Dans un rapport remis hier à Catherine Vautrin, la députée Stéphanie Rist formule une dizaine de propositions pour lever le tabou de la ménopause en entreprise. Un sujet quasi absent des politiques RH et des négociations collectives malgré ses impacts sur la vie professionnelle de millions de femmes.
La députée Stéphanie Rist (Ensemble pour la République) a remis hier à Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, un rapport comprenant 25 propositions pour garantir une prise en charge adaptée de la ménopause. Une dizaine d'entre elles concernent particulièrement le monde du travail.
"Aujourd'hui, en France, à de rares exceptions, la ménopause n'est prise en compte ni dans les politiques managériales, ni dans le dialogue social", constate la parlementaire dans son rapport. Elle souligne l'absence de cette question dans les négociations interprofessionnelles sur l'emploi des seniors, la qualité de vie au travail ou la retraite, qui ont fait "l'impasse" sur ce sujet alors qu'il concerne directement une grande partie des femmes en emploi dans cette tranche d'âge. "Au Royaume-Uni, par exemple, une femme sur cinq a pu prendre des jours de congé en raison de ses symptômes", précise-t-elle.
Dans les entreprises françaises, le constat est tout aussi sévère : la ménopause demeure un sujet tabou. La députée a sollicité l'ANDRH pour diffuser un questionnaire sur cette thématique auprès de son réseau. Seuls 35 DRH ont répondu, alors que l'association compte plus de 5 500 adhérents, un taux de participation révélateur du malaise entourant le sujet.
La grande majorité des sondés indique d'ailleurs que la ménopause n'est pas prise en compte dans les politiques RH de leur entreprise. "Ce constat met en évidence un manque de sensibilisation et d'intégration de cette problématique dans les stratégies de gestion des ressources humaines", souligne Stéphanie Rist. Les DRH déclarent généralement ne pas avoir connaissance des bonnes pratiques en milieu professionnel, à l'exception de quelques initiatives comme la mise en place d'un kit de sensibilisation.
Seuls quelques-uns reconnaissent que la santé des femmes et la ménopause devraient être incluses dans les discussions sur l'emploi des seniors et les négociations collectives. Mais tous ne partagent pas ce point de vue.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Côté syndical, la réflexion "n'est pas encore un sujet abouti". Certes, plusieurs organisations syndicales ont d'ores et déjà commencé à travailler sur cette question, dans les branches professionnelles et les entreprises. Mais peu d'accords ont été conclus.
La Direction générale du travail (DGT) a recensé 34 accords collectifs entre 2021 et 2024 prévoyant un congé menstruel. Parmi ces dispositifs, un seul mentionne explicitement la prise en compte des périodes de ménopause en plus des menstruations. Il s'agit d'un accord conclu par l'association Les Eaux Vives-Emmaüs, signé le 24 juin 2024, qui prévoit un jour par mois fractionnable en demi-journées ou en heures. Ce congé est non cumulable avec d'autres congés, non reportable d'un mois à l'autre. Aucun délai de prévenance n'est nécessaire et il n'est pas requis de fournir un certificat médical. Les salariées ont également la possibilité de passer en télétravail.
A noter également un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels d'une entreprise d'assurances qui mentionne "explicitement la prise en compte des besoins liés à l'âge, et en particulier de la ménopause".
Les organisations patronales ne sont pas convaincues de l'opportunité de faire de la ménopause un sujet de dialogue social. Si le Medef reconnaît l'importance de traiter la santé des femmes dans le monde du travail, y compris les effets de la ménopause, il rejette certaines mesures spécifiques comme des congés dédiés.
La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) considère qu'il s'agit d'une question relevant "avant tout de la sphère privée". L'Union des entreprises de proximité (U2P) adopte une posture prudente, "considérant ce sujet comme secondaire par rapport à d'autres enjeux RH jugés prioritaires, tels que l'égalité salariale, la parentalité ou encore l'organisation du télétravail".
Pour inverser la tendance, le rapport formule une dizaine de propositions. Il conseille tout d'abord aux employeurs d'utiliser la visite médicale de mi-carrière au sein des services de prévention et de santé au travail (SPST) pour aborder d'éventuels symptômes de la ménopause et leur impact potentiel sur le travail.
Il préconise également des formations à tous les niveaux de management et aux ressources humaines afin de les sensibiliser sur le sujet. Le rapport recommande par ailleurs la prise en compte de la ménopause dans les évaluations des risques professionnels et la mise en place de mesures adaptées.
Plus globalement, la députée met en avant la nécessité d'évaluer le coût économique de la ménopause, d'intégrer cette question dans le 5e plan santé au travail (PST 5), de créer un guide "Ménopause sur le lieu de travail" à destination des managers et des salariés, et d'intégrer le sujet dans les politiques RH et managériales des grandes entreprises.
Selon Stéphanie Rist, 17 millions de femmes sont concernées par la ménopause en France. Or, l'arrêt du cycle ovarien a des conséquences significatives sur le bien-être professionnel : perturbations du sommeil, problèmes de concentration, fatigue accrue, modifications dans le rapport au collectif de travail... Autant d'aspects qui justifieraient, selon la parlementaire, une attention accrue des entreprises.
► En réaction au rapport, Catherine Vautrin a annoncé deux mesures : une meilleure prise en compte de la ménopause dans le monde professionnel, notamment via son intégration dans les visites médicales de mi-carrière (à 45 ans) et la commande d’une étude économique par France Stratégie pour mesurer les impacts de la ménopause sur l’activité professionnelle des femmes.
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