementaire", le risque est de prendre à nouveau du retard quant à l’amélioration environnementale des véhicules électriques. Cette situation rendra tout protectionnisme "vert" inopérant : les véhicules produits en Chine peuvent être plus vertueux que ceux produits en Europe s’ils consomment moins de matières et d’énergie.
Ces cinq axes déterminent les conditions d’acceptabilité et de réussite de la transition écologique de la filière automobile et, à ce stade, rien n’est perdu. Voilà de quoi redynamiser notre industrie, nos emplois, et faire adhérer l’ensemble des parties prenantes à l’électrification de la filière.
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