Un "congé réflexion carrière", une solution pour maintenir les seniors en emploi ?

Un "congé réflexion carrière", une solution pour maintenir les seniors en emploi ?

29.10.2023

Gestion du personnel

"Le gâchis de l’exclusion des seniors sur le marché du travail", tel était le sujet d’une conférence organisée par la Chaire TDTE jeudi. Après avoir analysé les principaux chiffres et explications au déficit d’emploi des 55-64 ans, mais aussi battu en brèche certaines idées reçues en la matière, les intervenants ont présenté leur proposition phare : un congé réflexion carrière obligatoire à partir de 50 ans.

Les chiffres sont désormais bien connus : le taux d’emploi des seniors français de 55 ans à 64 ans s’établit à un peu plus de 56 %, très en deçà de l’Allemagne (72 %) ou de la Suède (77 %). "C’est une perte considérable de richesse qui résulte de cette faiblesse de l’emploi des seniors. Au regard de ce que les seniors français apportent aux entreprises et aux jeunes employés, une telle faiblesse n’en est pas moins une folie française !". C’est avec ces mots que la Chaire "Transitions démographiques, transitions économiques" présentait sa conférence du 26 octobre. Si adapter le temps de travail, mieux accompagner les arrêts maladie ou généraliser le cumul emploi-retraite sont des pistes souvent évoquées dans le débat public, le panel des experts réunis à cette occasion appelle à prendre "des solutions drastiques", au premier rang desquelles la création d’un congé spécialement dédié à une réflexion sur la fin de carrière. Une proposition qui pourrait peut-être trouver sa place dans la négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors qui devrait débuter en novembre.  

Des bénéfices sociaux et économiques notables résultent de l’emploi des seniors 

Le postulat de départ partagé par tous les intervenants était que les seniors sont bel et bien un atout pour les entreprises et plus largement pour toute la société et l’économie. Tout d’abord, Alain Villemeur, directeur scientifique de la Chaire, démontre que l’emploi des seniors ne se fait pas au détriment de celui des jeunes. C’est même le contraire puisque le capital d’expérience des plus âgés accompagne le capital d’innovation des juniors, créant une complémentarité et non une substituabilité. C’est "une folie malthusienne de voir l’emploi comme un gâteau fini", insiste la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet.  

De son côté, Marion Desreumaux, cheffe de pôle Etudes à l’Apec, témoigne des qualités que les managers reconnaissent aux seniors : expertise précieuse, meilleure gestion du temps et des difficultés, compétences relationnelles, loyauté, "passeurs d’histoire" pour l’entreprise, etc. Tous s’accordent donc pour dire qu’il est urgent de lever les stéréotypes négatifs attachés aux 55-64 ans pour leur redonner une place centrale sur le marché du travail, et ce d’autant plus que cela aurait un impact déterminant à une échelle macroéconomique. Selon les estimations de la Chaire, un taux d’emploi de 71 % des seniors en 2042 s’accompagnerait en effet d’une hausse de 10 points de celui des jeunes, mais aussi de + 8 points de PIB, soit près de 200 milliards d’euros de gains pour l’économie française. "Un enjeu considérable, que d’autres pays ont découvert depuis longtemps".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Les seniors aussi ont besoin d’être valorisés, formés, et d’aimer leur travail 

Alors oui, comme le montre l’avocate Marie-Alice Jourde, ce sont parfois les entreprises - et notamment les grandes - qui se séparent de leurs salariés âgés. Et oui, parmi les 30 % qui sortent du marché du travail sans aller à la retraite, certains le font pour des raisons indépendantes de leur volonté telles que des problèmes de santé par exemple (39 %). Sauf que chez les seniors ni en emploi ni à la retraite, 44 % le sont pour une "autre raison" que la santé ou le chômage. Mais qu’est-ce qui motive leur volonté ou non de se maintenir en emploi ou d’en chercher un nouveau ? Les résultats de Samba Sawane, chargé de recherche de la Chaire, sont sans appel : un senior insatisfait de son travail aura une probabilité de se maintenir en emploi de 28 % inférieure à celle d’une personne satisfaite. Ainsi, autant que les autres, les seniors ont des attentes au travail, ce qui amène Jean-Hervé Lorenzi, titulaire de la Chaire TDTE, à considérer qu’aujourd’hui le problème central à l’emploi des seniors est un manque de perspective, de respect et de salaire. Il faut alors "repenser le désir de travailler de la part des seniors", leur donner envie de rester dans l’emploi. Or le Céreq l’a récemment illustré, ils demeurent souvent exclus des processus de formation et évoluent peu… 

Prendre le temps de réfléchir et d’anticiper sa fin de carrière, LA solution selon la chaire 

Pour favoriser l’emploi des seniors, il faudrait donc mettre fin aux discriminations par les entreprises à leur encontre, mais aussi adapter leur travail pour qu’il soit soutenable jusqu’à la retraite et écouter leurs attentes et besoins. Face à ces conclusions, la Chaire TDTE propose de rendre obligatoire un "temps de réflexion stratégique" pour faire le point, préparer le projet professionnel pour les 10 ou 15 dernières années de carrière, et prévenir la perte d’employabilité : le congé réflexion carrière. Il s’agirait d’un congé obligatoire pour tous les actifs (chômeurs inclus) de 50 à 53 ans, d’une durée pouvant aller jusqu’à un mois (continu ou non), pendant lequel le salarié peut faire un bilan de compétences et exprimer ses aspirations professionnelles. De son côté, l’entreprise pourrait présenter ses besoins en compétences et les opportunités disponibles, avec pour but de permettre au salarié de découvrir d’autres métiers et de s’y projeter. Sur les modalités d’application, le congé serait formalisé à travers des accords de branche et financé par France Travail, qui signerait alors une convention avec le travailleur. Un bilan de suivi serait prévu un an après la conclusion du congé avec des réponses adaptées à la situation : 

  • si le salarié est satisfait, aucune démarche supplémentaire ne serait initiée ; 
  • s’il exprime un besoin d’évolution, des formations internes en lien avec ses envies et les besoins de l’entreprise lui seraient proposées ; 
  • s’il souhaite se reconvertir, un accompagnement et des formations par France Travail seraient prévus ; 
  • s’il est au chômage, un programme distinct serait mis en place pour favoriser une réintégration cohérente avec ses aspirations. 

Le congé encouragerait donc les entreprises à reconnaître et investir dans le potentiel des salariés bientôt seniors tout en remettant le projet professionnel et personnel des concernés au centre, le tout dans l’objectif de les maintenir en emploi ou de les y amener à nouveau. Une nouvelle idée pour répondre à la nécessité de garder les seniors en entreprise, nécessité d’autant plus grande que, comme le dit la vice-présidente du Medef, Paola Fabiani, "les compétences se périment, le talent se bonifie". 

Elise Drutinus
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