Un cadre juridique renforcé pour rééquilibrer les relations commerciales lors de la vente de produits agricoles

02.07.2021

Gestion d'entreprise

Les délais de paiement plafond sont réduits, les avantages promotionnels encadrés et des nouvelles pratiques déloyales pourront désormais être sanctionnées.

Une ordonnance du 30 juin complète le code de commerce afin de renforcer le dispositif de lutte contre les pratiques commerciales déloyales entre opérateurs économiques de la chaîne agroalimentaire.

Elle achève ainsi la transposition de la directive européenne du 17 avril 2019 (Dir. (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil, 17 avr. 2019) en encadrant les relations entre fournisseurs et acheteurs dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, sans condition de chiffre d’affaires.

Ces aménagements concernent les contrats conclus dès le 2 juillet 2021. Ils ne seront toutefois applicables qu’à compter du 1er novembre. Quant aux contrats en cours d’exécution, leur mise en conformité avec le nouveau dispositif doit intervenir avant le 2 juillet 2022.

Encadrement des délais de paiement pour les contrats de vente de produits agricoles

Pour les achats de produits alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, le délai maximal de paiement était jusqu’à présent fixé à 30 jours après la fin de la décade de livraison. Plusieurs options sont désormais possibles en fonction de la nature du contrat (Ord., art. 1er, 2°) :

  • soit le même délai de 30 jours après la fin de la décade de livraison mais uniquement en cas de facturation périodique en fin de mois (CGI, art. 289, I, 3). Ce mode de facturation vise les livraisons de biens ou prestations de services distinctes réalisées au profit d’un même acquéreur ou preneur pour lesquelles la taxe devient exigible au cours d’un même mois civil ;

  • soit un délai de 30 jours mais cette fois-ci courant à compter de la date de livraison lorsque l’approvisionnement n’est pas régulier.

Remarque : il peut être dérogé à ces deux délais uniquement dans les contrats types pluriannuels liant les fournisseurs de raisins ou de moût destinés à l’élaboration de vins passibles des droits de circulation prévus à l’article 438 du CGI et leurs acheteurs directs. Deux conditions sont en outre requises : d’une part les contrats doivent avoir été rendus obligatoires avant le 1er janvier 2019 conformément à l’article 164 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013, de l’autre leur extension doit être renouvelée à compter de cette date sans modification significative des conditions de paiement au détriment des fournisseurs de raisins et de moût. Quant aux vins, ils sont désormais soumis au délai maximal de 60 jours à la date de facturation ;

  • soit 30 jours à compter de la fin du mois au cours duquel la livraison est effectuée pour les achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats d’intégration conclus dans le secteur des fruits et légumes (C. rur., art. L. 326-1 à L. 326-3). Une dérogation était déjà prévue dans le précédent régime mais les paiements étaient alors soumis à un délai de 60 jours ou 45 jours fin de mois date de facturation ;

  • soit 60 jours après la date d’émission de la facture pour les achats de produits agricoles et alimentaires non périssables. Toutefois, le délai court à compter de la date de livraison lorsque la facture est établie par l’acheteur.

Encadrement des avantages promotionnels pour les produits périssables

Le code de commerce encadre d’ores et déjà les promotions accordées par les fournisseurs au bénéfice des consommateurs dans le cadre de contrats de produits de grande consommation (PGC) (C. com., art. L. 443-2, I). Sont en particulier visés les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasse (fruits et légumes, à l’exception des pommes de terre de conservation, destinés à être vendus à l’état frais au consommateur/viandes fraîches, congelées ou surgelées de volailles et de lapins/œufs/miels).

Désormais, les conditions d’octroi de ces avantages doivent être fixées dans des mandats confiés au distributeur (Ord. art. 2, 1° ; C. com., art. L. 441-4, VII). Doivent ainsi être indiqués le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d’octroi et les modalités de mise en œuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur.

A noter toutefois : ce dispositif est temporairement inapplicable aux denrées alimentaires ou aux produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Un régime d’encadrement en volume et en valeur lui est en effet substitué jusqu’au 15 avril 2023 (L. n° 2020-1525, 7 déc. 2020, art. 125).

Nouvelles pratiques prohibées

L’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 a refondu une partie du code de commerce autour de trois pratiques illicites générales : le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, l’avantage sans contrepartie et la rupture brutale des relations commerciales (C. com., art. L. 442-1).

Ces dispositions, qui permettent d’obtenir réparation du préjudice en cas de mise en œuvre de pratiques commerciales prohibées, ne suffisent toutefois pas à assurer un équilibre dans le cadre particulier de l’achat de produits agricoles. Trois nouvelles interdictions sont donc mises en place (Ord. art. 2).

Elles sont assorties de sanctions administratives sévères. Les acheteurs qui ne les respecteraient pas encourent une amende maximale de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. En cas de récidive moins de 2 années après la première sanction devenue définitive, le montant maximal de l’amende est alors doublé.

Annulation de commande à trop brève échéance

Pour les achats de produits agricoles et alimentaires périssables et de viandes congelées ou surgelées, de poissons surgelés, de plats cuisinés et de conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, aucune annulation de commande ne peut désormais intervenir dans un délai inférieur à 30 jours.

Un décret à paraître pourra instaurer un délai encore plus court pour un secteur d’activité, une catégorie d’acheteurs ou un produit. Le délai ainsi écourté devra néanmoins laisser suffisamment de temps aux fournisseurs pour vendre leurs produits par l’intermédiaire d’un autre acheteur ou pour les utiliser eux-mêmes.

Obtention, utilisation ou divulgation illicite du secret des affaires

Le secret des affaires est désormais protégé. Tout acheteur de produits agricoles et alimentaires qui obtient, utilise ou divulgue de manière illicite ce type d’information s’expose à une amende administrative.

L’obtention illicite s’entend d’une connaissance intervenue sans le consentement de son détenteur légitime et résultant :

  • soit d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ;

  • soit de tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

Quant à l’utilisation ou à la divulgation, elle est illicite lorsqu’elle résulte soit de l’absence de consentement de son détenteur légitime, soit du fait d’agir en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.

Entrent également dans la sphère de l’utilisation illicite la production, l’offre ou la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires. Il faut toutefois que la personne auteur de ces faits ait su ou ait raisonnablement pu savoir que ce secret était utilisé de façon illicite.

Refus de confirmation écrite des conditions contractuelles

Lorsqu’un contrat portant sur des produits agricoles et alimentaires est conclu par oral, toute partie est en droit d’en demander la confirmation écrite. Le producteur, le transformateur ou le distributeur est tenu de se conformer à cette demande. A défaut, il s’expose à une sanction administrative.

Anne DEBAILLEUL

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