Un phénomène extérieur au bien vendu peut constituer un vice caché

15.09.2022

Immobilier

Viole l’article 1641 du code civil en ajoutant à la loi une restriction qu’elle ne comporte pas la cour d’appel qui, pour rejeter l’action en garantie des vices cachés engagée par l’acquéreur d’une maison en raison de nuisances provenant de l’échouage saisonnier d’algues sargasses, retient qu’un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible, ne constitue pas un vice caché.

Une maison située au bord de l’océan en Martinique est vendue par sa propriétaire. Invoquant un défaut d’information sur les nuisances liées à l’échouage saisonnier d’algues sargasses (macro-algues nauséabondes en raison d’émissions de sulfure d'hydrogène), l’acquéreur a assigné la venderesse en annulation de la vente pour dol, et subsidiairement, en résolution de la vente pour vice caché.

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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Le mensonge délibéré suffit à caractériser un dol

S’agissant du dol, il invoque les réponses mensongères obtenues de la venderesse à ses demandes répétées au sujet de la présence de sargasses et des émanations toxiques. Ayant un enfant souffrant de problèmes respiratoires, la présence ou non d’algues sargasses constituait un élément déterminant du consentement de l’acquéreur. La cour d’appel rejette néanmoins sa demande en annulation de la vente pour dol, en relevant qu’il n’était pas établi que la venderesse avait conscience de ce caractère déterminant.
La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1137 du code civil. Selon ce texte, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges (al. 1), et c’est aussi la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie (al. 2). Ici, le dol était constitué par les réponses mensongères apportées volontairement pour cacher le problème des sargasses à l’acheteur. Peu importe que la venderesse ait su ou non qu’il s’agissait d’une information déterminante pour l’acquéreur, les alinéas 1 et 2 de l’article 1137 ne sont pas cumulatifs.

Un vice caché peut être extérieur à la chose vendue

S’agissant du vice caché, la demande de l’acquéreur en résolution de la vente est également rejetée par les juges du fond. Ils estiment que les émanations dues aux algues ayant leur cause dans un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible, ce phénomène exonère la venderesse de la garantie des vices cachés.
Sur ce point aussi, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel. Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu à la garantie contre les vices cachés de la chose vendue lorsqu’ils la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qu’ils diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Or, tel est bien le cas dans la présente affaire, ni plus ni moins.
La Cour de cassation en conclut qu’en écartant la résolution de la vente au motif qu’un phénomène extérieur, naturel et imprévisible ne constitue pas un vice caché, la juridiction du second degré a ajouté à la loi une restriction qu’elle ne comporte pas, violant ainsi les dispositions de l’article 1641 du code civil.
Ce faisant, la Cour de cassation ouvre la porte à la reconnaissance de vices cachés environnementaux, nécessairement extérieurs à la chose vendue, alors que la jurisprudence tendait plutôt à considérer qu’un vice caché est « nécessairement inhérent à la chose elle-même » (Cass. 1re civ., 8 avr. 1986, n° 84-11.443 : Bull. civ. I, n° 82).
Désormais, un phénomène extérieur, naturel, imprévisible, s’il entraîne une impropriété à l’usage de la chose vendue, peut donc constituer un vice caché, même s’il ne s’analyse pas en une défectuosité intrinsèque de la chose. Les vendeurs et leurs conseils devront donc redoubler de vigilance dans les informations, y compris extérieures à l’immeuble, dues aux acquéreurs…

Laurence DARTIGEAS-REYNARD, Dictionnaire Permanent Transactions immobilières
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