Un salarié peut-il exiger le report de ses congés payés ?

Un salarié peut-il exiger le report de ses congés payés ?

17.11.2022

Gestion du personnel

Chaque semaine, L'appel expert, service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre Sarrut, répond à une question pratique que se posent les services RH.

Quel est le principe concernant la prise de congés payés ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés

Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur (article L.3141-1 du code du travail). Ce droit doit s'exercer en nature et ne peut être remplacé par le versement d'une indemnité compensatrice. En principe, ni l'employeur ni le salarié ne peuvent exiger le report de tout ou partie des congés payés sur l'année suivante.

Il existe toutefois des exceptions à ce principe. 

Quelles sont les exceptions légales ? 

Il en existe plusieurs.

1) Le salarié qui souhaite bénéficier d'un congé sabbatique peut demander le report des jours de congé qui excèdent 24 jours ouvrables (5e semaine de congés payés) sur une durée maximum de six ans (soit 36 jours ouvrables sur six ans) comme le permet l'article L.3142-120 du code du travail.

2) Le salarié peut placer sur un compte épargne temps (CET) ses congés payés pour la durée excédant 24 jours ouvrables comme le prévoit l'article L.3151-2 du code du travail. 

3) L'article L.3141-22 du code du travail permet également au salarié dont la durée du travail est décomptée annuellement de reporter des congés payés au titre de l'année de référence. 

4) En cas de maternité, l'article L.3141-2 du code du travail autorise la salariée à reporter ses congés à l'issue de son congé maternité.

► Attention, une salariée qui part en congé parental juste après un congé maternité ne peut bénéficier de ce report si elle demande à poser le reliquat de ses congés après la période de prise des congés payés. Si la salariée n'a pas soldé ses congés à l'issue de son congé maternité, elle en perd le bénéfice (arrêt du 2 juin 2004).

Quelles sont les exceptions jurisprudentielles ?

Là encore, il en existe plusieurs.

1) En cas de maladie professionnelle ou non professionnelle et d'accident du travail, la Cour de cassation a consacré le droit au report. Les congés payés acquis peuvent être pris après la date de reprise du travail (voir notamment arrêt du 24 février 2009 ; arrêt du 3 février 2010 ; arrêt du 28 septembre 2011). Le refus de l'employeur de faire bénéficier le salarié du report l'expose au versement de dommages-intérêts (arrêt du 27 septembre 2007).

2) La jurisprudence a également consacré le droit au report des congés payés en cas d'éviction de l'entreprise. Ainsi, dans un arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation a décidé que le salarié qui est réintégré dans l'entreprise peut prétendre à un rappel de congés payés pour la durée allant de son licenciement à sa réintégration. Ce temps est considéré comme du temps de travail effectif pour l'acquisition de congés payés. 

Est-il possible de décider du report de congés d'un commun accord ? 

La jurisprudence accepte que les parties puissent décider d'un commun accord le report des congés payés. L'accord doit être explicite (par écrit). L'accord implicite est toutefois parfois admis par la jurisprudence. Tel est le cas lorsque le solde de congés payés acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours est inscrite sur le bulletin de paie. Les juges estiment que cela vaut accord implicite de l'employeur (arrêt du 27 septembre 2007 ; arrêt du 9 janvier 2013 ; arrêt du 9 juillet 2015).

► A noter que la reconnaissance de l'accord implicite relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

En revanche, le silence gardé par l'employeur face à une demande de report ne vaut pas acceptation tacite (arrêt du 22 juin 1994).

Un usage d'entreprise peut-il permettre le report de congés payés ? 

Un usage d'entreprise peut également permettre le report des congés payés. L'employeur qui souhaiterait y mettre un terme devra respecter les conditions de dénonciation d'un usage : information individuelle des salariés, informations des représentants du personnel et délai de prévenance (arrêt du 5 octobre 1993).

Peut-on limiter dans le temps le repos de congés payés ?

La CJUE, dans une décision du 22 novembre 2011 a précisé qu'il était possible de limiter le report des congés payés. En effet, un report illimité des congés payés ne répondrait pas à la finalité du congé qui est de permettre au salarié de se reposer et ne tiendrait pas compte des difficultés occasionnées à l'employeur pour l'organisation du travail. Une législation nationale ou une convention collective peuvent donc limiter la période de report des congés payés et prévoir qu'à l'expiration de ce délai, le salarié ne pourra plus y prétendre.

► Attention toutefois, la période de report doit avoir une durée supérieure à celle pour laquelle elle est accordée.

Quelles sont les règles applicables au report de congés ?

Les congés reportés sont de même nature que les congés acquis. Les règles de fixation de l'ordre des départs donc s'appliquent de la même manière. L'employeur qui entend imposer au salarié de solder l'intégralité de ses congés sans délai de prévenance commet un exercice abusif de son pouvoir de direction  (arrêt du 8 juillet 2020).

Florence Mehrez
Vous aimerez aussi