Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, les entreprises entament progressivement une refonte de leurs modes de management. Avec l’objectif d'accorder plus d'autonomie aux salariés et de liberté dans l’organisation de leur travail. Mais la lourdeur du système hiérarchique et la culture du présentéisme très ancrée en France complexifient la tâche.
La crise sanitaire a mis en avant la nécessité de faire évoluer les modes de management pour favoriser la confiance, la coopération plutôt que la défiance, le contrôle et la subordination. Les entreprises françaises ont-elles pris la mesure de ce changement ?
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Un autre modèle est en train de s’installer, à la fois sous l’effet du travail hybride, de la digitalisation et de l’amélioration de l’emploi. La fin du chômage de masse modifie le rapport de force et donne aux salariés plus de légitimité pour faire part de leurs aspirations et imposer des changements structurels auxquels ils ne pensaient pas prétendre ; leur priorité jusqu’ici étant de conserver leur emploi en dépit des insatisfactions.
Aujourd’hui, les salariés revendiquent plus de confiance, moins de contrôle. Et souhaitent travailler sans l’intervention d‘un tiers. Mais un tel changement ne se fait d’un coup baguette magique. Il faut une vision à long terme. Elle doit être portée par les dirigeants, puis déclinée progressivement au niveau du management pour qu’elle puisse irriguer l’ensemble du collectif. Le chemin sera long car la bascule est complexe. D’autant que notre modèle, quasiment inchangé depuis un siècle, était basé sur le triptyque "métro, boulot dodo" pour résumer.
Pourquoi ? Quels sont les obstacles à surmonter ? Dans une tribune du Monde du 13 octobre vous dénoncez les conséquences néfastes de la hiérarchisation des entreprises...

Effectivement, nous devons changer le logiciel de management, aujourd’hui fondé sur la hiérarchie, le pouvoir. L’hyper hiérarchisation des entreprises - on compte parfois une quinzaine de strates au sein des organisations - a conduit à parcelliser les tâches à effectuer en autant d’échelons hiérarchiques. Au point où le salarié situé en bas de l’organigramme ne dispose plus d’aucune marge de manœuvre puisqu’il dépend étroitement des décisions prises par ses supérieurs. D’où sa difficulté à comprendre la cohérence du projet final. Et à trouver sa place dans la chaîne de valeur.
De plus, en France, la culture du présentéisme est ancrée dans les esprits. Et continue même à faire des ravages depuis la mise en place du travail hybride. Or, malgré les craintes de certains, on n’observe pas de baisse de productivité avec le télétravail. En réalité, ceux qui ne travaillent pas au bureau ne travaillent pas non plus chez eux, et vice-versa.
Ces travers sont incompatibles avec une culture basée sur la confiance. Comment faire bouger ces lignes ?

La mise en place du télétravail à marche forcée pendant la crise sanitaire a conduit à une prise de conscience, d’autres modèles alternatifs de management existent. La culture du présentéisme ne signifie plus grand chose aujourd’hui. Mais face à ces mutations, les entreprises tâtonnent encore un peu : il ne s’agit pas de développer un mode de management spécifique, hybride, peu opérant à mon avis. Mais de définir un seul et unique mode de management, avec un principe déterminant pour le salarié : l’autonomie et la liberté dans l’organisation de son travail. Ce sont les collaborateurs qui se sentent plus aptes à déterminer leur propre organisation, à la semaine, sur un semestre ou sur l’année, afin de trouver un équilibre qui leur est propre. Évidemment en tenant compte de leurs contraintes de métiers mais là aussi, faisons leur confiance dans leur capacité à les intégrer.
Pour autant n’oublions pas que pour le moment cela ne concerne que 30 % des métiers mais la part progressera.
Les salariés se sont rendu compte pendant la crise qu’ils pouvaient travailler sans l’intervention d’un tiers et comptent bien tirer parti de cette période.
Le rôle du management est alors de mettre en cohérence ces aspirations, de faire fonctionner le collectif en tenant compte des impératifs personnels de chacun.
Reste que la tâche est loin d’être aisée : les entreprises encourent un risque juridique si elles ne garantissent pas les 35 heures par semaine et les 11 heures de repos entre deux journées de travail. Une telle organisation est parfois incompatible avec l’autonomie des salariés, certains préférant décrocher en fin de journée pour se remettre au travail en soirée, dans l’optique d’une meilleure conciliation des temps de vie.
Cette révolution managériale pose, en outre, la question du contrôle de la performance ? Comment la prendre en compte ? Faut-il mettre fin à l’entretien annuel d’évaluation ?

La question a été posée avant même la crise sanitaire. Mais la suppression de l’entretien d’évaluation n’est pas forcément la bonne solution. Les gens y sont très attachés ; il s’agit d’un moment unique où l’on peut parler du travail et des rémunérations. En réalité, il faut une approche moins infantilisante : car il ne s’agit pas d’évaluer uniquement la performance du salarié, mais sa contribution dans la chaîne de valeur de l’entreprise afin qu’il sache où il se situe. En quoi suis-je utile ? Qu’est-ce que j’apporte à l’organisation ?
Surtout l’entretien doit être l’occasion de garantir l’employabilité du salarié, en lui permettant une adaptation permanente de ses compétences. Comment anticipe-t-il les évolutions de son métier ? Et est-il prêt à les assumer ? C’est de ce rapport de confiance que découlera un nouveau rapport au travail.
Les managers sont-ils prêts à changer ce logiciel ?

Ils sont parfois confrontés à des injonctions contradictoires. Ils doivent répondre aux aspirations de leurs équipes mais ils ne disposent pas de tous les moyens nécessaires pour combler les insatisfactions. Il est d’ailleurs frappant de constater que la fonction séduit de moins en moins. Dans la tech, par exemple, les jeunes ne veulent pas être chef ou sous-chef mais changer simplement de projet.
En somme, la population la plus difficile à attirer ne se reconnaît pas forcément dans le modèle hiérarchique de l’entreprise. D’où l’intérêt d’apporter des solutions horizontales et non verticales. C’est une réflexion à prendre en compte pour que la fonction devienne à nouveau attractive. Ne perdons pas de vue aussi que l’extension probable et rapide de l'intelligence artificielle générative va là aussi bousculer beaucoup de choses et que les managers de proximité auront aussi à gérer les impacts organisationnels et de compétences de cette révolution en devenir.
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