Un commissaire aux comptes révoqué pour ne pas avoir détecté des irrégularités comptables

Un commissaire aux comptes révoqué pour ne pas avoir détecté des irrégularités comptables

03.11.2021

Gestion d'entreprise

La Cour de cassation confirme les négligences d’un professionnel dans l’audit des comptes de son client. Le Cac n’a pas justifié de la mise en œuvre des procédures de contrôles prévues par les normes professionnelles.

508 000 euros détournées sur cinq exercices comptables successifs. Ces sommes, dissimulées dans la comptabilité de sociétés clientes appartenant à un même groupe, n'ont pas été détectées par un commissaire aux comptes (Cac), au centre d'une nouvelle affaire portée devant la Cour de cassation. Mais comment en est-on arrivé là ?

Après le départ du responsable administratif et financier du groupe, des anomalies comptables sont constatées. Le gérant de la société mère confie à un expert-comptable la mission de rechercher d’éventuelles fraudes. Ce professionnel du chiffre confirme les détournements qui portaient "sur les recettes remontant des différents points de vente, non reversées en banque" et avaient été masqués par des écritures comptables, "essentiellement des frais d’intérêts fictifs ou des fausses factures de fournisseurs". Le gérant de la société mère, ainsi que toutes les sociétés du groupe, se retournent contre leur Cac et l’assignent en référé afin qu’il soit relevé de ses fonctions. 

Aucune communication des faiblesses du contrôle interne

En première instance puis en appel, l'auditeur n'obtient pas gain de cause. Les juges estiment que ce dernier ne justifie pas de la mise en oeuvre des procédures de contrôle prévues par les normes d’exercice professionnel (NEP). En effet, le professionnel n'a communiqué que des éléments parcellaires de son dossier de travail. 

Selon les magistrats, le Cac ne pouvait pas - notamment - ignorer l'insuffisance du contrôle interne dans l'une des entreprises clientes. Le responsable comptable salarié, qui disposait à l’époque d’une procuration sur les comptes, cumulait plusieurs fonctions (enregistrement avec le paiement des factures fournisseurs, enregistrement des factures de vente et des recettes avec le dépôt en banque des espèces, enregistrement des opérations bancaires et contrôle de ces opérations). Or, dans une structure de petite taille, ces fonctions auraient dû être séparées. "L’analyse objective des tâches confiées à ce salarié aurait dû (…) conduire le commissaire aux comptes, dans le respect de la norme NEP 265 [communication des faiblesses du contrôle interne], à attirer l’attention, par écrit, de la direction sur les faiblesses du contrôle interne, d’autant qu’il existait un maniement significatif d’espèces au sein des sociétés du groupe", relevait le rapport de l'expert-comptable.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Pas de justification sur le temps de travail effectif

De plus, les juges déduisent des "investigations insuffisantes" dans l'exercice de la mission du Cac car ce dernier ne justifie pas du temps de travail effectivement consacré à chacune des sociétés du groupe pour les cinq exercices comptables concernés. L'auditeur s'est borné à fournir des extraits de documents et encore, sur deux exercices seulement. Ce qui ne permet pas d’apprécier les dates, lieux, durées et objets de ses interventions successives.

Pour rappel, l’article R 823-12 du code de commerce établit une grille du "nombre normal" d’heures de travail à effectuer en fonction du montant du bilan de l’entité (augmenté du montant des produits d’exploitation et des produits financiers). Une dérogation est possible de la part du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes. Parallèlement, la NEP 230 sur la documentation de l’audit des comptes oblige le professionnel à consigner dans son dossier de travail les éléments permettant à toute autre personne (ayant une expérience de la pratique de l’audit) d’être en mesure de comprendre, notamment, la nature, le calendrier et l’étendue des procédures d’audit effectuées.

Secret professionnel inopposable

Pour expliquer son refus de communiquer son dossier de travail, le Cac invoque l’argument du secret professionnel. Or, rappellent les magistrats, "un tel secret n’est pas opposable, conformément à l’article L. 823-16 du code de commerce, aux dirigeants des sociétés auditées à l’égard desquels le commissaire aux comptes est précisément tenu d’un devoir d’information". Le professionnel ne contestait donc pas ses fautes (non détection des anomalies comptables).

En cassation, le Cac argue encore que le juge ne pouvait pas se fonder uniquement sur une expertise non judiciaire réalisée à l’initiative d’une des parties (le rapport de l'expert-comptable diligenté par le gérant) car non contradictoire.

Mais, le 13 octobre dernier, la Haute juridiction répond que le commissaire aux comptes, lui-même, a produit un rapport d’expertise privé établi par un expert agréé par la Cour de cassation, et que ce dernier précise "qu’il serait nécessaire de consulter le dossier de travail [du Cac]" pour vérifier son exécution des procédures de contrôle... Le pourvoi du professionnel est donc rejeté. Et ce dernier sera donc bel et bien révoqué de ses fonctions.

Céline Chapuis
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