Un an après, quel bilan pour la loi Avenir professionnel ?

Un an après, quel bilan pour la loi Avenir professionnel ?

05.09.2019

Gestion du personnel

Christophe Pons, directeur de la formation d’Onet, Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT, Marc Dennery, consultant, co-fondateur de C-Campus, et Pierre Monclos, DRH et expert en digital learning au sein de Unow, dressent le bilan de la loi Avenir professionnel un an après sa promulgation. Le point sur les avancées, les ratés et les inquiétudes liées à la réforme.

Christophe Pons, directeur de la formation d’Onet et ex président de la commission emploi formation professionnelle de la branche propreté.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés

"La loi apporte deux mesures concrètes et prometteuses, l’Afest et le contrat de professionnalisation expérimental"

"2019 est une année transitoire. Mais nous pouvons retenir deux choses concrètes de la loi du 5 septembre 2018. Tout d’abord, la réforme a érigée l’Afest, Action de formation en situation de travail, au rang d’actions de formation. Cette méthode pédagogique est prometteuse. Désormais, un cursus peut se dérouler in situ pour favoriser la transmission de savoir-faire. La pratique n’est pas tout à fait nouvelle mais elle est désormais reconnue au même titre que le e-learning ou le présentiel. Pour ces différentes activités, Onet y a déjà eu recours pour former, par exemple, une centaine d'agents de propreté aux rudiments du métier. De fait, dans la propreté, le geste est important pour la technicité et la sécurité. Les formations en situation de travail sont les mieux adaptées pour intégrer les bonnes pratiques.

La deuxième mesure porte sur le contrat de professionnalisation expérimental. Il va permettre à des salariés peu qualifiés d’acquérir des compétences, sans obligation de qualification. Nous réfléchissons à sa mise en place début octobre.

Reste toutefois quelques inquiétudes. Est-ce que les salariés vont s’approprier le compte personnel de formation, sans incitation de la part de l’entreprise ? Les Opco vont-ils jouer un rôle d’accompagnement comme auparavant les Opca ? Et quid de l’offre de formation ? La réforme limite le recours aux fonds mutualisés. D’où la recherche d’une optimisation de notre politique d’achat de formation. Notre plan de développement des compétences sera dicté par ces contraintes budgétaires". 

 

Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT

 "Une dynamique se dessine sur l’apprentissage et l’on peut s’en réjouir"

 

"Pour nous, il n’y a ni avancée, ni loupé. 2019 est une année blanche, l’espace réglementaire doit se mettre en place. Le conseil en évolution professionnelle et le développement du CPF sont attendus pour fin 2019 ; la nouvelle gouvernance prend place progressivement. Il faudra plus d’un an pour inscrire cette loi dans le paysage de la formation professionnelle.

L’élément le plus positif est, pour l’heure, le développement de l’apprentissage. Une dynamique se dessine et l’on peut s’en réjouir. Mais plusieurs points de vigilance retiennent notre attention. D’une part, quel sera le comportement des salariés vis-à-vis du compte personnel de formation ? Certes, le dispositif devrait être plus simple et lisible avec l’application mais en même temps il est très difficile de s’orienter seul. De nombreuses questions jalonnent un parcours de formation. D’où l’importance de rendre concomitant la mise en place du conseil en évolution professionnelle et du CPF. D’autre part, on peut craindre avec la monétisation du CPF, un réflexe de thésaurisation. Les personnes risquent d’attendre plusieurs années pour accumuler des droits et investir dans le développement des compétences. Or, ce comportement conduira à un trou d’air. Ce qui est dommageable à la fois pour les individus, les entreprises et les organismes de formation.

A la CFDT, nous militons pour la négociation d’accords portant sur la co-construction du CPF. Mais nous ne constatons pas aujourd’hui de déclic sur ce sujet ".

 

Marc Dennery, co-fondateur de C-Campus, organisme de conseil en formation

 "Les entreprises ne pourront pas se soustraire à l’entretien professionnel récapitulatif planifié tous les six ans"

"Plusieurs choses semblent se dessiner. Parmi les bouleversements à venir, on peut retenir la mise en place du nouveau cadre de certification des organismes de formation, précisé par les décrets et arrêtés publiés au Journal officiel le 8 juin. Certains critères, appréciés au moyen d’indicateurs fixés par un référentiel national, au cours d’un audit réalisé par un organisme certificateur, vont être difficile à atteindre. Ainsi, certains organismes vont être à la peine pour adapter individuellement les cursus. De même, ils risquent de bloquer sur l’évaluation et le suivi des compétences acquises par les apprenants. Tous les prestataires ne passeront pas la barre de cette certification. On peut donc présager une réduction significative des organismes de formation.

L’autre point important concerne l’entretien professionnel. L’ordonnance « balai » a prévu une période transitoire, jusqu’au 31 décembre 2020, pour que les entreprises d’au moins 50 salariés se mettent en conformité avec le nouveau cadre réglementaire et évitent ainsi la pénalité. Mais ce délai n’est pas important. Ce qui est essentiel ici c’est le rappel de cette obligation. Précisons, en effet, qu’en 2020, les employeurs organiseront le premier entretien « état des lieux» planifié tous les six ans et instauré par la loi de 2014. Il doit servir à dresser un bilan du parcours professionnel et de l'accès à la formation du salarié. Il permettra de vérifier que la personne a suivi au moins une formation non obligatoire. Le changement de gouvernement en 2017 a laissé planer un doute sur la mise en œuvre de ce bilan récapitulatif. Mais la loi de 2018 maintient cette obligation et l’ordonnance la confirme. Aussi les entreprises ne pourront pas s’y soustraire. Or, beaucoup d’entre elles n’ont pas effectué ces entretiens professionnels, voire n’ont pas gardé de trace de ce tête-à-tête.

Ce laxisme risque de leur coûter cher ; les sanctions encourues s’élève à 3 000 euros à verser par salarié concerné. Cette somme ira alimenter indirectement son capital CPF. Toutes les entreprises qui ont un turn-over important ne seront pas pénalisées. Mais pour les autres, ce sera plus difficile. D’ores et déjà, certaines entreprises disent qu’elles vont provisionner ces sommes".

 

Pierre Monclos, DRH et expert en digital learning au sein de Unow

"Il y a en cette rentrée un déclic sur le numérique"

 "Il s’agit d’une très bonne réforme. En tant que responsable d’un organisme de formation axé sur la digital, je considère que la loi a le mérite de simplifier les règles. C’était une revendication de longue date, le droit de la formation étant ces dix dernières années de plus en plus complexe. Parmi les points positifs, on peut saluer la plus grande lisibilité du système de financement, avec une contribution unique à la formation et à l’alternance. Le sujet était si ardu que les grandes  entreprises disposaient de leurs propres spécialistes en ingénierie financière pour pouvoir monter les plans de formation. Demain, ce ne sera plus nécessaire.

Par ailleurs, on peut retenir la nouvelle définition d’une action de formation. Désormais, celle-ci se présente comme un parcours pédagogique qui permet d’atteindre un objectif professionnel. La loi de 2014 avait, certes, encadré les formations à distance mais la réforme de 2018 va permettre de passer à la vitesse supérieure. Les entreprises cherchent aujourd’hui à intégrer dans le plan de développement des compétences des modules en e-learning, des Spoc (Small private online course) ou encore des classes virtuelles. Il y a en cette rentrée un déclic sur le numérique.

Il va toutefois falloir revoir notre offre commerciale pour cibler le grand public. L’application prévue pour le CPF va changer la donne. Les formations vont devenir plus lisibles – nous avons du mal à trouver nos propres formations sur le site moncompteformation.fr. Nous communiquerons également en direction des entreprises qui peuvent jouer la carte de la co-construction. Des formations dédiées à l’acquisition des soft skills, comme des modules portant sur le développement personnel, la gestion du stress ou de  la confiance en soi, peuvent servir les intérêts à la fois des entreprises et des salariés.  On peut malgré tout redouter un trou d’air pour le dernier trimestre 2019. Les entreprises sont attentistes et nos clients nous indiquent qu’il est actuellement très compliqué de monter un dossier CPF.

Anne Bariet
Vous aimerez aussi