Les organisations patronales ont présenté lundi un avant-projet d’accord sur les reconversions professionnelles. Les syndicats s'opposent notamment à la mobilisation quasi-systématique du CPF, à la suspension du contrat de travail en cas de mobilité externe ou au recours du contrat de professionnalisation expérimental.
La négociation sur les transitions professionnelles, lancée le 20 mai, entre dans sa phase la plus délicate. Lundi, les partenaires sociaux ont pour la première fois examiné un avant-projet d'accord national interprofessionnel (ANI) élaboré par les trois organisations patronales - Medef, CPME et U2P. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'accueil a été froid : l'ensemble des organisations syndicales attend désormais une seconde version, prévue pour le 10 juin, avant de se prononcer.
Cet avant-projet constitue, selon le rituel des négociations interprofessionnelles, un texte "martyr" - autrement dit un brouillon destiné à être largement amendé. Les syndicats entendent bien peser de tout leur poids pour transformer ce document de travail avant d'envisager de le signer.
Sur la forme, le projet semble globalement respecter les orientations du ministère du travail. "Le plan semble convenir", estime Jean-Christophe Repon (U2P). L'objectif affiché est de simplifier drastiquement les dispositifs existants pour n'en conserver que deux.
Le premier, baptisé "projet de transition professionnelle" (PTP), reste à l'initiative du salarié, comme aujourd'hui, mais serait davantage orienté vers les salariés expérimentés et les métiers en tension. Le second, dénommé "période de reconversion", serait piloté par l'entreprise et couvrirait trois situations : le recrutement d'une personne ne disposant pas des compétences requises, l'accompagnement à la reconversion ou promotion interne, et enfin l'accompagnement à la reconversion externe, "particulièrement dans une logique d'anticipation des évolutions économiques, technologiques ou organisationnelles".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Mais sur le fond, les désaccords sont nombreux. Premier point de friction : la périodicité des entretiens professionnels. L'entretien classique passerait de deux à quatre ans, le rendez-vous bilan de six à huit ans. Un rythme que Michel Beaugas (FO) juge inadapté aux secteurs à forte rotation de main-d'œuvre, comme la sécurité ou le nettoyage.
Plus problématique encore aux yeux des syndicats : la place centrale accordée au compte personnel de formation (CPF). "Le CPF devient le dispositif central des parcours de formation", constate Jean-François Foucard (CFE-CGC). "Le CPF, jusqu'ici à la main du salarié, sert à tout financer, ce qui n'est pas acceptable", renchérit Sandrine Mourey (CFDT) qui dénonce une récupération du dispositif.
Dans cette première version, le CPF pourrait être mobilisé dans de nombreux contextes : mobilités internes et externes, conseil en évolution professionnelle, validation des acquis de l'expérience. Les syndicats ne s'opposent pas par principe à cette "co-construction", mais posent leurs conditions. "Nous souhaitons que les formations se déroulent sur le temps de travail et non sur le temps personnel", précise Aline Mougenot (CFTC). Surtout, ils réclament la signature d'accords de branche ou d'entreprise pour sécuriser ce co-investissement, plutôt qu'une logique de gré à gré.
La "période de reconversion" à l'initiative de l'entreprise, qui fusionne les dispositifs "transitions collectives" et Pro A, suscite les plus vives inquiétudes. D'abord parce qu'elle prévoit le recours au contrat de professionnalisation expérimental, un dispositif créé en 2018 pour cinq ans, prolongé jusqu'en 2024, mais aujourd'hui caduc (*). Ce contrat, initialement destiné aux personnes les plus éloignées de l'emploi, ne vise pas nécessairement l'obtention d'une certification officielle, ce qui fait "tomber la notion de qualification et de diplôme", regrette Sandrine Mourey.
Mais c'est surtout le sort réservé aux salariés en mobilité externe qui cristallise les oppositions. Si le contrat de travail et la rémunération sont maintenus en cas de mobilité interne, ils ne le sont plus pour une mobilité externe. Le contrat est alors "suspendu pendant la formation puis réputé rompu d'un commun accord" à son terme. Le salarié risque donc de se retrouver au chômage faute de trouver un point chute.
Cette disposition inquiète particulièrement la CFDT, qui craint que ce dispositif soit utilisé par les employeurs pour des restructurations "à froid", selon Yvan Ricordeau, permettant de contourner l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi.
Autre point de désaccord : le financement du projet de transition professionnelle (PTP). Lorsque la formation dépasse 850 heures, le texte prévoit un cofinancement obligatoire d'autres acteurs (Etat, régions, Opco). "C'est déjà le parcours du combattant pour se reconvertir, si en plus il faut aller chercher des cofinancements", s'inquiète Sandrine Mourey, qui rappelle qu'une formation d'infirmière représente 2 000 heures.
Cette disposition pose d'autant plus problème que toutes les branches professionnelles n'ont pas de contribution conventionnelle, créant une inégalité de traitement selon les secteurs d'activité.
Les partenaires sociaux se retrouveront le 12 juin pour poursuivre les discussions. L'objectif reste d'aboutir à un accord le 16 juin, un calendrier qui paraît aujourd'hui très serré au regard de l'ampleur des divergences à surmonter.
(*) Le contrat de professionnalisation expérimental fait actuellement l’objet d’une proposition de loi pour le pérenniser.
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